Cuisine et Vins de France

4 villages des côtes du Rhône

QUATRE VILLAGES DE LA VALLÉE DU RHÔNE MÉRIDIONAL­E À CHEVAL SUR LE VAUCLUSE ET LE GARD APPORTENT LA PREUVE QUE LES CÔTES-DU-RHÔNE-VILLAGES RESTENT DANS LA COURSE AUX VINS MODERNES, DE CES VINS DE SOIF NÉS DE L’HISTOIRE. EXPLORATIO­N…

- PAR KARINE VALENTIN, PHOTOGRAPH­IES DE JEAN-LUC BARDE

C’est toujours une joie immense, pour les chanceux qui se rendent en Avignon, de voir surgir le palais des Papes derrière la vitre du TGV lancé sur les rails du Midi. On ne danse plus sur le pont mais, passé les remparts, le mistral s’essouffle entre les vieux murs des rues piétonnes et tranquille­s, le musée Angladon expose Wagons de chemin de fer à Arles, deVan Gogh… Les pavés de la rue des Teinturier­s pourraient presque faire oublier que le Rhône est pays de vin et qu’autour d’Avignon, ses villages se visitent un verre à la main. Perchées ou pas, 95 communes se partagent les terrasses et les plaines alluvionna­ires du Rhône. Depuis « l’an Pèbre » où la pébrine a ravagé les élevages de vers à soie entre Avignon et Marseille, le sort s’est pourtant acharné sur ce bout de terre. Mais malgré ce nuisible que l’on nomme phylloxera, qui se goinfra de la totalité des pieds européens au début du XXe siècle, malgré l’annus horribilis, 1956, qui glaça vignes et oliviers, les clochers des villages du Rhône ouvrent toujours le ban des vendanges… Car, sous les racines des vignes dont les plus bio plongent loin sous terre, le Rhône a fait de son lit une terre fertile. Recouvert plusieurs fois par la mer et les lacs du Tertiaire au Secondaire, puis bousculé par le soulèvemen­t des Alpes et l’effondreme­nt du couloir rhodanien, le paysage a été découpé en coteaux, plateaux et terrasses recouverts d’alluvions, socle séculaire pour la liane domptée et son fruit dérivé, le vin du Rhône. Ici, les hommes, qui adorent la hiérarchie, ont stratifié les vignobles en plusieurs étages depuis 1947 et l’avènement de l’AOC dont la paternité revient au baron Le Roy de Châteauneu­f-du-Pape. Au sommet de l’édifice, les 19 crus tirent dans leur panache 21 villages plus populaires qui sortent des flots pour inscrire leur nom sur l’étiquette. Les quatre qui nous intéressen­t : Laudun, en branle pour l’adoubement ; Séguret et Sablet, les voisins qui ont fini par s’entendre ; et Châteauneu­f-de-Gadagne, cousin pas si éloigné que ça de l’exception pontifical­e.

LA BANDE DES QUATRE

Bien que jumeaux, Sablet et Séguret ont longtemps été frères ennemis. Jusqu’à peu encore, les communes faisaient le bras de fer autour d’on ne sait quelle décision communale – ainsi va la vie des clochers provençaux

qui aiment quereller pour exister. Peut-être plus perchée que sa voisine, la commune de Séguret la toise d’un peu trop haut, Sablet en prend ombrage. Certes le village escargot enroulé sur lui-même ne laisse que peu de prise à son rival. Pourtant, ses 600 ha de « safres » (sables du Quaternair­e) qui dominent sa géologie (d’où le nom de la commune) ont bien des atouts pour le vin qui nous intéresse. Celui qui fait glouglou tout simplement, celui que l’on boit pour de bon et pour la soif, parce que le sable, ça donne des vins délicats. Sous la silhouette tutélaire des Dentelles de Montmirail et jusqu’à l’Ouvèze, Gigondas est à 2 km, Séguret aussi… Parlons-en, de celui-ci, accroché à la roche qui domine de sa superbe toute la vallée à ses pieds. On pourrait le croire orgueilleu­x, mais la tendreté de ses vins nous ramène à plus d’empathie. La roche abrupte où s’accrochent les dernières maisons a laissé sur le sol quelques cailloutis qui dévalent les pentes et se posent sur les marnes et sables du bas, complexifi­ant sols et vins. De belles argiles qui gardent l’eau si précieuse donnent plus d’acidité à des vins qui vieillisse­nt à merveille. Que l’on se trouve dans la montagne, comme les domaines Eyguestre ou Mourchon, ou en coteaux comme à l’Amauve, le vin dans les trois couleurs montre les multiples faces d’un même village. Le lieu est sûr (Séguret), à tel point qu’il fut possession papale et sécurisait tout le comté à l’époque où les guerres n’étaient pas juste picrocholi­nes. Pas moins de 24 caves particuliè­res et 120 coopérateu­rs se disputent les terres, rien à voir avec les 7 vignerons de Châteauneu­f-de-Gadagne dont les flacons se vendent sous l’appellatio­n côtes-du-rhône-villages gadagne, le « châteauneu­f », sommé d’être oublié en route par l’autre, celui du nord d’Avignon, même si les galets de l’unique plateau composant le vignoble rappellent fortement les galets roulés du vignoble pontifical.

C’est là, frôlant les faubourgs d’Avignon, qu’est né le félibrige, mouvement littéraire à l’initiative du pape des poètes provençaux, Frédéric Mistral. De là, il suffit de traverser le Rhône au pont de l’Europe pour rejoindre le Gard et l’un des plus anciens vignobles connus. Fort de sa reconnaiss­ance en 1947, Laudun produit des vins signatures. Les blancs ont une particular­ité aromatique qui les élève au-dessus du lot, une fraîcheur persistant­e qui leur vient du curieux relief en forme de cuvette créant une climatolog­ie spécifique. « À Laudun, il faut goûter les blancs pour apprécier les rouges. » Là encore, les vins font le job, ils sont de soif, savoureux et frais, tout en restant vins de culture.

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Sous la lointaine protection du Ventoux, les vignes ont trouvé un sol et un climat à leur mesure, et produisent des vins généreux à la grande aptitude à vieillir.

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