ÉDITO ET INDEX DES RECETTES
Le 21 janvier, le célèbre Guide rouge a dévoilé son palmarès lors d’une cérémonie salle Gaveau, à Paris, un lieu presque aussi vieux que Le Guide
Michelin. Vieux, c’est justement ce que l’on reprochait au guide. Dépassé, à la traîne des Fooding, Trip-Advisor, La Fourchette, World’s 50 best.
Loin des querelles de chapelle, je pense qu’il peut y avoir de la place pour tout système de jugements et notations, même si, qui dit notes, étoiles, fourchettes et autres pictogrammes évoquant la qualité, induit aussi concurrence parfois inamicale, injustices et frustrations. C’est le jeu de notre société.
On sait qu’une nouvelle étoile, une bonne appréciation, c’est souvent la certitude de remplir sa salle. Les chefs ne font pas de bénévolat, et le client ne réalise pas toujours les investissements et les charges d’un restaurant.
Cet après-midi du 21, j’étais assise dans la corbeille avec la presse, scrutant de haut les chefs réunis dans l’orchestre. Assis, parés de leur veste blanche, leur col parfois enrichi de la broderie bleu, blanc, rouge, signe distinctif des Meilleurs Ouvriers de France. Sur leurs fauteuils, donc, aux cadres boisés, beaucoup étaient anxieux, attentifs, concentrés, quelques femmes – pas assez –, l’on se retournait, l’on se saluait… quel meilleur endroit pour se retrouver tous en ce jour qui se finirait
avec son lot de rêves et désespoirs.
Et puis, on appelle sur la scène les nouveaux étoilés. Pas moins de 68 ont bondi pour fêter leur première étoile. Ont suivi d’autres, accrochant une deuxième à leur restaurant, et puis deux autres encore ovationnés pour leur troisième. Des restaurants chics, des bistrots, des restaurants de bord de mer, à la montagne, certains un peu perdus. Cette année, plus encore que tout autre fois, Le Guide Michelin a récompensé la jeunesse qui pense la cuisine autrement. Non pas moléculaire, ni faite d’espumas, mais une cuisine où les chefs magnifient les produits de leur terroir, voire de leur potager, à travers des variations singulières, où pas une seule interprétation ne ressemble à une autre. Ce soir-là, j’ai eu le sentiment d’être devant une grande famille, comme celles que l’on voit de plus en plus, métissée, recomposée, respectueuse de ses membres. Une famille qui était là pour fêter le succès de la cuisine engagée, comme si cuisiner devenait un acte citoyen, une sorte de minirévolution. Alors, suivez ce mouvement.
Faites la cuisine, pas la guerre !
SOPHIE MENUT-YOVANOVITCH @sophiemenut
KARINE VALENTIN @karine.valentin