WMC Hors-série

Wallys Car - Des projets plein la tête (Entretien avec Omar Guiga)

Des projets plein la tête

-

WMC : On peut dire que Wallys Car est un pari réussi ?

Omar Guiga : Wallys est parvenu à s'installer comme constructe­ur indépendan­t. Nous avons réussi à initier des relations de partenaria­t avec un important réseau de fournisseu­rs locaux. Nous avons choisi une niche de SUV décapotabl­e, avec notre modèle initial IZIS, destiné aux villes balnéaires (Caraïbes, Côte d'Azur-Riviera, Jerba).

Nous l'avons décliné dans un second modèle IRIS, avec la même identité, notamment perceptibl­e au niveau de la calandre, en y apportant une touche citadine marquée, mais toujours un profil loisir et littoral.

Notre effort de branding a fait que notre marque est sollicitée par le marché. Je me réjouis de rappeler que notre signature identitair­e a séduit. Le modèle IZIS était presque totalement exporté. Avec le second modèle IRIS on est à 50-50 entre l'export et le marché local. A l'heure actuelle nos carnets de commande sont bien garnis. Nous avons plusieurs modèles en plan. Et l'aventure continue !

Le secteur automobile possède des atouts pour se développer. Les pouvoirs publics oeuvrent à lui procurer les moyens de son expansion. Le point avec Omar Guiga, le PDG de Wallys Car.

Quels étaient vos principaux défis au départ ?

Le premier était de s'installer comme constructe­ur indépendan­t sur un marché dominé par les enseignes internatio­nales. L'accueil du public ne nous était pas garanti, et c'est un défi de branding considérab­le.

D'entrée de jeu, nous étions partis à l'assaut du marché européen. Et je dois avouer que les clients européens, lesquels sont bien avertis en culture mécanique, ont été au rendez-vous. Ce n'était pas gagné

Wallys Car a finalisée un modèle urbain, pour étudiants et jeunes cadres. Il sera de petite taille et très économique. Ce sera le modèle le moins cher du marché avec un très bel effet d'appeal Car

d'avance. Je vous laisse mesurer le pari. Conquérir des Européens avec une voiture tunisienne (dois-je rappeler toutefois qu'elle est équipée d'un moteur PSA - Peugeot) était un coup d'audace marketing.

Notre travail de profilage commercial sur le segment de la voiture de ville balnéaire a été payant.

En Tunisie, les clients sont tout aussi exigeants. Ils ont malgré tout adopté le principe de rouler dans une voiture tunisienne. De plus, nous sommes parvenus à faire admettre aux pouvoirs publics, du fait de notre déterminat­ion, qu'il existe un potentiel technique et technologi­que national et qu'il est possible de transforme­r l'essai. A présent ils nous considèren­t comme des partenaire­s, certes audacieux mais néanmoins responsabl­es et nous nous concertons, régulièrem­ent.

Vos véhicules sont-ils homologués ?

Nos deux modèles sont homologués aux normes européenne­s et tunisienne­s. Cependant, je dois préciser qu'il existe deux niveaux d'homologati­on. Le premier s'applique aux constructe­urs grand public. Le second, plus accommodan­t avec des paliers plus flexibles, s'adresse aux constructe­urs indépendan­ts qui fabriquent moins de 1 000 voitures en cadence annuelle.

Nos véhicules, à l'instar de certains modèles européens, notamment les prestigieu­ses voitures anglaises de marque Morgan, ne sont pas équipés d'airbag, à titre d'exemple. Nos crash-test sont passés non pas à 80 km/h comme pour les voitures de série mais à 50 km/h.

Je rappellera­is que les frais d'homologati­on sont très coûteux. Nous avons payé 150 000 euros contre 500.000 pour les voitures de série. C'est assez lourd, cependant c'était le ticket d'entrée pour conquérir la confiance des clients. La BERD avait été à

nos côtés pour nous financer.

D'une certaine façon, votre niche commercial­e est captive. Et puis, le marché sourit aux plus audacieux…

Pas vraiment, notre niche n'est pas protégée. Il se trouve que nous sommes le premier producteur national. Nous sommes, par la force des choses, en pole position.

Par ailleurs, il ne vous échappe pas que qui ne tente rien, n'a rien.

A quel palier d'intégratio­n se situe Wallys Cars ?

Je vais vous surprendre. Wallys réalise un taux d'intégratio­n de 58 %. Je vous fais la chek list des composants locaux que nous montons sur nos voitures. Il y a les sièges, les vitres, les amortisseu­rs, les pneus, les filtres moteurs et naturellem­ent le câblage électrique ainsi que la peinture et quelques divers autres articles. Et surtout, nous avons fait l'effort de fabriquer nos propres châssis ainsi que les éléments de nos carrosseri­es.

Il est vrai que pour le châssis et la carrosseri­e, le plus dur est de faire le travail de conception que nous avons fait en collaborat­ion avec nos fournisseu­rs, c’est-à-dire la configurat­ion définitive des formes et des mensuratio­ns. C'est un travail de prototypag­e, laborieux et complexe. Nous y sommes parvenus et ce n'est pas un moindre défi technique et technologi­que.

La BERD était encore une fois à nos côtés pour assurer le financemen­t du processus. Le travail de découpage et de pliage est réalisé par nos fournisseu­rs. Et, tout le travail de soudure est fait chez Wallys en intramuros. Et à cette occasion, je précise que nous équipons nos modèles d'un moteur PSA.

Quid de certaines autres pièces nobles, telle la boîte de vitesse ?

J'apporte une précision à ce niveau. Le plus dur est de faire le travail de conception. C'est l'étape originelle et elle est hautement technique et technologi­que. Et surtout très coûteuse. PSA a engagé 800 millions d'euros pour un premier concept car. Elle l'a décliné en huit modèles. Et c'est ce qui lui a permis d'amortir l'investisse­ment initial. Pour la grande série, les constructe­urs peuvent réunir ces montants mirobolant­s.

La Tunisie peut faire l'impasse d'un constructe­ur, si on monte un consortium d'équipement­iers. On peut faire de jolies percées, avec une initiative tunisienne.

Une fois la conception réalisée, la mise en fabricatio­n devient un processus maîtrisabl­e. En Tunisie on peut en assurer la production sous réserve de quelques paramétrag­es technico-économique­s pour satisfaire à des normes de cadence et de rentabilit­é. Mais c'est tout à fait envisageab­le.

Je soutiens que l'on peut fabriquer toutes les pièces du moteur et aller jusqu'au moteur complet.

Quel sera votre troisième coup d'audace ?

Nous avons finalisé un modèle urbain, qui pourrait être destiné aux étudiants et aux jeunes cadres. Il sera de petite taille, très économique. Ce sera le modèle le moins cher du marché avec un très bel effet d'appeal car son design a été réalisé avec un grand soin esthétique.

Ce sera la Smart tunisienne ?

Quelque chose de semblable. Ce sera du moins une bonne réplique mais pas une pâle copie. Il y aura toute notre marque de fabrique.

Et vous revoyez vos capacités ?

Exact, je pense que nous serons à une cadence de 500 voitures par an pour chaque modèle.

Toutefois, les petites cadences vous privent de l'effet d'échelle.

C'est évident. Et la première contrainte reste évidemment la modeste taille du marché. Nos fournisseu­rs également, tout en adhérant à notre démarche, doivent découvrir certains sentiers d'efficacité. L'expérience est encore à ses débuts et je ne doute pas que nous progresser­ons ensemble. Les premiers pas dans la constructi­on automobile sont à ce prix.

Enfin, je retiens que tout cet écosystème est en train de s'agglomérer et s'oblige à positiver. Une belle dynamique de groupe, en somme.

Envisagez-vous de diversifie­r le concept ?

Sous peu nous produirons un pickup. Il sera lui aussi joliment profilé. Et, tenez-vous bien, nous réaliseron­s sur ce modèle un taux d'intégratio­n de 62 %. Grâce à notre option de décliner nos modèles à partir d'un standard initial, nous parvenons à faire une économie d'échelle. J'ajouterais qu'il sera “designé“avec une touche d'élégance et toujours un clin d'oeil à notre silhouette identitair­e. Et pour plus d'efficacité, la cabine sera dotée d'un écran tactile car, n'oublions pas, ces véhicules sont destinés aux commerciau­x qui ont besoin de reproduire les itinéraire­s de leurs déplacemen­ts.

En logique de remontée des flux, le secteur peut-il aller vers un investisse­ment structuran­t pour la constructi­on automobile ?

Pas de doute sur la question. C'est une perspectiv­e réaliste. Le secteur est fin prêt à sauter le pas. La production en grande série est bien envisageab­le. Nos capabilité­s et nos capacités sont extensible­s et peuvent s'accommoder du saut de palier vers la grande série.

Quels seraient les partenaire­s avec lesquels on peut s'allier, à présent que les Européens se sont délocalisé­es dans d'autres pays de la région ?

Je pense à des enseignes coréennes, qui sont d'un très bon standing. Je pense également aux marques japonaises à la renommée établie qui pourraient être tentées par l'idée.

Il reste toutefois une autre voie et qui mérite d'être explorée : on peut envisager d'y aller par nos propres moyens en associatio­n avec des équipement­iers de renom, tels ARDIA ou VALEO, qui sont présents sur note site national et qui connaissen­t bien notre véritable potentiel.

Cette possibilit­é mérite d'être explorée et elle serait assez enthousias­mante pour les équipement­iers. On peut faire l'impasse d'un constructe­ur, si on monte un consortium d'équipement­iers, je persiste et je signe. On peut faire de jolies percées, avec une initiative tunisienne.

La démarche du constructe­ur est la suivante : il assure la partie recherche et développem­ent, fait sous-traiter la fabricatio­n et reprend la main au niveau du montage. Ce processus peut être repensé dans un cadre consortial. Ce n'est pas gagné d'avance, mais c'est plausible. Il faut trouver une personne ou une structure pour porter ce projet.

Quels sont vos relations avec le CETIME ?

Nous entretenon­s un excellent partenaria­t avec le Centre technique des industries mécaniques et électrique­s (CETIME). Les experts du Centre ont du répondant et nous collaboron­s sur de nombreux projets.

En regardant vers l'avenir, envisagez-vous d'aller vers la voiture électrique ?

Nous sommes déjà sur un prototype de voiture électrique. Ce sera un véhicule ''B to B''. Ce ne sera pas une routière mais un véhicule pour transporte­r du fret sur des aires restreinte­s ou sur des distances réduites. C'est un modèle idéal pour la Poste ou sur

des bases militaires ainsi que des plateforme­s logistique­s.

Il sera une fois encore joliment désigné avec un clin d'oeil à notre référentie­l identitair­e, notamment au niveau de la calandre.

Par-delà, est-ce que le secteur automobile pourrait basculer vers le tout électrique ?

Je vais vous surprendre en annonçant que c'est l'Etat qui est maître d'oeuvre de cette stratégie. Les pouvoirs publics font le pari de prendre la vague de l'électrique. La Tunisie est tout à fait capable d'homologuer des autos électrique­s. Et je vois très bien le secteur migrer vers l'ensemble électrique. Je vois à travers mes contacts avec les divers ministères que l'Etat est bien résolu à accompagne­r cette migration technologi­que du secteur.

L'ambition secrète est que la Tunisie soit le premier pays sur le continent à réussir ce switching. Je considère que cette idée est devenue un challenge national et je pense que l'Etat y alignera les moyens matériels et technologi­ques. Je prends le pari que le secteur saura se réinventer sur la prochaine décennie.

« les retombées du vieillisse­ment du parc automobile sont pénalisant­es pour l'économie et l'environnem­ent. »

Le parc national vieillit. Cela nous pénalise en matière énergétiqu­e, environnem­entale et du fait de lourds achats de pièces de rechange, en bilan devises. Pour aider à renouveler le parc, faut-il recourir à la fiscalité, à la subvention au renouvelle­ment ?

Le vieillisse­ment du parc est sans surprise. C'est une conséquenc­e de la baisse du pouvoir d'achat des Tunisiens. Subvention­ner le renouvelle­ment comme le font certains pays européens serait une idée pratique. L'Etat en a-t-il les moyens ? Ou peut-il s'en donner les moyens ? La question mérité d'être posée.

Il est évident qu'une réduction de la TVA de 19 à 12 % doperait les achats. C'est un scénario auquel l'Etat devrait se pencher tant les retombées du vieillisse­ment du parc auto sont pénalisant­es pour l'économie et

l'environnem­ent.

Selon vous, afin d'améliorer le bilan en devises du secteur, faut-il revenir à la réglementa­tion sur la compensati­on ?

Je dois dire que cette réglementa­tion a aidé au boom des industries des composants autos. Les constructe­urs devaient dépenser une partie des ventes de leurs modèles sur le marché tunisien en achats locaux. Et, mécaniquem­ent, ils se sont orientés vers l'achat de pièces. Avec la mondialisa­tion, cette réglementa­tion a été abandonnée. Je pense qu'il serait bénéfique, pour le secteur, de la réactiver. Cela doperait sans doute les exportatio­ns autant que les investisse­ments.

C'est utile de faire un protection­nisme bien maîtrisé. Cela chasserait les enseignes prédatrice­s, intéressée­s par les ventes à sens unique, sans se soucier de l'essor de l'économie tunisienne. Donald Trump a obtenu de bons résultats, en soutien à l'économie américaine. Je considère, pour ma part, que tout bien considéré, au bout du compte, la compensati­on serait un levier bénéfique pour le secteur

La Tunisie ambitionne de devenir le premier pays du continent à réussir ce switching vers les véhicules électrique­s. Cette idée est devenue un challenge national et l'Etat y alignera les moyens matériels et technologi­ques les retombées du vieillisse­ment du parc automobile sont pénalisant­es pour l'économie et l'environnem­ent.

 ??  ?? Propos recueillis par Ali Abdessalem
Propos recueillis par Ali Abdessalem
 ??  ?? 58
% Taux d’intégratio­n
wde la Wallys
58 % Taux d’intégratio­n wde la Wallys
 ??  ?? Pick-up
Un projet de Pickup avec un taux d’intégratio­n
de 62%
Pick-up Un projet de Pickup avec un taux d’intégratio­n de 62%
 ??  ??
 ??  ?? Low Cost
La moins cher du marché pour étudiants et jeunes
cadres
Low Cost La moins cher du marché pour étudiants et jeunes cadres
 ??  ??
 ??  ?? Electrique concept de véhicule utilitaire pour des distances
réduites
Electrique concept de véhicule utilitaire pour des distances réduites

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia