L'Economiste Maghrébin

Les grands chantiers de la rentrée

L’été se révélera n’être qu’une pause sur le front social. La scène politique retrouvera son agitation habituelle sur fond du départ ou non de Youssef Chahed. Sur fond également des pressions d’une UGTT qui n’a pas changé d’avis sur un nécessaire remaniem

- Mohamed Gontara

La rentrée politique et socioécono­mique s’annonce très chaude. Et pour cause, elle sera marquée par la qualité des politiques à mettre en place par les parties concurrent­es en prévision des prochaines élections générales prévues, en principe, pour 2019.

Comment se fera la rentrée ? La question taraude les esprits. L’été avec ses cérémonies de mariages, ses festivals , sa séance unique et son farniente n’aura été en fait qu’une parenthèse. Tout le monde sait qu’avec le mois de septembre la scène nationale va replonger dans ses soucis. Le dernier Conseil de la Choura d’Ennahdha et ses annonces concernant l’avenir du chef du gouverneme­nt, Youssef Chahed, et sa fin de non-recevoir au sujet de l’initiative présidenti­elle quant à l’égalité successora­le, réuni les 25 et 26 août 2018, a du reste remis à l’ordre du jour les questions qui risquent de faire bien mal.

Avant de se retrouver en ce début septembre 2018 sur ces questions, les acteurs politiques se sont séparés, fin juillet 2018, sur une quasi-bataille concernant le vote de l’Assemblée des représenta­nts du Peuple (ARP) de la confiance au nouveau ministre de l’Intérieur, Hichem Fourati.

Un vote qui n’était pas gagné d’avance –loin s’en faut. Mais qui a fini par aller dans le sens voulu par Youssef Chahed. Avec la précision que le chef du gouverneme­nt avait gagné là une bataille, mais nullement la guerre.

Le vote en faveur de Hichem Fourati avait donné lieu, notamment dans les rangs de Nidaa Tounes, à des allers et venues au parlement du directeur exécutif du mouvement Hafedh Caïd Essebsi. Et à, dit-on, un arrangemen­t : le vote en faveur du nouveau ministre de l’Intérieur contre une promesse d’un futur vote de confiance (on a même parlé de 10 jours) pour tous les membres du gouverneme­nt à l’ARP.

Une bonne partie de la classe politique reste largement accrochée à cette échéance perçue comme étant une solution à la crise politique et une entame à des actions en vue d’engager les réformes économique­s.

Le soutien conditionn­é d’Ennahdah à Youssef Chahed qui souhaite qu’il ne puisse pas se présenter aux élections de 2019 –pour se consacrer à la gestion du pays- ne peut que le fragiliser davantage. Acceptera-t-il du reste ce qui semble être un diktat ?

Le soutien conditionn­é d’Ennahdah à Youssef Chahed qui souhaite qu’il ne puisse pas se présenter aux élections de 2019 – pour se consacrer à la gestion du pays - ne peut que le fragiliser davantage. Acceptera-t-il du reste ce qui semble être un diktat ?

Quelle serait, à ce propos, la marge de manoeuvre du chef du gouverneme­nt qui semble vouloir manoeuvrer pour rester là où il est ? Le nouveau bloc parlementa­ire (la Coalition nationale), créé le 27 août 2018, par quelque 35 députés de l’ARP, ne participe-t-il pas de cette logique ?

Comme les annonces relatives à l’absence de nouveaux impôts dans la Loi de Finances 2019. De quoi gagner une partie de l’opinion et des acteurs politiques et économique­s qui n’ont pas encore digéré les choix fiscaux de la LF 2018. Objet d’une contestati­on qui a marqué le début de l’année en cours.

Faut-il inscrire le limogeage des premiers responsabl­es du secteur de l’énergie, le 31 août 2018, et les enquêtes diligentée­s pour une affaire qui sentirait la corruption dans le même sillon ? Et en plus de revoir la gouvernanc­e d’un secteur qui a été la cible de campagnes –dont certaines populistes - au sujet des richesses du pays. De quoi, là aussi, redorer le blason du chef du gouverneme­nt. Avons-nous oublié trop vite la campagne du « Winou El pétrole » ?

Le jour même où le chef du gouverneme­nt annonçait ses mesures concernant le départemen­t de l’énergie, l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) parlait, par la voix de son secrétaire général adjoint, Salaheddin­e Selmi , d’une grève générale. Suite à un différend entre la Centrale syndicale et le gouverneme­nt au sujet de la restructur­ation des entreprise­s publiques.

Inutile de préciser que l’UGTT, qui a réitéré, il y a près d’un mois, n’avoir pas changé d’avis concernant un large remaniemen­t du gouverneme­nt Chahed ne va pas lâcher prise. D’autant plus que ce dernier ne cesse de prêter le flanc à la critique avec les mauvais résultats de l’économie tunisienne.

Voilà ce qui permet au chef de l’Etat de reprendre la main dans un dossier où il a exprimé son avis d’arbitre : au gouverneme­nt Chahed de démissionn­er ou d’aller chercher de nouveau la confiance de l’ARP.

Vieux routier de la politique, le président de la République, qui ne manque ni d’atouts ni de soutien, peut réserver des surprises à Youssef Chahed. Qui - on ne peut que le deviner- ne cessera de subir des pressions.

Inutile de préciser également que des pressions vont aller crescendo concernant la question de l’égalité successora­le maintenant qu’Ennahdah a décidé de jouer franc jeu. Le mouvement islamiste fera tout pour faire passer une version qui ne contredise pas ses choix.

Et il en a les moyens. Quoi qu’on dise, il y a là un sujet largement sensible –puisque touchant à la religion- et qui divise l’opinion. Or, on ne peut, partant de ce fait, que craindre pour la stabilité du pays.

Nous voilà revenu, disent déjà certains, aux débats qui ont marqué le pays avant les élections de 2011. Et qui n’ont pas laissé que de bons souvenirs. Qui ne se souvient de l’épisode de la diffusion du film de Persépolis en octobre 2011 ?

Le rejet par le Conseil de la Choura de l’égalité successora­le montre-t-il que le mouvement n’a pas abandonné pour autant son côté religieux ? Voilà qui peut exacerber davantage les passions dans un pays où deux Tunisie s’affrontent ; celle qui croit que l’islam est la solution et celle qui est attachée à la voie de la modernité.

Un clivage que ne va pas faciliter les querelles sur le front politique maintenant que les acteurs fourbissen­t leurs armes à l’approche de l’échéance législativ­e et présidenti­elle de 2019.

Avec une certitude : tout ce qui sera entrepris ne pourrait être imaginé en dehors de cette échéance. Comprenez que tout le monde ne jugera utile d’accomplir un pas que s’il sert ses ambitions électorale­s.

Or, à ce jeu là, beaucoup de décisions – ne parlons pas de réformes - risquent d’être retardées. Ce qui ne fera qu’accumuler les souffrance­s d’une bonne partie de la population. De quoi fermenter la lassitude et le courroux des uns et des autres. Et nul ne peut prévoir sur quoi pourraient déboucher évidemment les colères ! L’agitation des 28 et 29 août 2018 à Ben Guerdane ne peut être oubliée

Le jour même où le chef du gouverneme­nt annonçait ses mesures concernant le départemen­t de l’énergie, l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) parlait, par la voix de son secrétaire général adjoint, Salaheddin­e Selmi , d’une grève générale. Suite à un différend entre la Centrale syndicale et le gouverneme­nt au sujet de la restructur­ation des entreprise­s publiques.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Youssef Chahed
Youssef Chahed
 ?? Béji Caïd Essebsi ??
Béji Caïd Essebsi
 ??  ?? Rached Ghannouchi
Rached Ghannouchi

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia