Feuillet Hebdo de la Revue Fiduciaire
Le passage de la notion d’établissement stable physique à celle d’établissement stable de capacité ou d’engagement
Le contentieux de l’établissement stable est le contentieux du fait. Un assujetti est-il établi sur un territoire différent de celui de son siège ou de son domicile, justifiant que cet État puisse réclamer le paiement de la TVA ?
Les premières décisions rendues en matière d’établissement stable ont notamment porté sur des navires (CJUE 4 juillet 1985, n° 168/84, Berkholz ; CJUE 2 mai 1996, n° 231/94, FG Linien ; CE 31 janvier 1997, n° 170164, Hofman et Gebhart). Cette notion était utilisée à la marge et était étroitement liée à la présence physique de l’opérateur sur le territoire. Cette présence physique se manifestait par une consistance minimale et la réunion permanente des moyens humains et techniques nécessaires pour effectuer (ou recevoir) des prestations de services déterminées.
Au fur et à mesure des décisions rendues, la notion d’établissement stable de présence physique en TVA s’est précisée. À ce titre, la CJUE reconnaît que le nombre de salariés et les conditions d’accueil permettent de caractériser les « moyens humains et techniques nécessaires » (CJUE 20 février 1997, n° 260/95, DFDS), sous réserve que ces éléments soient suffisamment permanents (CJUE 17 juillet 1997, n° 190/95, Aro Lease).
Par ailleurs, la CJUE considère que cette notion constitue un outil anti-abus en matière de taxation permettant d’écarter une réalité administrative factice, lorsque les faits proposent une lecture différente de l’activité réellement exercée (CJUE 16 octobre 2014, n° 605/12, Welmory). Ainsi, une implantation fictive (société « boîte aux lettres » ou « écran ») ne peut être qualifiée de siège de l’activité économique (CJUE 28 juin 2007, n° 73/06, Planzer Luxembourg SARL).
Les arrêts Google Ireland (CAA Paris 25 avril 2019, nos 17PA03065, 17PA03067 et 17PA03069) et Dong Yang Electronics (CJUE 7 mai 2020, n° 547/18) ont marqué un basculement récent et notable. Une forme de notion d’établissement stable de « capacité ou d’engagement » y est selon nous consacrée et la mobilité des acteurs économiques est définitivement prise en compte. L’établissement stable n’est plus seulement caractérisé du seul fait d’une présence physique sur un territoire donné.
• Dans son arrêt Google Ireland, qui ne concerne pas la TVA mais uniquement L’IS, la cour administrative d’appel de Paris retient malgré tout une analyse intéressante en matière d’établissement stable et confirme le statut d’agent dépendant de la SARL Google France. La cour administrative d’appel ne s’attache pas strictement aux stipulations contractuelles mais vient examiner les faits en appréciant le pouvoir de la société Google France d’engager la société Google Ireland, à partir du sol français.
• Dans l’arrêt Dong Yang Electronics, la CJUE pose le principe selon lequel l’existence d’un établissement stable du client ne saurait être déduite par un prestataire de services du seul fait que ce client possède une filiale dans le territoire du prestataire. Le prestataire n’est pas tenu de s’enquérir, aux fins d’une telle appréciation, des relations contractuelles entre son client et la filiale locale de son client.