AIR DU TEMPS
Les fleurs s’invitent dans l’assiette
Portés par la déferlante des potagers de chef, les légumes et les aromates « du jardin » envahissent les tables étoilées, où les fleurs, longtemps oubliées, s’invitent maintenant avec coquetterie. Si les becs sucrés ont toujours été friands de délicates roses, violettes ou fleurs d’oranger, on ne les retrouve côté salé que depuis une petite dizaine d’années. Voyant plus loin que leur simple esthétique, certains précurseurs leur offrent désormais une place de choix dans l’équilibre des saveurs : Michel Bras et son Gargouillou végétal, Marc Veyrat et ses bouquets d’oxalis, Jean Sulpice et son homard capucine… Privilège des tables françaises ? Pas vraiment.
Une tendance internationale
Chez nos voisins transalpins, un jeune chef piémontais se distingue par ses créations florales époustouflantes. Michelangelo Mammoliti (La Madernassa, deux étoiles) imagine ses assiettes comme des tableaux : « J’ai mis une dizaine d’années à sélectionner les bonnes graines, qui produiront les fleurs au goût juste pour mes créations, et je commence seulement à sentir une curiosité sincère de la part de nos clients. Aujourd’hui, je peux même partir d’une fleur particulière comme la capucine ou la fleur de coriandre, et imaginer mon plat autour de ses saveurs et des souvenirs qu’elle réveille en moi. » Même son de cloche en Afrique du Sud, paradis des gastronomes, l’incontournable domaine de Babylonstoren cultive dans ses jardins de cocagne plus de trois cent variétés de fleurs comestibles, plantes potagères, arbres fruitiers et herbes médicinales. À la carte de son restaurant gastronomique Babel, salade de fleurs fraîches d’été ou pesto de tulbaghia suscitent la curiosité pour le plus grand bonheur du chef Schalk : « Quand j’étais encore étudiant, il nous arrivait de faire des essais, de planter un pétale par-ci, une feuille par-là. Les clients appréciaient le visuel, mais ne touchaient jamais aux fleurs. Aujourd’hui, c’est l’inverse, ils vont souvent picorer la fleur avant de toucher à leur assiette, au point que nous mettons même le nom des variétés au menu. »
Envie de vous lancer?
On retrouve le chef Schalk dans le potager de Babylonstoren, où il nous partage quelques conseils gourmands : « Si je devais ne retenir qu’une fleur, je choisirais le souci. C’est une fleur facile qui tient très bien la chaleur. On peut la passer à la poêle, la broyer en pesto, l’utiliser crue… bref, c’est le couteau suisse du royaume végétal. J’aime aussi le pollen jaune au goût liquoreux qui couronne les fleurs de fenouil, ou la surprenante tulbaghia, dont le parfum d’ail entêtant et le joyeux violet relèveront parfaitement une simple salade verte. Pour les desserts, essayez l’Alyssum, une toute petite fleur blanche qui dégage un parfum incroyable de miel. Tout juste quelques fleurs et c’est le bourdonnement de la ruche qui murmure à vos papilles. Pour la lavande attention, on ne sélectionne que les fleurs fraîches qui couronnent ses brins, avant de les effriter entre vos mains pour en libérer les huiles essentielles, que l’on marie ensuite à du gras (huile, crème, panacotta). » À vos pétales !