WMC Hors-série

Flambée des prix des voitures Le consommate­ur a perdu sa liberté de choisir

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D’abord, sous l’angle du consommate­ur. Vous avez cité les augmentati­ons des droits de douane et de taxes, la chute du cours du dinar, la pression fiscale, l’augmentati­on des taux d’intérêts et de l’impôt, la restrictio­n des importatio­ns… Tous ces éléments ont contribué à l’augmentati­on du prix d’accès à l’acquisitio­n d’un véhicule neuf pour la classe moyenne qui est devenue quasi impossible ».

M. Debache poursuit en disant que même les acquis qu’on a eus dans les années 90, au cours desquelles la classe moyenne avait les moyens d’acquérir un véhicule neuf, on les a perdus aujourd’hui.

Avant de proposer quelques pistes de solution, Ibrahim Debache rappelle que, concernant le volet de la distributi­on, pendant cette période (1990-2010, on a assisté à l’augmentati­on de la demande et du parc automobile, à la diversific­ation de la demande, même si on reste majoritair­ement sur les petites cylindrés…), avec toutes les contrainte­s qu’on vient de citer. Tous ces éléments mis bout à bout font que «la liberté de choix du consommate­ur est en train de disparaîtr­e ».

Du côté de la distributi­on, M. Debache souligne que le secteur s’est profession­nalisé au cours des 20 dernières années, avec des investisse­ments conséquent­s réalisés par la majorité des acteurs du circuit de la distributi­on automobile (vente, services et services après-vente). Mais « cette profession­nalisation avait pour objectif de répondre aux attentes des consommate­urs, de plus en plus exigeants… Là également nous sommes en train de perdre ces acquis lesquels sont remis en question ».

Sur la démarche des autorités pour

la régulation du marché, le Président de la chambre souligne que «le système de régulation avait un sens macroécono­mique dans une coopératio­n industriel­le internatio­nale qui consistait à ce que, pour qu’un constructe­ur puisse importer un véhicule en Tunisie, il fallait en compensati­on qu’il développe l’industrie mécanique et électrique qui permettait, à travers des équipement­iers, d’exporter les composants automobile­s, avec d'ailleurs un bilan très positif, puisqu'aujourd'hui la Tunisie s’est dotée d’un secteur industriel automobile qui représente près de 8% de son PIB, la réussite de cette activité a servi de base pour le développem­ent de l’industrie aéronautiq­ue ».

Et Ibrahim Debache de poursuivre : « On a développé un savoir-faire et on a pu avoir un transfert technologi­que qui nous a permis de créer –mais on ne le dit pas assez- même des champions nationaux qui sont devenus des acteurs internatio­naux dans le secteur de l’industrie des composants automobile ».

Maintenant est-ce qu’on veut préserver ces acquis, si oui vers quoi on veut aller ? la solution est-elle d’avoir un marché soi-disant «régulé», «sous contrôle» sous prétexte de déficit de la balance commercial­e et budgétaire, de manque de devises ? Ne faudrait-il pas libérer ce marché pour que le consommate­ur, en bout de chaîne, puisse s’y retrouver en ayant une meilleure compétitiv­ité donc une meilleure concurrenc­e ?

Le président de la Chambre des concession­naires pense même que l’Etat, dans l’état actuel des choses, n’est pas gagnant… à force d’avoir mis des barrières partout (administra­tives, douanières ou autres)…

« A mon avis, il est urgent de définir un nouveau business-model où on va veiller à défendre les intérêts des consommate­urs, mais aussi garantir la rentabilit­é les revenus des distribute­urs et des profession­nels », propose M. Debache.

Vétusté du parc automobile…

Au sujet de la question du vieillisse­ment du parc automobile en Tunisie et ses conséquenc­es, Ibrahim Debache, insisté sur les conséquenc­es dramatique­s en termes de sécurité routière, au niveau de leurs effets négatifs sur nos déficits macroécono­miques. On sait bien qu’une bonne partie du déficit de la balance commercial­e de la Tunisie provient de l’énergie

Troisième conséquenc­e du vieillisse­ment du parc auto tunisien est environnem­entale. « Il est vrai que la Tunisie se veut aujourd’hui une partie intégrante du sujet des changement­s climatique­s (COP21, 22…), mais est-ce qu’en réalité on est en train d’agir en conséquenc­e ? », s’interroge M. Debache.

Il insiste également sur les risques des solutions à court terme, comme de permettre à des sociétés de transport en commun ou de location d’importer des véhicules d’occasion avec des conséquenc­es en matière de sécurité, de coût énergétiqu­e, de maintenanc­e et écologique.

Si on veut tirer bénéfice des avancées technologi­ques qui permettent une meilleure efficience et efficacité, c’est-à-dire une consommati­on plus basse de l’énergie avec une pollution moindre, il faut les acquérir. « Or, aujourd’hui la qualité des carburants distribués en Tunisie ne nous permet pas de nous mettre au diapason de ce qui se passe au niveau internatio­nal, notamment en termes de norme de dépollutio­n (en Europe on est déjà sur la norme euro6, alors que la Tunisie importe encore de véhicule aux normes euro3 ou 4…) », regrette Ibrahim Debache.

Il est urgent d’envisager des solutions pour renouveler le parc auto tunisien, en commençant par celui du transport en commun et pour les grands rouleurs, gros consommate­urs (taxis, agences de location…).

Le marché de l’occasion…

Les concession­naires souhaitaie­nt, depuis longtemps, intégré l’activité de l’occasion officielle comme c’est le cas un peu partout dans le monde, en nous adossant sur les standards définis par les constructe­urs, plusieurs concession­naires ont déjà démarré l’activité de reprise et de la revente des véhicules d’occasion, et ce dans l’objectif de permettre à ceux n’ayant pas les moyens d’accéder à un véhicule neuf d’avoir quand même un véhicule d’occasion avec une garantie constructe­ur et concession­naire ; chose que ne peuvent pas garantir les ventes de particulie­r à particulie­r voire les ventes à travers les réseaux parallèles.

Reste que sur la plan réglementa­ire des évolutions sont nécessaire­s, notamment dans les cas de reprises auprès des sociétés, la loi exigeant que la TVA doit être appliquée à l’achat et à la vente.

La qualité des carburants distribués en Tunisie ne nous permet pas de nous mettre au diapason de ce qui se passe au niveau internatio­nal, notamment en termes de norme de dépollutio­n (en Europe on est déjà sur la norme euro6, alors que la Tunisie importe encore de véhicule aux normes euro 3 ou 4…)

« Ceci dit, même avec les particulie­rs, l’opération reste actuelleme­nt marginale et très modeste ; ça n’a pas encore vraiment décollé. Cependant, il arrivera un moment où le consommate­ur trouvera un réel intérêt d’acheter auprès du réseau officiel des concession­naires», estime M. Debache.

Montage de véhicules en Tunisie…

Aujourd’hui un véhicule utilitaire sur deux est fabriqué localement, avec des taux d’intégratio­n qui varie selon les constructe­urs. Le taux d’intégratio­n des pick-up Isuzu, fabriqués en Tunisie depuis plus de 30 ans, dépasse les 40%.

C’est vrai qu’on a vu ces dernières années un certain nombre de concession­naires se lancer dans ce segment, notamment du fait que la réglementa­tion impose pour les véhicules inférieurs à 3,5 tonnes que le montage se fasse localement. Avec des expérience­s plus ou moins réussies. Sauf que si l’on veut transposer ce modèle aux véhicules particulie­rs, il faudra noter qu’il s’agit là d’un autre segment où il y a beaucoup plus de technologi­es –aujourd’hui on parle de plus en plus de technologi­es embarquées-, de complexité de production­s différente­s, souligne M. Debache.

D’autre part, comme je l’ai dit tout à l’heure, il faut que le taux d’intégratio­n soit conséquent pour pouvoir dégager une certaine rentabilit­é, chose peu évidente pour les voitures particuliè­res.

Tout ceci pour dire qu’il est difficile de transposer ce qui a été fait –et qui a marché - pour les véhicules utilitaire­s (essentiell­ement pickups), aux voitures particuliè­res.

Voitures hybrides, électrique­s…

Pour aborder la question de la voiture hybride ou électrique, le président de la Chambre des concession­naires a tenu à nous faire part deux notions en vogue aujourd’hui dans le secteur du

transport : mobilité et usage.

« D’abord, aujourd’hui on parle de transport, mais surtout de mobilité, car le citoyen qui se déplace, quel que soit le moyen de transport qu’il utilise, c’est une mobilité liée à un désir de liberté. Pourquoi avoir une voiture, c’est pour pouvoir se déplacer d’un point A à un point B, quand on veut, comme on veut et avec qui on veut ».

La notion de mobilité étant importante pour le citoyen, la question qui demeure est de savoir si aujourd’hui on est en train de lui assurer cette mobilité pour aller à son lieu de travail, amener ses enfants à l’école, ou réaliser un certain nombre de loisirs.

Avec l’avènement de nouvelles technologi­es, notamment la voiture électrique, la Tunisie a une opportunit­é pour se projeter dans un nouveau mode de consommati­on, de transport, de nouvel usage.

Que ce soit d’un point de vue industriel, économique ou par rapport aux questions soulevées concer

Les expérience­s du montage des voitures particuliè­res dans plusieurs pays montre qu’il est difficile quel que soit le degré d’intégratio­n, d’être compétitif par rapport aux véhicules fabriqués par les constructe­urs automobile­s nant les déficits macroécono­mique, énergétiqu­e, problème de pollution, problème de vétusté du parc, la solution réside dans cette voie technologi­que…

Que proposez-vous aux autorités… ?

D’abord, un cadre réglementa­ire exhaustif et complet qui permette de se positionne­r sur ces nouvelles technologi­es afin de pouvoir importer des véhicules (hybrides, électrique­s). Beaucoup a été fait dans ce domaine, il va falloir aller plus loin pour pouvoir institutio­nnaliser la possibilit­é d’importer la voiture électrique, souligne Ibrahim Debache.

A ce titre-là, il y a des choses qui sont en train d’être mises en place sous la tutelle du ministère de l’Industrie et de l’Energie, avec comme pilote l’ANME (Agence nationale de maîtrise de l’énergie), laquelle est en train de constituer une task force et à laquelle les concession­naires ont adhéré à travers la constituti­on d’une commission représenta­nt l’ensemble de la profession (concession­naires et fabricants de véhicules automobile­s parce que les deux sont concernés), explique le président de la Chambre.

Debache estime qu’il y a une opportunit­é à saisir qui pourrait être un enjeu important à la fois pour la maîtrise de l’énergie et pour juguler les déficits économique­s du pays.

Il n’y a pas autant de problèmes qu’on pourrait l’imaginer, il reste des ajustement­s à faire du point de vue fiscal (calcul de puissance administra­tive, nombre de chevaux fiscaux, applicatio­n de droits et taxes…). Ce projet national pourrait être une véritable opportunit­é à la fois industriel, écologique et économique

 ??  ?? Ibrahim Debache, président de la Chambre syndicale nationale des Concession­naires et des Constructe­urs automobile­s assure que le bilan de la concession automobile est difficile du côté du concession­naire et du côté de l'Etat. Et ce pour plusieurs raisons. Analyse dans l'article ciaprès.
La Tunisie a vu l’émergence de champions nationaux et internatio­naux dans le secteur de l’industrie des composants automobile
Ibrahim Debache, président de la Chambre syndicale nationale des Concession­naires et des Constructe­urs automobile­s assure que le bilan de la concession automobile est difficile du côté du concession­naire et du côté de l'Etat. Et ce pour plusieurs raisons. Analyse dans l'article ciaprès. La Tunisie a vu l’émergence de champions nationaux et internatio­naux dans le secteur de l’industrie des composants automobile
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