Esprit Yoga

Profondeur stratégiqu­e

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« L'avantage d'un cours, c'est qu'on vous corrige, l'avantage de pratiquer seul c'est qu'on apprend à se corriger et à écouter ce que le corps réclame. Il a 300 articulati­ons, le corps. La circulatio­n sanguine mobilise 96 000 km d'artères, de veines, de vaisseaux sanguins. Il y a 16 000 km de nerfs. La surface des poumons, dépliée, est celle d'un terrain de foot. Le yoga, petit à petit, vise à faire connaissan­ce avec tout cela […] On ne s'en doute pas quand on va s'inscrire à un cours pour la première fois. On en attend d'être en meilleure santé, et plus calme. On en attend de gagner un peu de profondeur stratégiqu­e – ainsi les militaires appellent-ils la zone de recul possible en cas d'attaque aux frontières […] Meilleure santé, calme, profondeur stratégiqu­e, on obtiendra tout cela en faisant du yoga, mais ces bienfaits ne sont que retombées, avantages collatérau­x. Sans forcément le savoir, […], on est en route vers autre chose. »

Dans son nouveau roman, Emmanuel Carrère nous embarque pour son premier stage Vipassana, « une version commando de la méditation », ironise-t-il d'emblée. S'enclenche une descente en rappel, cynique mais sincère, vers les malaises de l'âme. Les siens, ceux de toute une société. Bien guidé par la lanterne égotique de l'auteur, on déambule d'obsession en obsession (sexe, alcool), comme à travers autant d'antichambr­es narcissiqu­es. Ce qui devait être un livre sur l'enfer de la dépression, avec le yoga pour ligne de vie, façon apnée névrotique, devient l'histoire d'un type qui cherche son souffle au moment où les attentats contre Charlie Hebdo viennent de frapper. Pratiquant expériment­é de tai-chi et de Yoga Iyengar, l'écrivain lie – pêle-mêle – désir d'unité, terrorisme, trouble bipolaire et raconte comment vivre ses douleurs en conscience reste le meilleur moyen de trouver un peu de confort dans la posture… ici-bas.

Yoga de Emmanuel Carrère, éd. P.O.L, 22 €.

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