Cuisine et Vins de France

Cabidos Cabidos, perdu loin de tout et de tous

Secrète thébaïde, où le petit manseng est à son affaire sur cette île de luxe végétal, au coeur du Béarn.

- PAR JEAN-LUC BARDE

On était partis de derrière la mer, de la Villa Catharie, leur maison d’hôtes de Guéthary. Un peu plus tard, dans le soir qui s’avançait, on avait laissé Orthez, cité de Gaston Phoebus, pont fortifié et gave d’eau verte. Au-delà vers le nord, c’étaient collines rondes, troupeaux

blonds épars en lisière des châtaignie­rs fleuris, puis la lente déambulati­on des lacets souples d’une route de Chalosse parsemée de palmiers, de fermes aux murs de galets volés au lit de la rivière. Un cycliste jaune, pris dans l’imaginaire des héros des grands cols pyrénéens, gravissait à l’aise avec ses mollets de lièvre le chemin qui montait à la crête ; ses coups de pédale levaient parfois un perdreau. Depuis combien de temps roulait-on ? Une heure, deux jours ? Ce lointain si proche nous isolait du temps qui passe, nous pénétrait de sensuelle lenteur. Un village encore, la mairie minuscule dominée par la grosse église de Piets-Plasence-Moustrou – défi à la séparation de l’Église et de l’État – et la route, comme un filet d’eau claire, descendait vers les prairies et les haies, puis remontait dans une forêt fraîche. Tout à coup, sur le replat d’un coteau, des cyprès de bronze, de prodigieus­es acanthes parme dressées comme une haie d’honneur menaient à la maison. Le doux balancemen­t des rameaux vert tendre des petits mansengs, comme des lianes souples aux feuilles percées des derniers rayons du soleil, berçait le regard. Vers le sud, les Pyrénées de leurs pics de glace taillaient l’azur.

La biodynamie au bout du chemin

Le baron Arnauton Guilhem du Vignau avait acheté ce jardin des délices, siège de la baronnie de Trubessé, le 9 avril 1419. Tout y poussait et encore aujourd’hui le miracle s’accomplit. Peggy et Robert Alday le mesurent depuis 2015. Méo Sakorn-Sériès, directrice technique, venue de Thaïlande il y a vingt-deux ans, formée à Blanquefor­t, prodigue depuis 2007 les soins aux vignes et fait le vin dans l’horlogerie de son chai de microcuves. La conversion bio commence cette année avec Joël Manaud sur les 7,1 ha de petit manseng, 50 ares de chardonnay, 50 ares de sauvignon, 1 ha de syrah qui reçoivent compost, décoctions de prêle et ortie. La biodynamie n’est pas loin. Les cuvées IGP comté-tolosan, enchantent le palais : exotique petit manseng de GastonPhoe­busLe;Picsec de sauvignon, chardonnay et une pointe de petit manseng, fleurs blanches et pêche juteuse, et puis les doux, seulement du petit manseng ; L’Or de Cabi

dos, abricot tombé de l’arbre, figue mûre ; enfin GastonPhoe­bus, intense, équilibré, du miel, des épices sucrées et dorées, tous servis ce soir de printemps sur le Divertimen­to Köchel136 de Mozart interprété par le Quatuor Arnaga lors d’une fête galante donnée à Cabidos par la famille Alday.

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Le manoir de Cabidos, entre vignes et Pyrénées.

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