Cuisine et Vins de France

RENCONTRE

Le roquefort, roi du pays des Grands Causses

- TEXTE ET PHOTOGRAPH­IES : MAEVA DESTOMBES

Alors que les villages du Larzac sont encore endormis, Philippe Boudou, quatrième génération de bergers aux Rives, s’active déjà. Dans quelques minutes, il va commencer la traite de ses brebis. Leur lait cru, « qu’il faut savoir maîtriser », sera utilisé pour fabriquer le roi des fromages.

Une seule race de brebis

Selon le cahier des charges de l’AOP, seule la race de Lacaune a le privilège de donner son or blanc des Causses, comme il est surnommé ici. L’animal subit une sélection très stricte selon plusieurs critères : formes des mamelles, physique, rendement. « Cette race locale a été développée pour rendre les brebis plus performant­es. De 80 litres de lait par an, on est passé à 300 litres », détaille Philippe. De bonnes pattes et de l’endurance sont essentiell­es sur ce terroir vallonné et rocailleux ! La traite mécanique terminée, Philippe mène son troupeau vers ses prairies. Durant cinq heures, elles vont brouter. Une alimentati­on naturelle rythmée par les saisons et complétée par la luzerne, le fourrage et les céréales, produits sur place. Si ce régime sain profite à la santé des brebis, « lorsque l’on goûte le fromage, il est impossible de détecter l’alimentati­on qu’elles ont eue » poursuit-il. Le Penicilliu­m roqueforti est si puissant qu’il gomme les différence­s de lait.

Des gestes encore à l’ancienne

Et si les roqueforts des sept fabricants sont si différents, c’est qu’il existe autant de souches de Penicilliu­m roqueforti que de maisons de fromage ! Les souches se transmette­nt par filiation. Dans le village de Roquefort-sur-Soulzon, temple du roquefort, Delphine Carles a hérité des caves de son grand-père et de ses souches. Outre le temps, l’un des secrets du roquefort Carles réside au coeur de la miche de pain de seigle et de blé. « À la cuisson, sa mie doit atteindre 100 °C. Cette températur­e permet au seul Penicilliu­m roqueforti de s’y développer », précise Delphine. Les miches sont ensuite exposées dans les caves. La semence s’y accroît puis est collectée, séchée et broyée pour obtenir la précieuse poudre vert-de-gris. Une trentaine de miches de pain suffisent annuelleme­nt. Les fromages façonnés artisanale­ment en laiterie sont transpercé­s afin d’activer le travail de l’air et du Penicilliu­m. Celui-ci est saupoudré sur les fromages au moment de la mise en moule. En cave, ils vont sécher sur des travées de bois. Durant tout le processus, le maître affineur ouvre ou ferme les « fleurines » (les entrées d’air dans les caves) pour donner cette onctuosité, ce fondant en bouche, ce goût puissant et subtil des roqueforts Carles. Puis, emballés dans des feuilles d’étain afin de ralentir leur évolution, les fromages vont s’affiner lentement plusieurs mois au coeur des caves avant d’arriver sur nos tables.

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Le roquefort, c’est l’alchimie entre le lait de brebis de Lacaune et les souches de Penicilliu­m roqueforti.
 ??  ?? Autrefois au nombre de seize, les producteur­s de roquefort ne sont plus que sept, dont deux artisans, notamment la Maison Carles que Delphine dirige depuis le départ à la retraite de son père en 2010.
Autrefois au nombre de seize, les producteur­s de roquefort ne sont plus que sept, dont deux artisans, notamment la Maison Carles que Delphine dirige depuis le départ à la retraite de son père en 2010.
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