Vives controverses après l’interdiction des importations d’alcool
Une loi controversée votée il y a sept ans mais jamais appliquée interdisant l’importation, la production et la vente de boissons alcoolisées sur le territoire irakien est discrètement entrée en vigueur il y a un mois. Elle contrevient au droit des minorités non musulmanes et aux libertés individuelles, selon ses contempteurs. L’article 14 de cette législation « interdit d’importer, de produire et de vendre des boissons alcoolisées ». Les détracteurs de l’interdiction soulignent que celle-ci bafoue les libertés individuelles et notamment les droits des minorités religieuses du pays. La nouvelle loi contredit une décision gouvernementale imposant une taxe douanière de 200 % sur les « boissons alcoolisées importées », pour une durée de quatre ans.
La consommation d’alcool est un sujet clivant en Irak et ce n’est pas la première fois que l’interdiction fait débat. Si des boutiques spécialisées, dont les propriétaires sont en général issus des minorités chrétienne ou yézidie, ont pignon sur rue à Bagdad, restaurants et hôtels proposent rarement de l’alcool et la consommation reste mal vue, souligne Middle East Eye. Cette décision se base sur une loi qui « suscite la controverse », explique le site irakien indépendant Al-alam Al-jadid. Selon le texte de loi, les contrevenants risquent une amende allant de 10 millions à 25 millions de dinars irakiens (de 7 200 à 18 000 euros), rapporte par ailleurs L’AFP. Malgré les récentes initiatives gouvernementales, les boutiques d’alcool sont restées ouvertes à Bagdad. Samedi après-midi, ces magasins fonctionnaient normalement, même si l’un d’eux reconnaissait que son stock s’épuisait.
La loi avait été votée en 2016 par le Parlement mais n’était jamais entrée en vigueur. La semaine dernière, les cinq députés du bloc chrétien au Parlement ont présenté un recours contre la loi devant le Tribunal fédéral, arguant de l’inconstitutionnalité de l’article en question et du non-respect des droits des minorités, a indiqué à L’AFP le parlementaire Duraid Jameel. « Cet article 14 restreint les libertés et contrevient à la Constitution irakienne qui accorde ces libertés », a estimé Moustafa Saadoun, de l’observatoire irakien pour les droits de l’homme. « Cette loi fait partie d’un ensemble global qui vise à restreindre les libertés », confiait-il récemment à L’AFP, les autorités ayant également lancé une campagne pour emprisonner Youtubeurs et Tiktokeurs accusés de partager des « contenus décadents ».
Rencontré dans le quartier de Kerrada, dans le centre de Bagdad, Sarmad Abbas, agent immobilier de 44 ans, reconnaît l’interdiction religieuse pour les musulmans de boire de l’alcool. « Mais ce sont des libertés personnelles, on ne peut pas interdire au citoyen de les pratiquer », souligne-t-il, estimant qu’avec la nouvelle mesure, « tout va se faire au marché noir ». Sur Twitter, le militant Yazidi Murad Ismael rappelait récemment que contrairement à l’islam, d’autres religions « n’interdisent pas l’alcool, mais la législation leur impose les mêmes contraventions ». La nouvelle loi contredit une décision gouvernementale adoptée le 14 février, qui imposait une taxe douanière de 200 % sur les « boissons alcoolisées importées », pour une durée de quatre ans. La région autonome du Kurdistan, limitrophe de la Turquie dans le nord de l’irak et qui gère ses propres postes-frontières, n’est pas automatiquement concernée par ces mesures du gouvernement fédéral.