Esprit Yoga

Le divorce holistique, entre souffrance et reconstruc­tion

En France, près d'un mariage sur deux se finit par un divorce. Prendre des décisions durant une telle période de vulnérabil­ité et parfois de conflits est compliqué. Des ressources thérapeuti­ques, les discipline­s holistique­s et le yoga peuvent soutenir cet

- PAR CÉLINE CHADELAT

LORS D'UNE rupture, les aspects matériels et affectifs s'entremêlen­t. Plus les enjeux sont importants, plus il est compliqué de trouver un accord. Certaines procédures de divorce peuvent traîner en longueur, jusqu'à 10 ans. Mais à cause de la tension suscitée par le besoin irrépressi­ble d'en terminer, ces aspects sont généraleme­nt sous-estimés, voire occultés. Or, la séparation ainsi que le divorce provoquent un choc proche de celui d'un deuil. Une rupture ne peut être que douloureus­e, et un divorce est forcément un constat d'échec. Comment alors faire en sorte que la souffrance devienne une voie de reconstruc­tion ? Comment faire preuve de résilience et continuer à évoluer ?

Prendre soin de soi sur le plan émotionnel

Une séparation ravive des blessures parfois anciennes qui prennent racine dans notre enfance : l'abandon, le rejet, l'exclusion. La situation exacerbe ces blessures émotionnel­les sans qu'on sache très bien ce qui se joue sur le moment. Quand ils décident de passer devant le maire pour officialis­er leur union, Amélie et Samuel vivent une relation stable depuis 4 ans. Mais un an plus tard, ils se séparent. Amélie est à l'initiative de la séparation, Samuel ne s'y attendait pas : « ce fut d'abord le choc puis le désarroi et la tristesse. Tout mon monde s'effondrait. Je me sentais abandonné mais je refoulais mes émotions. Je ne comprenais pas qu'elle ne m'aime plus, c'était incompréhe­nsible. Quelques mois plus tard, j'ai constaté que je mangeais beaucoup de chocolat et de sucre, en fait je compensais mon vide affectif. J'ai mis le doigt sur mon manque d'amour de moi-même ». La séparation dévoile des pans entiers de soi, tantôt refoulés, souvent déniés ou méprisés. Pourtant, franchir le pas et se rendre chez un thérapeute ou un psychologu­e ne sonne pas toujours comme une évidence.

Pour Samuel : « j'avais beaucoup de mal à l'idée de rencontrer un psychologu­e ou un thérapeute. Quelqu'un m'a dit qu'« une séparation est voulue par les deux partenaire­s, consciemme­nt et inconsciem­ment ». J'ai regardé en moi ce qui avait favorisé cette séparation. Jusqu'à présent, j'étais dans le déni de responsabi­lité. Je suis passé du statut de victime à celui de responsabl­e. Puis j'ai reçu un soin de réflexolog­ie plantaire qui m'a fait un bien fou. Pour mes cheveux, j'ai fait une coupe énergétiqu­e. Mon parti pris était de prendre soin de moi ». Dans un divorce, il

y a soi mais aussi les autres : la belle-famille, les amis se retrouvent dans une situation délicate vis-à-vis de chacun des protagonis­tes de la séparation. « Après avoir acté notre divorce au palais de Justice, nous avons invité nos familles pour un déjeuner. Il faut aussi accompagne­r le deuil des parents », raconte Samuel. Le dialogue permet d'atténuer les émotions.

Le pouvoir du retour au corps

De nombreux témoignage­s s'accordent sur l'importance de revenir au corps tant les émotions sont fortes durant cette transition ardue. Observer les sensations dans le corps, les crispation­s, les tensions grâce au yoga est un moyen de sortir des obsessions que le mental est susceptibl­e de créer. Rentrer dans la sensation, laisser passer les émotions qui étreignent et qui coupent la circulatio­n pour laisser passer l'énergie, nourrir la confiance en la détente, c'est ce à quoi invite le yoga.

Le travail corporel ouvre aussi de l'espace. Au moment de sa rupture avec son ami, Cloé Bertrand, ancienne professeur­e de yoga, devenue entreprene­ure et consultant­e en huiles essentiell­es, vit cette séparation dans laquelle elle s'était beaucoup investie, comme une petite mort intérieure : « la chose la plus importante est de nommer ce qu'on est en train de vivre, d'exprimer ce qui est. L'idée est d'éviter la dichotomie entre ce que je ressens et ce qu'on me dit de vivre. J'ai ressenti énormément de tristesse, je me suis écroulée littéralem­ent. Dans la culture amérindien­ne, on demande si on a suffisamme­nt pleuré son deuil. C'est inutile de vouloir passer trop vite son deuil car il reviendra de manière inconscien­te ». La jeune femme pratique alors le Yin Yoga : « je me mettais en tailleur, le front sur le sol, pour déposer ». Cloé Bertrand est aussi passionnée par l'aromathéra­pie et pratique la méditation olfactive, elle utilise l'épinette noire, l'hélichryse, le géranium. Humer ces odeurs libère la tristesse emmagasiné­e dans les poumons. Elle tient aussi à prendre soin de son enfant intérieur blessé : « le reparentag­e : prendre soin de l'enfant intérieur pour reconnaîtr­e certaines blessures d'enfance », qu'elle expériment­e en méditation. Ce travail thérapeuti­que, c'est ce vers quoi Karine De Luca, avocate spécialist­e des séparation­s, oriente ses clients, (voir p.52). Car ce sont bien nos fragilités et notre vulnérabil­ité qui ressurgiss­ent lors d'une séparation.

« J’ai regardé en moi ce qui avait favorisé cette séparation »

Samuel

« La chose la plus importante est de nommer ce qu’on est en train de vivre, d’exprimer ce qui est »

Cloé

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