L'Economiste Maghrébin

Blé amer

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On connait le « Quand le bâtiment va, tout va » ; on devrait plutôt s’habituer à dire « Quand l’agricultur­e va, tout va », encore plus pour un pays à vocation agricole comme la Tunisie. Il ne faut pas perdre de vue qu’à chaque fois que le pays s’est trouvé en grande difficulté, c’est toujours l’agricultur­e qui est venue à la rescousse pour sauver la mise, surtout quand le ciel sait se montrer généreux. Après la belle moisson en dattes synonyme de devises précieuses en ces temps de vaches maigres, on annonce cette année une récolte record en huile d’olive (plus de 280 000 tonnes) et une pluie providenti­elle en devises en perspectiv­e. Et c’est à la clémence du très haut et aux soins particulie­rs de nos agriculteu­rs qu’on le doit, même si la main d’oeuvre n’a pas toujours été au rendez-vous. Dans les rangs des jeunes désoeuvrés qui se comptent par milliers, on préfère déserter les champs nourricier­s pour des cafés moins astreignan­ts. Puis, on crie à l’injustice. Curieux, vous ne trouvez pas ? Presque à sec, ce sont évidemment les caisses de l’Etat en souffrance, qui vont pouvoir tirer profit de la manne. Ce ne sera pas le cas du consommate­ur tunisien, qui devra se saigner pour acquérir le précieux liquide. On peut espérer que notre produit phare ira au-delà des marchés européens traditionn­els ; en Chine, en Inde ou encore en Indonésie où le potentiel est énorme, et je ne parle pas des EtatsUnis. On a commencé à le faire, il faut continuer. Mais attention, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Et le blé en fait partie. Donnez-moi du blé, je vous dirai qui vous êtes. Un blé qu’on importe à coup de blé, et c’est Magon, notre ingénieux agronome, qui doit se retourner dans sa tombe ! Une dépêche laconique vient de faire état du lancement par les autorités concernées, d’un appel d’offres internatio­nal pour l’acquisitio­n d’une quantité importante de blé. De par le rythme de consommati­on effréné de cette denrée basique, je vous laisse deviner le chiffre et le montant à payer en devises. Quand on est incapable de nourrir sa propre population, on ne vient pas chanter le refrain éculé de la souveraine­té et de l’indépendan­ce décisionne­lle. Pourtant, il fut un temps où Carthage était le grenier de Rome. Avec 10 millions d’hectares dont 4,1 millions sont des terres cultivable­s, qui plus est, emploient plus de cent mille personnes, il est regrettabl­e que l’on soit encore obligé de recourir à l’importatio­n pour satisfaire une demande vivrière qui ne cesse de monter. Quel gâchis ! Pur hasard, je lis que la Tunisie et la France viennent de signer un accord-cadre qui va permettre de dynamiser la recherche et l’innovation en Tunisie dans les secteurs de l’agricultur­e et de l’industrie alimentair­e. Cela tombe bien. J’espère qu’on n’en restera pas là.

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