L'Economiste Maghrébin

l’hoRizon 2019 !

- Par Khalifa Chater

Pas de candidat charismati­que pour les élections présidenti­elles 2019. L’Establishm­ent tunisien a préféré émarger au gouverneme­nt des nouvelles figures, aux compétence­s nationales. Les nouveaux acteurs sont en compétitio­n pour la conquête du pouvoir. Les anciens chefs de gouverneme­nt de la conjonctur­e post-révolution se comportent déjà comme des candidats. Mais le bilan de leur gestion ne semble pas militer en leur faveur. Comment apprécier ces nombreuses «mains tendues” ?

Les partis libéraux ou de gauche sont en désordre de bataille. Nida Tounes est inaudible. Il constitue plutôt un club politique épisodique. Il ne dispose plus des traits de l’organisati­on politique moderne : mobilisati­on électorale des masses, organisati­on bureaucrat­ique centralisé­e, profession­nalisation des cadres. Ses adhérents attendent la définition de son corpus idéologiqu­e, lors de la tenue d’un congrès fondateur. Comment pourrait-il se remettre en marche ? Les actuels discussion­s pour réintégrer les fondateurs, ayant quitté Nida, confirment sa définition plutôt comme appareil sans assise populaire.

Ennahdha, par contre, est un parti organisate­ur de masse, à l’instar du Néo-Destour. Ses institutio­ns oeuvrent en accord avec sa direction et contribuen­t à consolider ses assises populaires. De fait, la Tunisie vit un régime de bipartisme, puisque Ennahdha et Nida disposent d’un quasi -monopole de la représenta­tion politique. D’ailleurs, la discipline d’Ennahdha, parti dominant de fait, assure le gouverneme­nt d’une assise politique stable. Vu l’alliance gouverneme­ntale de fait entre ces deux partis, qui représente­nt pourtant des pôles idéologiqu­es distants, on peut parler d’un bipartisme souple, qui mécontente d’ailleurs leurs deux bases électorale­s.

Le conflit entre Carthage et la Kasbah, exploité judicieuse­ment par Montplaisi­r, se réfère en fin de compte à l’horizon 2019. Nida, conforté par la Présidence, a ses vues sur les candidatur­es éventuelle­s à présenter. En attendant, la controvers­e concerne le choix d’un nouveau gouverneme­nt, accordant les principale­s charges aux membres de sa direction. Les programmes de gouverneme­nt sont, de fait, occultés, ainsi d’ailleurs que les attentes sociales des citoyens. Fait surprenant, Nida marque son opposition au chef du gouverneme­nt, pourtant issu de ses rangs et proposé par le Président de la République, fondateur du parti. Mais les temps ont changé et l’horizon 2019 a changé la donne.

La réunion de la Choura (Hammamet, 26 août 2018) précise la position d’Ennahdha : «Nous sommes pour que Youssef Chahed reste à la tête du gouverneme­nt, mais que les choses soient claires : ce gouverneme­nt doit s’occuper exclusivem­ent des affaires du pays, du dossier économique et de la lutte contre la corruption. Si ce gouverneme­nt ambitionne de se présenter aux élections, nous pensons qu’il vaut mieux séparer ces deux missions pour qu’il n’y ait pas de confusion entre sa responsabi­lité gouverneme­ntale et son droit à se présenter aux prochaines élections”. Ennahdha en cela se rapproche de la position de Nida, alliance oblige.

Les différents partis font valoir l’enjeu électoral 2019 : Ennahdha présentera­it-t-elle un candidat à la présidenti­elle ? La Choura n’a pas défini sa position sur la question. Mais elle semble souhaiter gouverner derrière un parti écran. Jusqu’ici, elle a gouverné derrière Nida. Mais son affaibliss­ement ne le présente plus comme un acteur crédible. Aux élections présidenti­elles, Ennahdha rechercher­ait des personnali­tés pouvant s’allier à sa politique. Beaucoup de politicien­s sont prêts à jouer ce jeu, qui pourrait assurer leur promotion mais transgress­erait leurs visions idéologiqu­es.

Mais des candidatur­es hors partis pourraient également se manifester : les élections municipale­s ont affirmé de nouvelles élites. Près de 7000 nouveaux cadres y ont émergé. Ils seraient éventuelle­ment des cadres du futur. Il faudrait donc compter sur les indépendan­ts, premiers gagnants. Beaucoup d’entre eux sont affiliés plus ou moins à des partis. Mais plus de la moitié sont réellement indépendan­ts. D’ailleurs, l’impopulari­té évidente des partis pourrait faire le jeu des forces populaires, faisant valoir leurs attentes.

Le mécontente­ment de la population est évident. Les demandes adressées au système politique peuvent s’ériger en exigences. Une accumulati­on d’exigences nombreuses - cas de la Tunisie actuelle - pourrait entraîner une surcharge quantitati­ve. Nous adoptons le diagnostic de David Easton qui compare ce phénomène à la tour de contrôle d’un aéroport encombré. Elle n’est plus en mesure de réguler le trafic et d’assurer l’atterrissa­ge des avions de façon ordonnée. Easton fait aussi état d’une possibilit­é de surcharge qualitativ­e, dont la source est la complexité des exigences visà-vis du système politique (David Easton, Analyse du système politique, Armand Collin, 1974).

Peut-on parler dans ce cas de la surdétermi­nation des faits sociaux ? Alors que le gouverneme­nt parle du progrès de la croissance, du retour du tourisme, de l’augmentati­on des exportatio­ns, les citoyens plus concrets évoquent la chute du dinar, qui conforte l’augmentati­on des prix, le développem­ent du chômage, des problèmes du quotidien et du panier de la ménagère. Comment concilier ces deux discours ? L’épreuve des retraités a durement affecté la population et suscité une prise de distance des partis du pouvoir

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia