EVO (France)

NISSAN GT R TRACK

En adoptant des réglages spécifique­s proches de la Nismo, la dernière Nissan GT-R Track Edition pourrait bien se révéler la version idéale.

- Texte et photos Arnaud Taquet

Si vous voulez faire grosse impression avec votre GT-R dans les mondanités non au tom obi lis tiques, ça va être compliqué car cette auto n’a pas grand-chose de politiquem­ent correct et porte un badge Nissan.

Malgré la glorieuse réputation qui la précède, j’admets ne croire que ce que je vois. Et ce que je vois est énorme. Un peu comme si la Skyline d’origine revenait d’un dîner de famille chez sa grand-mère. Une sorte de grosse nippone gavée aux hormones. Pourtant, bien qu’elle ne s’appelle pas tout à fait “Nismo”, la GT-R a ici été formée au régime minceur mais avec encore 1.8 tonne sur la balance, le mammouth mériterait de se faire dégraisser encore un peu. Très vite, cela dit, je comprends l’engouement autour de ladite R35 depuis sa sortie. Bien que je ne sois pas un grand adepte des autos souffrant d’autant d’inertie, on prend très (trop?) vite conscience de son potentiel. Il n’existe ici pas vraiment de connexion homme-machine mais après une prise en main en vallée de Chevreuse, je réalise qu’il est compliqué de ne pas rouler très (trop ?) vite. La GT-R Track Edition est une faiseuse de veuves et défie la physique. À mesure que le rythme augmente sur tracé sinueux, je ne comprends même plus comment les virages peuvent s’enchaîner si facilement et avec autant d’agilité au volant d’une auto si lourde. Parvenir à faire d’une voiture aussi grossière en apparence un monstre d’efficacité, y compris sur ce type de routes, cela confine à la magie noire. La boîte 6 vitesses (seulement) me surprend par sa rapidité et sa douceur. Puis viennent enfin les premiers défauts, comme l’amortissem­ent un peu trop ferme qui a tendance à faire sautiller le train avant sur revêtement irrégulier. Et puis, justement, le train avant pas vraiment précis mais toujours bien plus que ce à quoi je m’attendais. Les baquets Recaro non rabattable­s, avec dossier carbone dans le cas présent, offrent un maintien difficilem­ent

perfectibl­e mais retirent beaucoup d’intérêt à la présence de la banquette arrière. Voilà. C’est tout.

Pour le reste, la GT-R me surprend à chaque morceau d’allonge, à chaque virage si tant est que l’on privilégie la vitesse de sortie à celle d’entrée, si bien que je me pose la question de ce que pourrait apporter une Nismo facturée 71 000 euros de plus. La motorisati­on est sensibleme­nt la même. Lorsque l’on sait ce que le 3.8 litres biturbo peut encaisser avec une légère reprogramm­ation, ce ne sont pas 30 ch d’écart qui vont faire une différence! Même le châssis aidé par l’amortissem­ent Bilstein est rigoureuse­ment identique. En fin de compte, notre Track Edition s’équipe de quelques habits de sa grande soeur pistarde invétérée, à commencer par les jantes forgées RAYS et les semi-slicks qui vont avec ainsi que la malle arrière, le diffuseur et l’aileron en carbone.

Après quelques centaines de kilomètres, j’admets l’efficacité redoutable de la GT-R et sa vocation à détruire la majorité des supersport­ives pour un tarif bien inférieur tout en conservant un maximum de polyvalenc­e d’utilisatio­n. En revanche, j’ai du mal à la trouver envoûtante. En fait, elle m’apparaît comme relativeme­nt linéaire et, surtout, sans âme. Un défaut ? Pas vraiment puisque cela revient presque à dire qu’elle est trop parfaite, mais c’est le propre des voitures d’ingénieurs, comme chez Mclaren. L’efficacité n’implique pas pour autant le désir. D’ailleurs, bien que le segment soit différent, la sonorité de la

GT-R accentuée par l’échappemen­t titane s’avère relativeme­nt monotone et n’est pas sans rappeler celle des V8 Mclaren. Bien que les turbos soufflent ici moins fort et de façon moins piégeuse que chez les Anglais, la motorisati­on reste d’une philosophi­e équivalent­e, avec une cylindrée modeste aidée par une suraliment­ation. La sensation lors des passages de rapport est aussi assez proche. Bref. Si cet essai devait s’arrêter là, c’est sûrement sur un manque d’identité sur lequel j’aurais insisté, tout en concédant à la GT-R Track Edition un niveau de performanc­e toujours aussi bluffant et un tarif en hausse mais toujours largement justifié face aux

Très vite, j’admets l’efficacité de la GT-R et sa vocation à détruire la majorité des supersport­ives

prestation­s affichées.

Mais… finalement je vais changer d’avis. Ce matin, il pleut et j’ai rendez-vous sur le circuit de Croix-en-ternois. Les Dunlop GT600 devront donc faire face à une piste grasse et froide. Pourtant, je reste intimement persuadé que les conditions ne perturbero­nt que très peu le jugement que je m’étais fait de l’auto jusqu’à présent. Dès le premier virage, une large épingle à droite en dévers, L’ESP crie au secours et dit non aux cadences infernales en affichant son hyperactiv­ité au tableau de bord. Dans le morceau de ligne droite précédent le deuxième virage à gauche, je tente un passage D’ESP en mode Sport, ou “R” dans le cas présent. Même sans le vouloir, la glisse est inévitable avec cette gomme mouillée. Le passage en mode “R” ne permet pas de maintenir l’accélérati­on une fois la dérive amorcée. Le système coupe les gaz trop rapidement pour espérer obtenir une sortie progressiv­e et l’électroniq­ue perturbe le mouvement latéral de l’auto en la déséquilib­rant. Cela suffit à me convaincre de mettre un terme aux actions de L’ESP juste avant le troisième virage. En entrée de courbe, les roues avant motrices rappellent leur existence et envoient le train avant en légère glisse. Mais une fois la reprise des gaz amorcée, seul l’arrière semble agir pour donner le sentiment de devoir gérer la plus brute des propulsion­s américaine­s. Là n’était pas l’objectif premier, l’idée étant au départ de régler leurs comptes, sur circuit, sans arrièrepen­sée, aux doutes que je pouvais avoir après plusieurs heures d’essai routier. J’étais persuadé que la Track Edition, semi-slicks ou pas, revêtement humide ou pas, saurait se faire à la situation et affoler le chrono. Or, on a découvert que le mot fun, qui ne comptait jusqu’alors pas dans le champ lexical de la GT-R, pouvait intervenir comme qualificat­if de la situation actuelle. Seulement, alors que je m’apprête à m’engager pour la quatrième boucle, je réalise qu’il est ici impossible de réaliser un tour propre. À chaque relance, même en dosant l’accélérati­on au millimètre, la GT-R renâcle à l’idée de rouler droit. Même chose au freinage. À 190 km/h en fin de ligne droite des stands, je glisse des 4 roues et zigzague comme un enfant de 10 ans après avoir bu un verre de punch à l’anniversai­re de son papy. Moins rassurant. Après quelques tours à privilégie­r la glisse plutôt que l’efficacité sur une piste qui peine à sécher, je me console en voyant l’état des pneus qui malgré la façon dont ils ont été exploités ne souffrent d’aucune usure prématurée, merci la météo.

Seulement, qu’en aurait-il été sur piste sèche de l’usure des consommabl­es, justement ? Notre modèle d’essai affiche un tarif final de 123 900 euros dont 2 000 euros de peinture spéciale et 8 000 euros (!) de baquets Recaro carbone qui vous invitent à oublier l’accès aux places arrière. Au regard du potentiel, des performanc­es et de l’utilisatio­n de la

GT-R, ce qu’elle réclame face à la concurrenc­e la ferait volontiers passer pour une bonne affaire. Même le niveau d’équipement et de finition n’a rien à envier aux supersport­ives de référence. Mais à cela s’ajoutent aussi l’usure des pneus, des freins, de la boîte de vitesses, et accessoire­ment les dépenses en assurance (49 CV fiscaux) et en essence (comptez

300 km environ avec un plein en conduite sportive pour 74 litres de réservoir) et vous comprendre­z, comme moi, qu’une GT-R n’a rien d’une sportive économique à l’usage. Mais c’est ce qui explique aussi pourquoi elle est une des sportives les plus bluffantes du moment.l

 ??  ?? Ci-dessus : les jantes forgées Rays sont empruntées à la Nismo ; la GT-R n’a plus rien à envier aux concurrent­es en matière de finition et d’équipement­s ; les places arrière sont difficiles d’accès avec les baquets optionnels.
Ci-dessus : les jantes forgées Rays sont empruntées à la Nismo ; la GT-R n’a plus rien à envier aux concurrent­es en matière de finition et d’équipement­s ; les places arrière sont difficiles d’accès avec les baquets optionnels.
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 ??  ?? Remercieme­nts : Circuit de Croix-en-ternois ( 62 ) - www.circuitdec­roix.com - 03 21 03 30 13 // Patrick Duquesnoy
Remercieme­nts : Circuit de Croix-en-ternois ( 62 ) - www.circuitdec­roix.com - 03 21 03 30 13 // Patrick Duquesnoy
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