LE MEILLEUR SOMMELIER DU MONDE
Si ce concours très exigeant voit défiler les professionnels les plus expérimentés, le lauréat de cette année surprend, tant par sa détermination que sa jeunesse et sa spontanéité.
Debout, la salle applaudit. Ce 15 mars 2019, tous les champions du monde se tiennent alignés sur la scène du Queen Elisabeth Hall à Anvers, laissant au milieu d’eux un espace vide, celui de l’absence de Gérard Basset, disparu dans l’hiver pour toujours. Le directeur du Comité technique du concours du meilleur sommelier du monde en 2010, leur
ami, leur frère est parti trop tôt, le 16 janvier 2019 ; son épouse et son fils sont accueillis pour un hommage où la dignité n’empêche pas les larmes de couler sur les visages de ses pairs.
La famille de la sommellerie internationale peut dès lors introduire sur scène les dix-neuf demi-finalistes et procéder à l’appel éliminatoire des candidats pour n’en garder que trois. Restent pour la finale, sur scène dans un décor de salle de restaurant, la Danoise Nina Hjgaard Jensen, le Letton Raimonds Tomsons et l’Allemand Marc Almert. À chaque table, les membres du jury attendent les candidats qui se succèdent pour se soumettre aux sept épreuves, les mêmes pour chacun d’eux : service,
dégustation à l’aveugle de vins et de spiritueux, commentaires de dégustation, mariage de mets et vins... S’agissant de la prestation de ces athlètes au savoir abyssal, on voit illustré ce qu’Olivier Poussier, Meilleur sommelier du monde en 2000, affirmait le matin même : « À compétences égales à ce haut niveau de connaissance, la gestion du stress est l’élément déterminant du succès. » Dans ce registre, le plus jeune des impétrants, Marc Almert 27 ans, est le plus à l’aise : « Je viens pour la première fois, malgré quelques concours gagnés, je ne suis pas repéré comme favori, j'entre sans pression. » Il ajoute légèreté et humour lors du service et de la présentation d’un flacon « blend » de Vega Sicilia : « Oh, c’est une belle surprise, je n’ai jamais goûté ce vin, merci de l’avoir choisi ! » Au terme de la huitième et ultime épreuve disputée cette fois-ci ensemble – un curieux exercice de remplissage de verres à champagne à parts égales pour chacun d’eux avec un magnum de prosecco, sans possibilité de revenir en arrière pour refaire les niveaux – Marc Almert est proclamé Meilleur sommelier du monde.
Le lendemain, le jeune homme éprouve quelques difficultés à y croire : « Je me suis réveillé, la médaille du titre était là pour attester qu’il ne s’agissait pas d’un rêve. C’est encore surréel, précise-t-il, je suis très honoré d’appartenir à cette lignée de champions. » Pourquoi se soumet-on ainsi, du point de la douce et étrange obsession de tout savoir sur le vin, à une épreuve aussi exigeante qui requiert les talents, la concentration, la préparation mentale, l’esprit de compétition d’un sportif de très haut niveau ? « Vous savez, sommelier c’est être seul en salle tous les jours, alors se retrouver là, c’est se sentir appartenir à une grande et belle famille. » L’avenir ? C’est « d’abord vivre mon métier en Suisse, à Zürich au restaurant le Pavillon pour remercier ceux qui m’ont accompagné, ont consenti de gros sacrifices et partagent avec moi ce titre. » La classe.