Cuisine et Vins de France

DANS LES VIGNES

Cahors, la nouvelle vague

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SUR LE CHEMIN DE COMPOSTELL­E, UNE VILLE SUR LE LOT REND MILLE GRÂCES À SON TERROIR. LES PÈLERINS DE CAHORS : LE MALBEC, LE CAUSSE ET SES TERRASSES, LA SAINTE TRILOGIE DU SUD-OUEST.

Cahors, un nom qui sonne comme la France, comme le patrimoine. Cahors, un nom qui sonne comme le Sud-Ouest, un nom qui sonne depuis toujours… Et pourtant Cahors est une jeunesse, la consécrati­on de son appellatio­n date d’hier : 1971. Rien en regard du socle millénaire de son terroir. Tout part de là. De l’extrême sophistica­tion de morceaux de relief acoquinés aux méandres d’un serpent tranquille, le Lot, qui distribue ses largesses à droite comme à gauche au fil de ses deux rives. De chaque côté, le causse aride, de 200 à 300 mètres d’altitude, a bien failli avoir raison d’un peuple vigneron qui, affecté par la saignée de la guerre, le phylloxera et autres plaies du Quercy, descendait vers la vallée où la nature a davantage de bontés. Une vallée, doucement chapeautée de terrasses issues des trois périodes de glaciation Mindel, Riss et Würm, et dont les éboulis calcaires font toute la richesse du sol et du terroir. Le Caussenard était rude, frustre, endurant et pauvre, l’habitant de la vallée était plus riche. Des calcaires, taches minérales au coeur des forêts, ponctuent ainsi les plateaux en souvenir de ce passé où les vignerons trimaient à la tâche.

CHANTER COMME DES ROSSIGNOLS

Pourtant, l’heure n’est plus aux pleurniche­ries, la tendance s’inverse, et le causse perdu ne l’est plus pour les néo-émergents. Comme elle le fut pour le cinéma français, la nouvelle vague de Cahors ne se définit pas seulement par des techniques nouvelles empruntées le plus souvent aux anciens, mais par un retour à ce qui se faisait avant.

Il y a du Truffaut dans l’impertinen­ce des nouveaux rouges de Cahors, du Chabrol dans la définition sensible du personnage malbec, du Godard dans la liberté d’interpréta­tion de ces vins à table… Mais tout cela ne peut être possible sans le regard des ténors du vignoble, des caciques de l’appellatio­n, les papas qui ont fait le boulot en amont…

Les jeunes produisent essentiell­ement les vins qu’ils aiment boire, libérés des codes à l’image des vins des plateaux chantant comme des « rossignols ». C’est ainsi que l’on nomme les petits cailloux rouges et gorgés de ce fer qui fait du bien à la lumière des

vins du plateau, plus clair de robe que les crus des terrasses, sombres, fruités et charmeurs. Pourquoi le cahors devrait-il être ce vin capiteux plus lourd que digeste, noir comme l’encre ? Une autre voie s’ouvre pour ce malbec authentiqu­e mais léger, sensible mais sérieux, profond mais tendre à l’image des pinots noirs de la côte de Nuits ou du nebbiolo des barolos du Piémont. Là aussi un seul raisin pour des vins à ne pas boire par-dessus la jambe. En ajustant les vignobles sur des pratiques plus naturelles, en adoucissan­t les extraction­s, en récoltant plus tôt, en réduisant le bois neuf et les doses de soufre, – car le vin est protégé par la masse tannique du malbec –, Cahors se réinvente, prend du galon et la poudre d’escampette avec plus de 100 % d’augmentati­on à l’export. Les domaines Mas del Périé, Capelanel, Combel La Serre, Troteligot­te, Croisille, Calmette… ne sont pas étrangers à ce regain que l’on juge réellement à partir du millésime 2015. Les terroirs fissurés sont là depuis le jurassique, les alluvions et les marnes depuis plus de 25 millions d’années et pourtant, Cahors ne s’en soucie que depuis une dizaine d’années, depuis une certaine charte de qualité qui oblige le vigneron à mettre le nez sur sa terre. Il n’a pas la berlue et sait que sous ses pieds, ce sol fera le lit du malbec de demain. L’Argentine, qui nous l’a piqué, porte la marque du cépage ; la France, deuxième producteur au monde, son panache.

Il a bien essaimé par-ci par-là mais guère : un peu en Loire à Amboise, où il se nomme auxerrois ou côt ; un peu dans le Languedoc, qui est l’éponge à raisin. Mais rien qui ne puisse l’inquiéter, car malbec, fils du causse, appartient à l’histoire : né au XVIe siècle, selon les premiers écrits, de la magdeleine noire des Charentes et du prunelard de Gaillac.

Il était temps de dépoussiér­er le rouge du Lot dont on finit la bouteille à table : sur des calamars et seiches en crépinette ou sur des asperges, la nouvelle communicat­ion des Cadurciens intitulée Expérience Cahors Malbec fait la nique à ce que l’on croyait savoir de l’accord parfait avec le canard.

Si le climat leur fiche la paix, si les bonnes décisions sont prises, si la future hiérarchis­ation des terroirs, juste et consensuel­le, voit le jour, alors peut-être bien que Cahors deviendra le plus grand vin rouge du Sud-Ouest. L’appellatio­n en possède tous les atouts et les Cadurciens, vaillants descendant­s du peuple celte, ont du courage : ils furent les derniers à résister à César.

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Le pont fortifié de Valentré, datant du XIVe siècle, enjambe le Lot à l’ouest de Cahors.
 ??  ?? Les rangs bien rangés du ChâteauLes Croisille, devant le hameau de Luzech. Depuis Belaye, village médiéval, on embrasse le Lot et les vignes en terrasses.
Les rangs bien rangés du ChâteauLes Croisille, devant le hameau de Luzech. Depuis Belaye, village médiéval, on embrasse le Lot et les vignes en terrasses.
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Perché au-dessus de la rivière, au coeur du vignoble cadurcien, Puy-Levèque semble défier le temps avec ses tourelles bien préservées et ses maisons ocre.

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