LES DOUX PLAISIRS
La philosophie n’est pas une matière inaccessible et déconnectée du monde. Au contraire, comme le montrent chacun à leur façon Normand Baillargeon et Jean Bédard.
Deux ouvrages pour vous mettre en appétit de nourritures philosophiques.
C’est la faute à Ricardo, explique Normand Baillargeon. Invité en même temps que le célèbre chef cuisinier à l’émission Dessine-moi un dimanche, le philosophe s’est mis à chercher des intersections entre leurs univers. Le résultat ? Un livre à la présentation soignée dont le contenu a de quoi alimenter de riches discussions à l’heure du souper ! À la table
des philosophes stimule notre appétit philosophique en examinant quelques questions à la lumière des enseignements de Platon, Kant, Rousseau, John Locke, Peter Singer, des moines zen et d’autres. « Faut-il être un mangeur apollinien ou dionysiaque ? C’est-à-dire […] choisir notre nourriture avec notre esprit ou notre coeur ? Bien malin qui peut répondre à cette question », dit le professeur Baillargeon. Faut-il se faire végétarien, voire locavore ? La cuisine est-elle un art ? Quels idéaux sous-tendent la cérémonie du thé ? M. Baillargeon nous mène d’un sujet à l’autre avec un évident souci de vulgarisation, confrontant les points de vue opposés pour mieux éclairer. Chaque chapitre se termine par une liste de lectures et de sujets de conversation.
« Celui qui ne trouve pas belle la vie la détruit », écrit Jean Bédard. C’est l’idée centrale de son Journal d’un réfugié de campagne, collection de textes écrits au fil des semaines pour raconter « l’histoire du bonheur à laquelle nous pouvons appartenir ». Sa décision de devenir paysan plutôt que d’embrasser le modèle du retraité peinard a fait sourciller, d’autant plus qu’il n’y a pas d’argent à faire dans les légumes… Pour Jean Bédard, la beauté compte toutefois plus que l’argent – la beauté non pas comme un principe statique, un « colorant versé sur le monde », mais comme un acte de conscience. Souvent nostalgique, jamais défaitiste, il effleure une variété de thèmes (éthique, écologie, pouvoir, etc.) pour revenir toujours au concret : à ses légumes et à sa terre, lieu d’harmonie. Et comme le paysan-philosophe est de surcroît écrivain, il sait aussi émailler ses textes de belles touches de poésie.