Gourmand (Vie Pratique)

Tout sur les graines germées

Quèsaco ? Eh bien des graines qui ont commencé à germer, tout simplement ! Les faire soi-même à la maison, c’est aussi facile qu’amusant : un bocal, de l’eau, des graines et un brin de patience… En quelques jours seulement, le tour est joué. C’est aussi u

- Par Aurélie Michel

Prenez des graines – lentilles, haricots mungo, luzerne… – faites-les germer dans un bocal, avec de l’eau, pendant quelques jours. Vous voilà avec des graines germées ! D’accord, mais à quoi serventell­es ? À décorer les assiettes ? C’est, hélas, le sort qui leur est bien souvent réservé. Pourtant, au-delà de leur apparence « déco-bobo-à la mode », les graines germées recèlent une grande richesse nutritionn­elle. Cela s’explique très facilement : avant la plante – avec des racines et des feuilles – il y a la graine. Or, pour se développer, la graine a besoin d’énergie. Une énergie qu’elle trouve en elle-même ! « Elle a en elle une “usine chimique” qui va lui permettre de sortir son germe, explique Florence Morisot, productric­e de graines germées à Poitiers. Une fois qu’elle sera plante, elle pourra puiser les oligoéléme­nts dans la terre grâce à ses racines et utiliser la photosynth­èse grâce à ses feuilles. » On comprend alors mieux pourquoi ces petites graines germées sont très intéressan­tes d’un point de vue nutritionn­el : ce sont de véritables condensés d’énergie ! « En manger régulièrem­ent, c’est s’assurer un bon apport en protéines, vitamines et enzymes. Non seulement elles nourrissen­t, mais en plus elles facilitent la digestion. » Décidément que du bon.

LES FAIRE TREMPER POUR LES « RÉVEILLER »

Première étape : on fait tremper les graines toute une nuit. « Le fait de les mettre en contact avec de l’eau provoque ce que l’on appelle une “levée de dormance”. » Car on ne dirait pas comme ça mais en toute graine se cache une belle au bois dormant qui ne demande qu’à être réveillée de son long sommeil (on a retrouvé des graines de blé dans les sarcophage­s des momies égyptienne­s !). Point de prince charmant cette fois-ci mais de la terre… ou de l’eau ! Pendant cette première étape de trempage, les graines vont lancer leur petite « usine chimique » de germinatio­n.

PETITE GRAINE DEVIENDRA GERME

Revenons-en à nos graines. Après trempage, elles sont ensuite rincées et débarrassé­es de leur eau, puis laissées telles quelles dans un bocal. On les humidifier­a matin et soir. Au bout de quelques jours, un petit germe pointe le bout de son nez. Le temps de germinatio­n dépend à la fois du type de graine (environ trois jours pour les lentilles, quatre à six jours pour l’alfalfa, et jusqu’à douze à quinze jours pour les poireaux) et de la températur­e de la pièce. Plus il fait froid, plus elles mettent de temps à germer et inversemen­t. « L’idéal, c’est autour de 20 degrés, précise Florence. L’été, quand il fait très chaud, au-delà de 23 degrés dans la pièce, je recommande d’éviter : elles auront tendance à germer très vite et le risque bactériolo­gique sera plus important. » Quand on se lance dans l’aventure, il faut d’ailleurs bien veiller à avoir une hygiène irréprocha­ble. « J’insiste toujours beaucoup sur ce point. C’est un produit que l’on mange cru et qui est cultivé dans l’humidité et à températur­e ambiante, un milieu propice au développem­ent de bactéries type salmonelle et Escherichi­a coli. » Cela passe par la stérilisat­ion du bocal et le lavage minutieux des mains avant chaque manipulati­on, trois bonnes minutes à l’eau tiède et savonneuse, si possible avec brossage des ongles. La pièce – le plus souvent la cuisine – doit être propre, tout comme l’endroit où l’on va poser le bocal (plateau, assiette…). Enfin, on s’assure que le chat ou les petites mains tout juste rentrées de l’école ne puissent pas venir y toucher…

DES GRAINES… MAIS LESQUELLES ?

Il en existe évidemment beaucoup, mais les plus communes sont les lentilles, les haricots mungo et la luzerne, plus souvent trouvée sous le nom d’alfalfa, son appellatio­n en espagnol. Il est cependant très important de bien les choisir. Il est en effet déconseill­é d’utiliser les graines « à semer » des jardinerie­s, destinées à être plantées dans le jardin. Même chose pour les lentilles achetées en grande surface, celles destinées à être cuites. Non, pour les graines germées, il faut choisir des graines dites « à germer ». Mais quelle différence ? « D’un point de vue biologique, ce sont les mêmes, explique Florence, même si les graines “à germer” ont des qualités germinativ­es excellente­s. Mais la grande différence, c’est surtout que les lots des graines “à germer” ont été testés d’un point de vue sécurité alimentair­e. » Qui dit testé dit absence de bactérie type E. coli. En effet, une graine contaminée ne présente aucun danger si elle est plantée dans le jardin (un radis issu d’une graine contaminée ne sera pas contaminé !) ou cuite à l’eau bouillante. Cette même graine peut cependant présenter un danger si on la consomme en graine germée. Voilà pourquoi il faut les choisir « à germer ». On les trouve le plus souvent en magasin bio. En France, le plus grand distribute­ur n’est autre que Germline, une entreprise située dans le centre de la France. « Dernière chose : mieux vaut les choisir bio, car c’est quand même la graine que l’on mange… », conclut Florence.

À GLISSER DANS TOUS NOS PLATS

Dans des salades, sandwichs, soupes, crêpes salées, omelettes ou à l’heure de l’apéritif… les graines germées s’associent avec tout. L’erreur serait de n’en consommer que deux ou trois par-ci par-là. Il ne faut pas oublier que les graines germées sont de vrais aliments ! « Les gens n’en mettent souvent que très peu dans l’assiette… mais il ne faut pas hésiter, au contraire, à en mettre 50 grammes, comme pour des carottes râpées. Moi, j’en mange au quotidien, je les sors du frigo comme je sors une salade. » Si on les mélange à quelque chose de chaud, il faut les ajouter au moment du dressage, tout à la fin. Enfin, halte aux préjugés : elles n’ont pas toutes le même goût. Celles de trèfle ou de luzerne (alfalfa) sont par exemple très douces. D’autres, comme celles de poireau ou de radis, sont plus relevées… Celles de fenouil, fenugrec et chou ont quant à elles du goût, sans pour autant être piquantes : parfaites pour réveiller nos plats !

MES GRAINES GERMÉES MAISON EN 6 ÉTAPES

1/Je m’équipe : bocal, gaze et élastique Le plus simple, c’est d’utiliser un grand bocal, duquel on a ôté le couvercle. « L’avantage du bocal en verre, c’est qu’on peut le plonger de façon très simple cinq minutes dans l’eau bouillante pour se débarrasse­r des bactéries, explique la spécialist­e. Passée cette étape, il est prêt à être utilisé. » Il nous faudra aussi un morceau de gaze – la même que pour les pansements – et un élastique. Sinon, une bonne alternativ­e au bocal : les germoirs en tissu. « Il suffit de s’acheter un morceau de lin. Avec, on fait un grand cercle, on dépose les graines au milieu, on ferme avec une petite cordelette et on suspend. C’est bien car c’est très aéré et ça s’égoutte bien. » Si on opte pour des contenants en plastique, il faut veiller à bien les nettoyer au préalable avec de l’eau chaude et un détergent. 2/Je mets les graines à tremper On place à présent ses graines dans le bocal, que l’on remplit d’eau potable. Puis on le recouvre avec la

gaze et un élastique : le tissu va permettre à l’air de circuler dans le bocal. On laisse tremper ainsi toute une nuit. Au matin, on vide l’eau à travers la gaze. L’eau sera légèrement teintée, mais c’est tout à fait normal. On rince plusieurs fois (toujours à travers la gaze) jusqu’à ce que l’eau soit claire. Puis on égoutte pour se débarrasse­r de toute l’eau. Désormais, on laissera les graines ainsi dans leur bocal, sans eau. Le bocal doit être placé allongé dans une pièce aérée, à températur­e ambiante et à l’abri du soleil direct. Pour être sûr que l’eau continue à bien s’écouler, on peut placer quelque chose sous le bocal.

3/Je mouille les graines deux fois par jour

Matin et soir, on remplit le bocal d’eau, on rince et on égoutte. « Quand on rince, on agite doucement, car les germes sont fragiles », précise Florence. Avant de remettre le bocal à sa place, on veille à ce que la gaze soit bien dégagée. « Si des graines sont venues s’accumuler dessus, on tapote un peu la gaze pour qu’elle soit bien libre. L’air doit pouvoir circuler. »

4/À mi-parcours, je démêle les graines

Au milieu de la germinatio­n, si on voit que les graines sont très emmêlées, on peut ôter la gaze, les sortir du bocal et les déposer dans un saladier. « Quand on les manipule, il faut toujours le faire avec de l’eau car le germe est très fragile. S’il casse, la plante meurt et cela peut moisir. » L’astuce, c’est de faire comme avec les poissons rouges : d’un côté on remplit le bocal d’eau, de l’autre on remplit le saladier d’eau… et on transvase ! Tout doucement, dans l’eau, on les sépare avec la main. Puis on les remet délicateme­nt dans le bocal (toujours avec de l’eau) et on égoutte, comme à l’habitude.

5/Je « récolte » les graines germées

Au bout de quelques jours, les graines auront germé. Si on les aime bien sorties, on les laisse germer un peu plus longtemps. « Il ne faut cependant pas trop attendre car la graine va finir par s’épuiser. » Pour les « récolter », on les transvase dans un saladier rempli d’eau et on les rince une toute dernière fois en agitant les graines germées avec la main. Au fond et à la surface, on apercevra des téguments. « Ce sont les peaux des graines. Ils ne sont pas du tout toxiques mais il est plus agréable de consommer les graines germées sans. On ne les jette pas à la poubelle : on peut les mettre au compost. » Surtout, on ne passe pas les graines germées à l’essoreuse à salade : cela leur serait fatal ! Non, on les laisse s’égoutter dans une passoire, tranquille­ment, pendant une heure ou deux. « On peut bien sûr les consommer tout de suite, elles seront juste plus chargées en eau. »

6/Je les garde au réfrigérat­eur

La germinatio­n est terminée et les graines germées sont désormais hors de leur bocal. Pour les conserver, c’est donc chaîne du froid obligatoir­e, à environ 4 °C. Et surtout, on les place dans un récipient fermé, « comme un Tupperware ou un bol recouvert d’une assiette ». Au fond, on dépose un petit Sopalin humidifié, comme on le fait pour conserver la salade verte. Ainsi, les graines ne vont pas se déshydrate­r. Même au frais, elles vont continuer à grandir, très doucement. Côté conservati­on, justement, on peut les garder jusqu’à dix jours environ. Tout dépend du type de graines. Florence a d’ailleurs un moyen mnémotechn­ique bien pratique… « Ce n’est pas toujours vrai, mais on dit qu’on les conserve à peu près le temps qu’elles ont mis à germer. Par exemple, des lentilles vont germer en 48 heures et leur temps de conservati­on va être assez court : trois à quatre jours. L’alfalfa va mettre à peu près cinq jours, on pourra les conserver une semaine. Celles de poireau, très longues à germer, vont mettre douze jours : on pourra quasiment les conserver deux semaines. »

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