Tollé après l’adoption de la nouvelle loi électorale
Le Parlement irakien a entériné lundi le retour au système électoral d'avant le mouvement anti-pouvoir de 2019, provoquant la colère des partis indépendants d'opposition qui y voient un moyen de les faire disparaître. La séance, organisée pendant la nuit, a vu l'expulsion de députés indépendants qui manifestaient bruyamment leur désaccord, selon des vidéos tournées par les élus euxmêmes. Après des semaines d’opposition et plusieurs reports de séance, le vote des derniers amendements de la nouvelle loi électorale a eu lieu dans la nuit du 26 au 27 mars au Parlement irakien, dans une ambiance électrique, et alors que des manifestations s’y opposant se tenaient dans plusieurs provinces du pays.
C’est dans une ambiance très tendue que s’est ouverte la session parlementaire. Des élus indépendants ont, une nouvelle fois, protesté de façon virulente contre la tenue du vote. Des vidéos qu’ils ont relayées sur les réseaux sociaux les montrent d’ailleurs en train d’être évacués par les agents de sécurité avant que le vote des derniers amendements ait lieu, entérinant la nouvelle loi électorale. La loi « a été adoptée », a laconiquement annoncé un communiqué de l'assemblée, sans détailler le décompte des votes. Le Parlement monocaméral est dominé par le Cadre de coordination, une alliance de partis chiites pro-iran dont est issu le Premier ministre, Mohamed Chia al-soudani.
Selon le nouveau texte, les circonscriptions seront plus grandes pour les prochaines élections parlementaires et régionales. Les 83 circonscriptions électorales existantes seront supprimées. À la place, chacune des 18 provinces constituera une circonscription. Concernant les règles de répartition des sièges, elles seront dorénavant basées sur un nouveau calcul qui pourrait désavantager les candidats indépendants et les partis fondés récemment.
Désormais, « les petits candidats n'auront plus aucun espoir d'obtenir une représentation au Parlement », a regretté Alaa al-rikabi, un député indépendant. À l’inverse, Bahaa al-dine Nouri, député du Cadre de coordination, a salué cette loi, car elle va permettre de « répartir les sièges en fonction du poids des partis ». Pour lui, cela permettra de former un gouvernement plus rapidement et d'éviter les interminables bras de fer qui ont ponctué la période post-électorale en 2021 et 2022. Cette mesure « va permettre aux responsables de grands partis de gagner des sièges plus facilement », estime l'analyste politique Sajad Jiyad sur Twitter. À l’inverse, « les petits partis et les indépendants auront plus de mal à faire campagne, (car) ils seront en compétition au niveau provincial et non au niveau local ». L'irak retourne par ailleurs à un mode de scrutin proportionnel qui a la réputation de favoriser les plus grands partis. Car, explique M. Jiyad, les candidats des plus grandes formations pourront « remporter des sièges, même s'ils n'ont pas recueilli assez de voix ».
Malgré le vote de la loi, le mouvement d’opposition à cette réforme qui dure depuis déjà plusieurs semaines n’entend pas s’arrêter là. Certains parlementaires hostiles à la nouvelle loi comptent saisir la Cour suprême pour tenter de faire invalider la session parlementaire, arguant que l’intervention de la sécurité pour évacuer les élus n’était pas constitutionnelle. À l’extérieur, des manifestations ont été organisées dans plusieurs provinces du pays dans la nuit. Et à Bagdad, les protestataires ont organisé une nouvelle manifestation lundi dans la soirée sur l’emblématique place Tahrir. À Bagdad, plus d’une centaine de manifestants se sont rassemblés vendredi dernier aux abords du Parlement irakien pour protester contre la nouvelle loi électorale. Une partie d’entre eux a passé la nuit sur place. Ils rejettent une loi qui, selon eux, va revenir sur les acquis des manifestations populaires de 2019.