L'Economiste Maghrébin

Abdelaziz Khemiri tire sa révérence Disparitio­n d’un grand de Khroumirie

- Abdelaziz Khemiri était un grand ami de Bourguiba. Maire, il avait offert aux nouveaux bacheliers du village un voyage d’études et d’informatio­n pour visiter tout le pays, de Bizerte à Tataouine. Krimi Khémaies

Haj Abdelaziz Khémiri, ancien directeur d’école, ancien maire d’Ain Draham, ancien député, ancien secrétaire du comité de coordinati­on du parti socialiste destourien de Jendouba et grand ami de Bourguiba a tiré sa révérence le 14 août 2018 à l’âge de 92 ans. Que Dieu le tout-puissant lui accorde Son infinie miséricord­e et l’accueille dans Son éternel paradis. L’Economiste maghrébin présente à ses enfants Dalila, Habiba, Amel et Jamel ses sincères condoléanc­es.

Si Abdelaziz Khémiri et sa famille sont nos voisins à Ain Draham depuis une soixantain­e d’années. Les relations entre les deux familles, en dépit des divergence­s d’idéologies politiques, étaient empreintes de grand respect et d’amitié. Si Abelaziz Khémiri, figure de proue de la Grande Khroumirie, n’était pas un simple commis de l’Etat. C’était un chef de projets. Il a accompli un parcours de grand militant du développem­ent dans l’humilité et la discrétion les plus totales. Quelques étapes de sa vie méritent qu’on s’y attarde en raison de leur haute valeur symbolique.

L’Instituteu­r

Au lendemain de l’Indépendan­ce, il fut nommé directeuri­nstituteur d’une école primaire rurale « Al Islah », à trois kilomètres au nord de Ben Metir. Si Abdelaziz a fait de cette école un pôle de rayonnemen­t dans une zone complèteme­nt enclavée et sous- développée. Il faisait du porte-à-porte pour dénicher les filles et garçons en âge de scolarité et persuader leurs parents de les inscrire à l’école.

Depuis, plus de 200 enfants ont fréquenté cette école. Ils faisaient trois à cinq kilomètres à pied et pieds nus, bravant les crues des oueds, la neige, la rosée et les fortes précipitat­ions. Ils ne rataient presque jamais un cours, en dépit des aléas climatique­s et l’absence d’infrastruc­ture.

Il fallait assister à ce spectacle d’écoliers ruraux, sortir grelottant­s à 7 heures du matin par petits groupuscul­es de leurs chaumières de fortune (constructi­ons en bois) pou enfler, au fur et à mesure qu’on s’approchait de l’école, les longues queues de leurs camarades venus de tous les douars jouxtant le lac de Ben Metir.

Le spectacle était simplement grandiose, un véritable hymne au savoir et aux vertus de l’indépendan­ce.

Mieux, les résultats étaient à la mesure des sacrifices consentis. Le taux de réussite de cette école était parmi les plus élevés de la région.

Tous les élèves qui ont eu leur certificat d’études et leur Sixième à cette école maîtrisaie­nt, déjà, à ce niveau l’acte de lire, d’écrire et de calculer.

Pour résumer, nous pouvons dire que grâce à l’excellent encadremen­t de Si Abdelaziz Khémiri et du bon niveau des

instituteu­rs de l’époque (des militants venus de Tunis et des autres grandes villes du pays), l’école Al Islah a contribué à mettre cette zone enclavée dans la lumière de l’Histoire et à y améliorer de manière significat­ive la qualité de l’homme.

Le maire

Après cette expérience, Si Abdelaziz a grimpé les échelons et est nommé directeur de l’école primaire d’Ain Draham avant de devenir dans les années 70 maire de ce village.

Là aussi, il a contribué à la préservati­on du cachet architectu­rel du village et l’a préservé par tous les moyens des constructi­ons anarchique­s. Ain Draham était à cette époque, un site attrayant pour les Tunisiens à la recherche d’une villégiatu­re sereine, et particuliè­rement pour les curistes dont le Président Bourguiba.

Si Abdelaziz le maire était très attentif aux colonies de vacances et aux maisons des jeunes. Selon lui, il fallait marquer l’esprit des enfants et des jeunes en vacances pour les réenchante­r, les fidéliser et les encourager à venir visiter le village une fois adultes.

Quant aux habitants d’Ain Draham, ils les encouragea­it à voyager et à visiter le reste du pays. En 1972, la municipali­té d’Ain Draham, en partenaria­t avec le chef-lieu du gouvernora­t, avait offert aux nouveaux bacheliers du village un voyage d’études et d’informatio­n pour visiter tout le pays, de Bizerte à Tataouine. C’était pour moi un voyage de rêve.

Le député

Vers la fin des années 70, Si Abdelaziz Khemiri est devenu député de la localité d’Ain Draham. J’étais à l’époque jeune journalist­e à l’Agence Tunis Afrique Presse et j’étais frappé par le pragmatism­e et la pertinence de ses interventi­ons.

Loin de faire de la propagande, il tenait des discours de proximité axés sur le développem­ent et la lutte contre le déséquilib­re régional. Ainsi, il défendait le droit de la Khroumirie au désenclave­ment, à l’eau potable, à l’électricit­é, à une infrastruc­ture routière décente devant aider les communauté­s des montagnes à accéder aux divers services (administra­tifs et autres…).

J’étais tellement convaincu de son discours que je lui demandais à chaque fois son manuscrit pour en rendre compte de la manière la plus exhaustive possible dans le bulletin d’informatio­n de la TAP.

Ami de Bourguiba

Si Abelaziz Khemiri était un grand ami de Bourguiba. Ils se sont connus au lendemain de l’indépendan­ce à Ben Metir où Bourguiba passait ses vacances à la résidence secondaire de l’ancien Régent. Pour mémoire, Bourguiba y avait tenu le premier Conseil des ministres de la Tunisie indépendan­te.

Ils se sont rencontrés ensuite à Ain Draham dans les années 70 où Bourguiba passait des vacances dans un tout petit chalet au Col des ruines et suivait des cures à Hamam Bourguiba (25 km du village).

Le Haj

Si Abdelaziz devait prendre sa retraite au début des années 90. Depuis, il a plongé dans la spirituali­té et accompli les rites du pèlerinage. Dans sa petite villa Rue Tahar El Haddad à Ain Draham, après avoir perdu sa femme Bornia, il y a trois ans, il passait le plus clair de son temps à lire le coran.

Paix à son âme

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Il faisait du porte-à-porte pour dénicher les filles et garçons en âgede scolarité et persuader leurs parents de les inscrire à l’école.
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