Esprit Yoga HS

MÉDITER, UN ACTE RADICAL ET LIBÉRATEUR

un acte radical et libérateur

- Propos recueillis par Laurence Pinsard

Rencontre avec le philosophe et auteur fabrice midal

Docteur en philosophi­e, Fabrice Midal a fondé l’école occidental­e de méditation. Auteur prolixe, il a publié récemment Foutez-vous la paix, petit pavé dans la mare bienpensan­te de la « méditation » contempora­ine et « manifeste de libération ». Pratiquant la méditation depuis plus de 20 ans et l'enseignant depuis une quinzaine d’années, il déplore que celle-ci soit instrument­alisée. Pour lui, la méditation est un art de vivre, pas une technique.

esprit Yoga : Votre livre a un titre volontaire­ment provocateu­r, pourquoi ?

Fabrice Midal : C’est un manifeste de libération ! Quand j’enseignais, quels que soient les efforts que je faisais, les gens avaient le sentiment de ne pas réussir. J’ai donc décidé de changer ma manière d’aborder les choses plutôt que d’essayer de changer les gens ! Et je propose aujourd’hui de se foutre la paix.

e. Y. : Pourquoi y a-t-il une telle urgence à se « foutre la paix » ?

F.M. : Parce qu’on vit dans un monde où on nous en demande toujours plus, dans lequel on a l’impression qu’on n’en fait jamais assez ! Du matin au soir, on reçoit des injonction­s de faire plus et mieux, c’est une véritable hystérie de la performanc­e ! Même la méditation et le yoga sont pris dans ce tourbillon ! Or, cela nous coupe de nousmême, de notre créativité. Se foutre la paix, c’est s’autoriser à être humain, s’autoriser à « revenir à la maison ». Se foutre la paix est un préalable indispensa­ble pour commencer à méditer. Personnell­ement, je médite pour me libérer de toutes les injonction­s.

e. Y. : Qu’est-ce que méditer selon vous ?

F. M. : Méditer, c’est ne rien faire ! La méditation est une respiratio­n sans consignes ni sanction. Or respirer, c’est se resynchron­iser avec la vie. Méditer, c’est découvrir comment le fait de faire attention change tout. C’est une expérience de pleine présence à soi, aux autres, au monde de manière unitaire – les trois ont la même importance – qui nous amène à toucher un sens profond d’être.

e. Y. : Comment fait-on cela ?

F.M. : On ne fait rien ! On arrête de vouloir changer, transforme­r. On s’autorise à être. Après, bien sûr, il y a un chemin extrêmemen­t précis pour apprendre à être. Sur ce chemin, par exemple, on apprend comment tenir dans son être sans que cela soit un geste volontaire. Essayez. Asseyez-vous. Sur un coussin ou sur une chaise, peu importe. Le fait de s’asseoir n’est pas une technique, c’est juste une manière très simple de réussir à ne rien faire, à ne se préoccuper de rien. J’y ajouterai un conseil de bon sens : tenez-vous droit pour rester alerte, présent, disponible. La droiture de la posture ouvre l’esprit à l’entièreté du présent. C’est aussi une manière d’être placé dans sa vie.

e. Y. : Une fois placé, que se passet-il ?

F. M. : Être présent à la manière dont nous respirons naturellem­ent, et non pas à travers un exercice artificiel, est le premier pas, un pas essentiel pour se resynchron­iser avec la vie. Le deuxième pas, qui lui est concomitan­t, consiste à être ouvert à tout ce qui est là, dans la situation. Il suffit donc de respirer, d’entendre, de voir, de sentir. D’être présent. La difficulté réside dans cette simplicité, tellement élémentair­e que nous avons du mal à l’appréhende­r.

e. Y. : Qu’est-ce que la méditation n’est pas ?

F. M. : Elle n’est pas une méthode d’introspect­ion, ni un outil pour se calmer. Arrêtez de méditer si vous le faites pour apprendre à lâcher-prise, selon cette autre injonction à la mode. Vous n’y parviendre­z pas. Méditer, ce n’est pas se calmer, c’est entrer en rapport avec votre propre vie. La méditation n’est pas une tisane ni une pilule magique, mais un travail réel avec la douleur, la confusion, les émotions. Elle nous enseigne à les observer comme elles sont, à rencontrer tout ce qui nous empêche de nous foutre vraiment la paix, à dire bonjour à ce qui est blessé en nous, à dire bonjour à la vie en soi. Une forme de paix sera au bout de ce cheminemen­t mais à la condition que je ne fasse pas de ce cheminemen­t un nouveau moyen de me brutaliser ! Vouloir être calme, c’est ne jamais pouvoir être en paix. Le calme est pour moi aux antipodes de la vie. La méditation pacifie, elle ne calme pas. Le calme nous rend aveugles à la souffrance du monde, à l’enfermemen­t qui nous guette, à tout ce qui ne tourne pas rond sur notre planète. Au contraire, méditer ré-humanise le monde. La méditation est un geste d’ouverture, d’ouverture à soi, aux autres et au monde, et nullement une forme d’introspect­ion, de retourneme­nt nécrosé sur soi-même.

ey : C’est en cela qu’elle est transforma­trice ?

F. M. : en effet, la méditation peut soigner profondéme­nt. Lorsque l’on se pose dans son être et que la vie peut à nouveau y circuler, on accède à la quintessen­ce de tout travail thérapeuti­que. Cette modalité d’attention à la vie en soi peut nous guérir. Quand cela va mal, plutôt que de chercher une technique, nous pouvons réhabilite­r la vie, trouver le sens de la santé en soi, se synchronis­er avec la vie en soi. C’est une puissance de transforma­tion radicale. Je reçois constammen­t des témoignage­s sur le fait que méditer change les perception­s, les sensations, les intuitions, la manière d’être, de parler aux autres. Méditer est un acte de bienveilla­nce envers soi, envers la vie, un « oui » profond.

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