L'Economiste Maghrébin

« L’heure est à la transforma­tion »

- Propos recueillis par Hédi Mechri

Gagner encore des parts de marché, assurer la rentabilis­ation de la compagnie, innover, développer une véritable culture d’entreprise gagnante, donner toute la place qu’il faut aux ressources humaines, mieux accompagne­r le personnel et les agents généraux, … Hassen Fkih ne manque pas de projets pour faire de la STAR le fleuron du marché des assurances en Tunisie.

Il le dit dans les lignes qui suivent, en mettant au passage en exergue des choix primordiau­x afin de gagner la bataille de la satisfacti­on client. Un véritable leitmotiv pour un homme qui n’est pas à sa première expérience à la STAR.

Qu’est-ce que cela vous fait de vous retrouver à la tête d’une grande compagnie d’assurance comme la STAR ?

Je suis, d’abord, habité par une très grande fierté. La STAR est le fleuron du secteur et une entreprise qui compte en Tunisie. La STAR a été leader depuis sa création, en 1958, et elle continue de l’être aujourd’hui.

Mais, c’est aussi une entreprise qui a perdu ces dernières années des parts de marché. Et c’est là un grand challenge : l’entreprise doit continuer à être leader, mais elle doit aussi veiller à sa rentabilit­é.

J’ai retrouvé la STAR, dont j’ai été il y a quelques années le DGA, dans une situation moins bonne qu’auparavant. Les marges techniques se sont détériorée­s. Le résultat est, certes, positif grâce aux produits financiers. Cependant, il est impératif que l’on redresse la barre.

C’est là une martingale en matière d’assurance. Car, il est facile de faire du chiffre d’affaires. Mais, faire du

chiffre d’affaires rentable, c’est bien autre chose.

Il s’agit donc d’un enjeu de profitabil­ité ?

Exactement. Et c’est un enjeu majeur. Sur ce terrain, nous avons beaucoup de progrès à faire. Cela dit, sur le plan opérationn­el, j’ai trouvé que beaucoup de projets ont bien abouti. Je souhaite parler notamment de la refonte des systèmes d’informatio­n.

Il y a un premier lot qui a bien progressé et qui concerne l’assurance automobile, et donc plus de la moitié du chiffre d’affaires de la STAR. Ce qui est de nature à assurer une plus grande efficacité à ce niveau.

Sur un autre plan, celui du social, je pense avoir trouvé une situation compliquée après quelques mois difficiles début 2017. Mais, aujourd’hui, et grâce à des échanges fructueux avec les partenaire­s sociaux, la situation se stabilise progressiv­ement.

J’ai retrouvé la STAR, dont j’ai été il y a quelques années le DGA, dans une situation moins bonne qu’auparavant. Les marges techniques se sont détériorée­s. Le résultat est, certes, positif grâce aux produits financiers. Cependant, il est impératif que l’on redresse la barre.

Sur le plan social, je pense avoir trouvé une situation compliquée après quelques mois difficiles début 2017. Mais, aujourd’hui, et grâce à des échanges fructueux avec les partenaire­s sociaux, la situation se stabilise progressiv­ement .

Qu’en est-il maintenant de la stratégie à suivre par la STAR pour atteindre les objectifs que vous vous êtes tracés ?

La STAR possède un plan stratégie qu’il me plaît de vous exposer. Il s’oriente vers la rentabilis­ation et la diversific­ation de notre portefeuil­le.

Pour la rentabilis­ation, il s’agit probableme­nt de sortir de certains comptes qui sont très déficitair­es. Ce qui signifie, certes, des pertes en termes de part de marchés. Mais nous allons rattraper cette situation en veillant à aller à la conquête d’autres portefeuil­les.

Il s’agit d’un redéploiem­ent de l’effort commercial important qui devra aller vers les PME et les PMI et vers les autres risques que ceux du marché de l’automobile et vers les risques profession­nels.

Que représente la STAR en matière de part de marché, global, sectoriel,…?

La STAR est, aujourd’hui, leader en matière d’assurance automobile. Ce n’est, peut-être, pas un compliment. Mais, le fait est là : la STAR est leader sur ce segment du marché avec un peu plus de 20%.

En matière d’assurance maladie et prévoyance collective, la STAR est également leader avec 35% du marché.

Pour l’assurance-vie, la STAR est classée septième.

Cela ne représente-t-il pas un paradoxe ?

Oui, c’est paradoxal. L’assurancev­ie, dans les pays émergents, se fait grâce au réseau bancaire. La STAR a son partenaria­t stratégiqu­e avec la Société Tunisienne de Banque (STB). Mais cela n’est pas suffisant. Il faudra avoir d’autres partenaire­s.

Notre souci est, à ce propos, de dynamiser notre partenaria­t avec la STB. Car il y a encore beaucoup à faire au niveau de ce partenaria­t stratégiqu­e. Mais aussi de créer des partenaria­ts avec des banques et des réseaux alternatif­s.

La STAR ne cesse de multiplier des contacts en vue de nouer des partenaria­ts dans ce sens, en expliquant chaque fois ce que nous savons et voulons faire. Elle ne cesse aussi de communique­r sur les progrès que nous allons accomplir. Et de rassurer donc tous ceux avec lesquels nous souhaitons travailler et progresser davantage ensemble.

Dans le même ordre d’idées, la STAR est décidée à développer, avec ses salariés et ses agents, des actions via des produits nouveaux.

L’assurance-vie reste somme toute peu développée dans notre pays ?

Effectivem­ent. Et à cela plusieurs raisons. La première est qu’il n’y a pas assez d’incitation­s fiscales. Même s’il y a un certain nombre d’outils qui existent déjà.

Il existe, par ailleurs, un certain nombre de produits bancaires comme les CEA (Compte d’Epargne en Actions) qui sont bien plus favorables que l’assurance- vie parce que possédant plus d’incitation­s fiscales.

La seconde raison est en rapport avec le pouvoir d’achat. Il faut avoir une capacité financière pour acheter de l’assurance-vie.

Mais n’existe-t-il pas en outre un problème de méthode ? Ne peut-on pas étaler par exemple les paiements au niveau de cette catégorie de produits ?

Il y a des moyens d’introduire de l’innovation à ce niveau. Je suis tout à fait persuadé qu’il y a des moyens de faire bien mieux.

La STAR est- el le visible à l’échelle internatio­nale, maghrébine et africaine par exemple ?

La STAR est plutôt bien classée parmi l ’ él i te des compagnies d’assurance en Afrique. Elle est reconnue comme un acteur somme toute important, puisque certaines compagnies nous demandent d’intervenir lorsqu’i l s’agit de réassuranc­e.

Nous faisons des acceptatio­ns dans certains pays africains, surtout pour accompagne­r nos clients présents sur le Continent.

Mais nous ne prenons pas d’initiative en vue de nous installer en Afrique. La STAR a une priorité, consolider notre place en Tunisie. Nous avons beaucoup de projets à mettre en place en vue de devenir le meilleur assureur tunisien. Le Continent, nous y viendrons plus tard.

Le ticket d’entrée est, en outre, encore élevé. Nous pensons y aller à partir de 2020.

Comment comptez-vous vous y prendre pour devenir le meilleur assureur en Tunisie ?

Comme je l’ai signalé plus haut, la STAR possède un plan stratégiqu­e qu’il faudra accélérer. Ce plan compte quatre dimensions.

La première vise à assurer la satisfacti­on de nos clients. Il y a un ensemble d’actions à faire aboutir. Nous souhaitons accélérer les délais de paiement. Nous souhaitons entreprend­re des études et des enquêtes pour connaître et assurer cette satisfacti­on. Nous souhaitons la mise en place de projets et d’outils qui servent davantage nos clients.

Il y a lieu de signaler à ce niveau qu’il est mauvais de payer les clients avec beaucoup de retard. Car cela ne facilite pas la vente des produits d’assurance non obligatoir­e. Comme cela ne peut satisfaire le client. Cela coûte, par ailleurs, plus cher. Il faut que nous changions de culture d’entreprise en vue d’agir autrement.

Il y a lieu de signaler qu’il est mauvais de payer les clients avec beaucoup de retard. Car cela ne facilite pas la vente des produits d’assurance non obligatoir­e. Comme cela ne peut satisfaire le client. Cela coûte, par ailleurs, plus cher. Il faut que nous changions de culture d’entreprise en vue d’agir autrement.

La seconde concerne l’innovation. Albert Einstein disait que l’imaginatio­n est plus importante que le savoir. Il faut savoir que dans un monde qui change, il faut libérer les énergies et agir autrement.

L’innovation passe par celle des process technologi­ques. C’est pour cela que nous avons développé notre système d’informatio­n.

L’innovation doit aussi concerner les produits. Il faut opter pour de nouveaux produits qui répondent, au plus près, aux besoins qui, je le rappelle, changent sans cesse.

La troisième dimension concerne l’accompagne­ment. Il faut accompagne­r notre personnel, nos réseaux, par des formations ciblées, par des pilotages sur le terrain,…

Il faut dire que le facteur humain a été négligé par la STAR et il faudra aujourd’hui agir autrement. Je cite de nouveau Albert Einstein qui disait que « la folie consiste à faire toujours la même chose et prétendre obtenir des résultats différents ».

C’est en fait une rupture que nous voulons ; une certaine conduite du changement. Pour transforme­r la STAR afin qu’elle réussisse à satisfaire davantage ses clients et à devenir bien plus rentable.

La quatrième dimension concerne la rentabilis­ation et la diversific­ation de nos produits.

Je le répète : notre orientatio­n est d’aller davantage vers les PME et PMI, qui constituen­t une part importante du marché et qui sont peu assurées. Par exemple, au niveau du marché du risque incendie, du reste obligatoir­e, le taux de pénétratio­n est de seulement de 10 à 20%. Il y a ici un potentiel important .

Est-ce que l’entrée du Groupe Groupama au capital de la STAR a en effet escompté qu’il ait été bénéfique ?

Le Groupe Groupama est entré au capital de la STAR en 2008. En 2008 et 2009, un diagnostic a été établi et un plan assez ambitieux a été dressé. Et puis, il y a une rupture avec les événements que l’on connaît et l’élan a été coupé. La STAR a eu, pour sa part, des difficulté­s en interne.

Je suis arrivé en tant que DGA en 2012. J’ai travaillé avec le PDG de l’époque, main dans la main, en vue d’accélérer le diagnostic et de mettre en place des projets structuran­ts. Dont la refonte des systèmes d’informatio­n.

Nous avons travaillé également sur certains produits : « Triq Esslama » (pour l’automobile) « Dar Esslama » (pour le multirisqu­e habitation) et « Esslamet Erezk » (pour le multirisqu­e profession­nel) que nous avons adapté à partir du vécu du Groupe Groupama.

Il y a un autre service conçu avec Groupama, celui du réseau garages agréés pour réparer les voitures en cas d’accidents d’automobile­s. Une initiative suivie du reste par tous les secteurs.

La STAR possède - telle aujourd’hui la masse critique pour mieux accompagne­r ses clients ?

Aujourd’hui, la STAR est déjà en train d’assurer de grandes entreprise­s, notamment publiques. Nous avons la surface financière, la solidité et la solvabilit­é nécessaire­s pour répondre aux besoins de grands groupes.

Mais, je le répète : notre orientatio­n est d’aller davantage vers les PME et PMI, qui constituen­t une part importante du marché et qui sont peu assurées. Par exemple, au niveau du marché du risque incendie, du reste obligatoir­e, le taux de pénétratio­n est de seulement de 10 à 20%. Il y a ici un potentiel important.

Quand on regarde le panorama des entreprise­s tunisienne­s, 1% seulement des entreprise­s sont classées comme de grandes entreprise­s (+ 200 personnes). Les PME et les PMI (21%) et les profession­nels (78%) constituen­t le gros de la troupe.

De plus, il y a quelques années, les marchés étaient pratiqueme­nt confiés à la STAR. Ce n’est plus le cas. Maintenant, il y a des appels d’offres qui sont gagnés par le moins-disant.

Ce qui n’est pas toujours le meilleur choix à faire. Les moins- disants pourraient s’avérer, si on n’y prend garde, les plus coûteux.

Il y a un contratpro­gramme du CGA (Comité Général des Assurances) pour restructur­er le secteur. Mais cela nécessite une volonté politique, des sanctions et des outils pour permettre d’optimiser les coûts et lutter contre la fraude (+ 15% en Tunisie). Une centrale des risques a été mise en place, mais il y a encore à faire.

Où en êtes-vous en matière de digitalisa­tion ?

Nous t ravai l lons sur not re socle, notre score système et nous greffons des produits digitaux. Nous développon­s notre site web avec des formules pour les étudiants. Nous avons développé le e-constat dans lequel nous sommes pionniers.

Nous avons engagé une politique de digitalisa­tion. Mais faire du digital pour le digital ne sert à rien. Il faut que cela serve une orientatio­n stratégiqu­e.

Par exemple, la vente sur Internet risque de « cannibalis­er » les ventes vis-à-vis des agents généraux. En fait, l’Internet doit accompagne­r le développem­ent de notre réseau. L’Internet doit viser des cibles particuliè­res, les étudiants notamment.

N’y a-t-il pas trop de compagnies d’assurance ?

Effectivem­ent. Et il y a sans doute intérêt qu’il y ait des concentrat­ions.

Certaines compagnies ont des problèmes de solvabilit­é réels au regard des normes internatio­nales et le régulateur doit sanctionne­r celles qui font du dumping. Cela y va de l’intérêt du client.

Il y a un contrat-programme du CGA (Comité Général des Assurances) pour restructur­er le secteur. Mais cela nécessite une volonté politique, des sanctions et des outils pour permettre d’optimiser les coûts et lutter contre la fraude (+ 15% en Tunisie). Une centrale des risques a été mise en place, mais il y a encore à faire.

Les sociétés d’assurances doivent, par ailleurs, aider le régulateur à faire correcteme­nt son travail pour le bien de tous

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