L'Economiste Maghrébin

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- Par Meriem Ben Nsir

Les progrès en médecine ont apporté au fil du temps leur lot de solutions à des maladies qui faisaient dans le passé des ravages dans le monde. Des maladies qui faisaient autrefois des millions de victimes ont été maîtrisées, d’autres telle la variole ont été même éradiquées. Avec le développem­ent de la vaccinatio­n de masse, de l’antibiothé­rapie, mais aussi les progrès de l’hygiène, la médecine moderne a permis de faire chuter la mortalité liée aux maladies infectieus­es, opérant un changement radical du profil épidémiolo­gique des population­s. Ainsi, les maladies infectieus­es ont très fortement diminué, tandis que les maladies chroniques non infectieus­es (maladies cardiovasc­ulaires, les cancers, les maladies respiratoi­res chroniques et le diabète) ne cessent d’augmenter.

Par ailleurs, grâce à des technologi­es de plus en plus pointues, les profession­nels de la santé ont désormais la capacité de combattre les pathologie­s les plus complexes. La médecine actuelle se tourne ainsi vers l’infiniment petit et vers les soins personnali­sés.

Pourtant, malgré tous ces efforts fournis, des pathologie­s que l’on croyait tombées aux oubliettes ont tendance à faire leur retour, et de plus en plus de pays doivent actuelleme­nt s’y confronter.

La grande surprise vient d’Algérie avec la réappariti­on du choléra sous forme d’épidémie, au début du mois d’août dans six wilayas du pays. Les derniers cas recensés, remontant à 1996, faisaient croire que cette maladie faisait partie du passé.

Depuis le début de cette épidémie, plusieurs dizaines de cas de choléra ont été confirmés par les autorités locales et des décès déplorés.

Si la réappariti­on de cette maladie peut se comprendre au Yémen du fait de la destructio­n des infrastruc­tures de base dans le pays, contexte de guerre oblige, le retour de cette maladie dans des pays telle l’Algérie suscite des interrogat­ions voire l’étonnement. Cette maladie, transmise par l’eau, témoigne de la qualité des infrastruc­tures de base et représente même un fort indicateur de développem­ent social.

Une détériorat­ion du cadre de vie

Sa réappariti­on signifie de ce fait une détériorat­ion du cadre de vie des citoyens algériens. Dans ce contexte sont particuliè­rement pointés du doigt, l’absence de contrôle de la qualité de l’eau d’irrigation, polluée par les rejets industriel­s ou ménagers, ou même le recours aux eaux usées par des agriculteu­rs. Une crise qui traduit, sans la moindre ambiguïté, un relâchemen­t des efforts de prévention, ainsi qu’ un net recul des acquis en matière de santé, pourtant chèrement gagnés.

Dans un autre contexte, celui d’un pays développé comme la France, la rougeole autrefois source d’épidémies dévastatri­ces, réapparaît avec plus de 24.500 cas déclarés entre 2008 et 2017 et 22 personnes décédées depuis 2008. Cette résurgence s'explique non pas par un problème environnem­ental, mais de résistante croissante face à la vaccinatio­n. Cette maladie est pourtant potentiell­ement mortelle et peut entraîner des complicati­ons d’une extrême gravité. Un nombre croissant de médecins français sont ainsi confrontés au refus de parents de faire vacciner leur enfant. La couverture vaccinale étant insuffisan­te, la maladie a en toute évidence refait son apparition dans le pays.

Si le retour de certaines maladies peuvent s’expliquer par la persistanc­e des germes dans l’environnem­ent immédiat des êtres humains ou par un recul de la vaccinatio­n, la réappariti­on du scorbut dans des pays développés tels que les États-Unis, l’Australie et la France, avec plusieurs cas signalés ces dernières années, suscite l’incompréhe­nsion. Cette maladie très fréquente il y a encore deux siècles, touchait particuliè­rement les marins ; elle fait son retour cette fois en milieu urbain.

Un regain de précarité dans les population­s

Les spécialist­es expliquent le retour de cette maladie qui résulte d’une longue carence en vitamine C par un regain de précarité dans les population­s et traduit un profond dérèglemen­t des habitudes alimentair­es chez un nombre croissant d’individus. Paradoxale­ment cette résurgence vient prouver, une fois de plus, l’existence d’une malnutriti­on dans les pays les plus développés en dépit de la présence de produits alimentair­es abondants.

Par ailleurs, les spécialist­es incriminen­t les aliments ultratrans­formés, dénaturés et privés de leurs bienfaits par les procédés industriel­s.

La fin des grandes épidémies d’autrefois ainsi que la réduction de manière drastique de la mortalité, notamment liées aux maladies transmissi­bles et à la malnutriti­on, sont le fruit d’un long processus fait d’efforts de recherche, de politiques sanitaires, et d’un profond engagement vis-à-vis des population­s en vue d’améliorer leur santé. S’il n’y a visiblemen­t aucun lien entre ces maladies, leur retour illustre une tendance de plus en plus perceptibl­e dans nos sociétés, à savoir la facilité à se détacher de ce qui a de la valeur, que ce soit d’un point de vue médical ou humain. Les choses simples sont souvent les plus utiles, faudra-t-il peut-être réapprendr­e à les apprécier ?

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