La rue maintient la pression : «Jusqu’au retrait»
• Les syndicats en colère après l'intervention télévisée d’emmanuel Macron
Les Français se mobilisent contre une réforme des retraites très impopulaire, adoptée, lundi 20 mars, à l'aide de l'outil constitutionnel 49.3 et après le rejet de deux motions de censure, dont une transpartisane. Ulcérés par ce passage en force du gouvernement à l'assemblée nationale, les opposants à la réforme sont appelés par les syndicats à descendre dans la rue et à faire grève, pour la neuvième fois depuis le 19 janvier. Sitôt après l'adoption de la loi, la Première ministre Élisabeth Borne d'un côté, les oppositions parlementaires du leur, ont saisi le Conseil constitutionnel. Les Sages devront se prononcer sur la conformité du texte vis-à-vis de la loi fondamentale de la Ve République, et ont le pouvoir de la valider ou de la censurer, tout ou partie.
Mercredi, une allocution télévisée très attendue du président Emmanuel Macron a fait bondir l'opposition et les syndicats, après plusieurs semaines de tensions sociales croissantes. Le chef de l'état a martelé que cette réforme – projet phare de son second quinquennat – devait être appliquée « avant la fin de l'année », assumant son « impopularité ». « Cette réforme, ce n'est pas un plaisir, ce n'est pas un luxe, c'est une nécessité », a-t-il assuré, invoquant la défense de « l'intérêt général » face à la dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population.
Emmanuel Macron a confirmé qu'il n'allait ni dissoudre l'assemblée nationale, ni remanier le gouvernement, ni convoquer un référendum sur sa réforme décriée. Il ne s'est pas non plus ému des reproches sur son passage en force –l'exécutif a utilisé une disposition constitutionnelle, l'article 49.3, permettant l'adoption d'un texte sans vote–, parce qu'il ne disposait pas d'une majorité à l'assemblée pour voter le texte, exacerbant la colère populaire. Emmanuel Macron a dit mercredi vouloir « réengager » un dialogue avec les partenaires sociaux sur le rapport au travail. Mais « il faut attendre quelques jours, quelques semaines », a-t-il observé.
Nombre d'analystes estiment que cette réforme et la contestation qu'elle a entraînée laisseront une trace indélébile sur le second quinquennat d'emmanuel Macron. À l’unisson, les syndicats ont réagi vivement, qualifiant ses propos de « mépris », « déni », « des mensonges » d’un président « sur la Lune ». Pour les opposants à la réforme, c’est une raison de plus pour joindre le mouvement du jeudi 23 mars. La France est l'un des pays européens où l'âge légal de départ à la retraite est le plus bas, sans que les systèmes de retraite ne soient complètement comparables. Les opposants à cette réforme des retraites – une majorité de Français, selon les sondages – la jugent « injuste », notamment pour les femmes et les salariés aux métiers pénibles.
Depuis le 19 janvier, des centaines de milliers de Français ont manifesté à huit reprises pour dire leur refus de cette réforme, dont la mesure phare, le recul de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, cristallise la colère. Le pic de manifestants a été enregistré le 7 mars avec 1,3 million de personnes selon les autorités, c’est plus que le 31 janvier. Les syndicats avaient revendiqué, eux, 3,5 millions de personnes dans la rue, dont 700 000 à Paris. Depuis le 16 mars, date du recours à l'article 49.3, la contestation en France donne des signes de radicalisation. Des échanges tendus opposent chaque soir manifestants et policiers, notamment à Paris. Près d'un millier de personnes ont été interpellées. Plusieurs actions de blocage contre la réforme, touchant dépôts pétroliers, ports, routes, transport aérien, le secteur gazier et des universités, se sont également déroulées mercredi à travers le pays.