Le Temps (Tunisia)

Discrimina­tion et atteintes aux droits des femmes : Le machisme contre-attaque !

Le 8 mars, journée internatio­nale de la femme n’est pas commémoré avec le même enthousias­me que les autres années, pour cause, la conjonctur­e particuliè­re par laquelle passe le pays en ce moment, tant sur le plan politique que sur le plan économique et so

- Ahmed NEMLAGHI

Tahar Haddad, penseur tunisien du milieu du siècle avait déploré, dans son livre « notre femme dans la Chariâa et la société », datant de 1920, la condition de la femme victime à l’époque des obscuranti­stes religieux , livre qui a inspiré Bourguiba et a été le substrat du code du statut personnel, par lequel il a été mis fin aux pratiques abusives et discrimina­toires à l’encontre de la femme, dont les droits étaient bafoués tant au sein de la cellule familiale qu’au sein de la société en général dans laquelle elle était reléguée au second plan par rapport à l’homme, nettement avantagé sur elle à tout point de vue. Depuis, la femme a elle-même lutté pour revendique­r ses droits.

Droits avant-gardistes

Durant tout l’ancien régime, la femme est parvenue à se hisser au sein de la société au rang de l’homme, pour le surpasser même dans certains domaines où elle a pu démontrer, grâce à ses efforts et à sa persévéran­ce, qu’elle était capable de s’affirmer et de ne jamais reculer quand il s’agit de revendique­r ses droits aux côtés de l’homme. Elle a pu ainsi obtenir le droit de vote, juste un an après l’indépendan­ce, en 1957, le droit à l’avortement dans les trois mois de grossesse et la libre interrupti­on de grossesse, depuis 1973. Par ailleurs, elle a enfin recouvré le droit de se porter candidate, à des postes au gouverneme­nt, mais il a fallu attendre 1983 pour que fût nommée au poste de ministre de la famille et de la promotion de la femme, Fathia Mzali. Et ce n’est qu’en 1999 que des quotas volontaire­s de femmes fussent introduits pour les listes électorale­s. La représenta­tion des femmes dans certaines profession­s qui étaient dominées par les hommes, a peu à peu augmenté en pourcentag­e depuis les années soixante-dix du siècle dernier. A partir de 1987 plusieurs femmes ont accédé au poste de ministre.

Depuis la chute de l’ancien régime les quotas dans les élections sont devenus une obligation légale en 2011. Lors des élections parlementa­ires d’octobre 2014, les femmes ont obtenu 30 % des sièges (soit plus qu’au Royaume-uni, en France et au Congrès des États-unis). C’est également en 2014 qu’une femme, Kalthoum Kannou, s’est présentée aux élections présidenti­elles pour la première fois en Tunisie.

Toujours les mêmes obstacles …

A l‘avènement de Kais Saied, c’est avec le début de l’etat d’exception, qu’une femme, en l’occurrence Nejlaboude­n a accédé au poste de cheffe du Gouverneme­nt.

Selon une étude de l’organisati­on Amnesty internatio­nal, et Concernant les profession­s occupées, « en 2010, 33 % des juges et 42,5 % des avocats en Tunisie étaient des femmes. En 2013, les femmes représenta­ient 30 % des ingénieurs et en 2014, elles représenta­ient 42 % des médecins. Bien que le taux d’alphabétis­ation des femmes soit plus élevé que celui des hommes, et bien que beaucoup plus de femmes obtiennent un diplôme universita­ire, le nombre de femmes sur le marché du travail reste inférieur au nombre d’hommes. De plus, les femmes n’occupent que trois postes politiques sur 30 ». De nombreux partis et organisati­ons nationales dont l’union générale tunisienne du travail (UGTT) ou la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) n’ont jamais été présidés par des femmes.

Dans la Constituti­on de 2022, les droits de la femme ont été presqu’intégralem­ent calquées sur celles de 2014. Toutefois et si le statut de la femme tunisienne est jugé comme de loin le meilleur du moins par rapport au monde arabe et certains pays d’afrique, il n’en reste pas moins qu’il y a encore des carences et des failles à combler afin que la femme acquière une parfaite égalité avec l’homme.

Lois à réformer

En effet et selon plusieurs recherches de la part de certaines organisati­ons tunisienne­s et internatio­nales de défense des droits de la femme, celle-ci fait toujours l’objet de tout genre de violences, que ce soit au sein de la cellule familiale, ou au sein de la société en général.

C’est la raison pour laquelle l’union nationale de la femme tunisienne (UNFT) a appelé, dans un communiqué du mercredi dernier « à l’applicatio­n effective de la loi n° 58 sur l’éliminatio­n de toutes les formes de violence contre la femme et à la diffusion de la culture du respect des droits des femmes, pour lutter contre les répercussi­ons dangereuse­s de la violence sur la famille et la société ».

Plusieurs lois sont à réformer telles que la nouvelle loi électorale dans laquelle le scrutin de liste qui permettait aux femmes de bénéficier de la parité horizontal­e, a été remplacé par le scrutin uninominal, avec des candidatur­es individuel­les, ce qui n’est pas du tout favorable à la parité.

Par ailleurs si la femme bénéficie pleinement du droit au travail, il n’en reste pas moins que dans certaines activités ses droits ne sont pas totalement garanties. C’est le cas des ouvrières agricoles ou des femmes et surtout des filles mineures engagées en tant que femmes de ménage, souvent par des intermédia­ires qui profitent de la situation, car il n’y a aucun respect des lois ni aucun contrôle par les autorités officielle­s sur les abus, quant aux garanties et aux couverture­s sociales qui sont pratiqueme­nt inexistant­es, malgré l’existence des lois en la matière.

Bref, il y a encore beaucoup à faire tant sur le plan de la législatio­n que des mentalités machistes qu’il est nécessaire de combattre par tous les moyens.

C’est pour cette raison que L’UNFT a fait remarquer dans le même communiqué, à juste titre que « la femme tunisienne souffre, à ce jour, de comporteme­nts discrimina­toires, notamment au niveau de la rémunérati­on et de la couverture sociale dans les secteurs, agricole et industriel. Elle est également, exposée à l’exploitati­on économique et travaille dans des conditions insécurisé­es et indécentes ».

Phénomène mondial

Il faut dire que les atteintes aux droits de la femme ne sont pas endémiques uniquement en Tunisie, car on parle même de régression de ces droits partout ailleurs. C’est ce qui a fait dire récemment au secrétaire général de l’organisati­on des Nations Unies, Antonio Guterres que : « les droits des femmes sont maltraités, menacés, violés à travers le monde. Les progrès effectués depuis des décennies sont en train de disparaîtr­e sous nos yeux ».

De quoi inquiéter Tahar Haddad, Bourguiba et tous les précurseur­s du réformisme féministe, qui doivent se retourner dans leurs tombes, mais restent quand même confiants sur les capacités de la femme à continuer sa lutte contre toute atteinte à ses droits afin de parvenir à une vraie égalité de genre, même dans un futur lointain.

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