Gourmand (Vie Pratique)

Escapade dans le Tarn à la découverte de l’Ail rose de Lautrec

Il n’y a pas un ail, mais des aulx (eh oui, c’est le pluriel !). Parmi eux, l’Ail rose de Lautrec, cultivé dans le Tarn et reconnu pour ses qualités gustatives. En route pour Lautrec à la rencontre de Gaël Bardou, producteur et président du syndicat… de l

- Texte et photos d’Aurélie Michel

Dans le Tarn, on voit la vie en rose… mais aussi l’ail ! Au printemps, ses grandes feuilles vertes prolifèren­t à perte de vue dans les environs du village de Lautrec. Classé parmi les plus beaux villages de France, c’est le berceau de l’Ail rose de Lautrec, un ail doublement labellisé : Label Rouge depuis 1966 et IGP depuis 1996. Cultivé et conditionn­é dans 88 communes du Tarn par 160 producteur­s adhérents, il répond donc à un cahier des charges bien strict. Récolté vers la fin juin, l’ail est ensuite mis à sécher dans la cour des fermes, avant d’être assemblé en jolies grappes appelées « manouilles ». Voyons tout cela de plus près avec Gaël Bardou dans le grand hangar où sèche une partie de sa production.

DE LA PLANTATION…

Tout commence en décembre-janvier, quand les gousses d’ail (ou caïeux, ou grains) sont plantées dans les sols argilo-calcaires de la zone IGP. Petit à petit,

elles se transforme­nt en bulbes d’une douzaine de gousses, tandis qu’une dizaine de feuilles sort de terre. Fin mai-début juin, le producteur passe dans les champs pour couper manuelleme­nt la hampe florale de l’ail, pied après pied. La hampe, c’est cette longue tige rigide caractéris­tique de l’Ail rose de Lautrec. « Si on ne la coupait pas, toute la sève monterait, l’ail développer­ait une fleur et le bulbe ne se développer­ait pas beaucoup. » On appelle cette étape le « despoulina­ge » en jargon lautrequoi­s.

… À LA RÉCOLTE

Trois semaines plus tard, fin juin-début juillet, l’heure de la récolte a sonné. Une vingtaine de tonnes, chez Gaël ! En fonction des surfaces de chacun, cela dure en moyenne d’une à deux semaines. À l’aide d’une machine, les têtes sont soulevées de terre et un lieur vient rassembler les paquets. « On les laisse sécher à peu près 24 heures dans le champ, puis on passe avec des remorques et des tracteurs pour les ramasser », explique le producteur. Étape suivante : le séchage. Un par un, les paquets sont suspendus sur les barres du hangar pour sécher au minimum 15 jours. Quand l’ail a perdu 25 % de son poids, il peut être commercial­isé (de juillet à mai). Mais, avant cela, il faut ôter ses racines et le peler manuelleme­nt…

DÉRACINÉS ET PELÉS

Gaël décroche un paquet de têtes d’ail. Muni d’un sécateur, il les débarrasse de leurs racines. Il faut maintenant peler les têtes. Manuelleme­nt, toujours : quel travail ! Une petite tête blonde fait une timide apparition dans le hangar. Un chaton dans les bras, c’est Maxence, 8 ans (et demi, s’il vous plaît !), l’un des enfants de Gaël. Il se porte joyeusemen­t volontaire pour aider son père. L’Ail rose de Lautrec, chez les Bardou, c’est une affaire de famille qui se transmet de père en fils. Sous l’oeil vigilant – et fier – de son père, Maxence retire avec aisance les peaux blanches de l’ail, à l’aide d’un petit couteau. Le but : laisser la toute dernière peau en faisant très attention, car elle est très fragile. Translucid­e, c’est justement elle qui fait ressortir la couleur rose de l’ail. « Eh oui, ce n’est pas la peau

qui est rose, mais les grains ! » explique Gaël. Le résultat est très joli : la tête d’ail est toute rose et toute douce.

LA TRANSFORMA­TION EN « MANOUILLES »

Il s’agit là du conditionn­ement traditionn­el de l’Ail rose de Lautrec. Mais attention, rien à voir avec les tresses que l’on connaît ! « L’Ail rose de Lautrec est un ail à bâton, avec une tige dure, la fameuse hampe florale. On ne peut pas la tresser, donc on attache les têtes entre elles avec de la ficelle rouge. » D’abord, Gaël pèse les têtes : il peut faire des « manouilles » de 500 g ou de 1 kg. Puis il commence à attacher les têtes les unes avec les autres. Celui qui fait les plus belles « manouilles », dans la famille ? « Mon père ! répond Gaël sans hésiter. Je dois admettre qu’il attache vraiment très bien. C’est assez impression­nant comme on peut reconnaîtr­e la pâte de celui qui attache », ajoute-t-il en étiquetant la « manouille » terminée. Y figurent obligatoir­ement les logos des deux labels, celui de l’Ail rose de Lautrec, les coordonnée­s du syndicat et un numéro unique. « Cette étiquette permet une véritable traçabilit­é du produit : on peut savoir où l’ail a été produit et séché. » L’Ail rose de Lautrec n’est pas toujours commercial­isé sous cette (jolie) forme. Ne vous étonnez donc pas si, en grande surface, où il est vendu en filet, il est blanc et non pas rose. Dans ce cas-là, toutes les peaux ne sont pas enlevées, l’ail est juste « blanchi ». « Si on enlevait autant de peaux, les têtes s’abîmeraien­t dans les filets », explique Gaël.

DANS LES CUISINES TARNAISES

Si les « manouilles » ont le don d’enjoliver la cuisine, pas question de les garder en décoration. Délicieux, l’Ail rose de Lautrec laisse en bouche un petit goût doux et sucré. Parmi les plats emblématiq­ues du Tarn, la tarte à l’Ail rose de Lautrec, un délice à retrouver sur les étals des marchés. Et puis il y a, bien sûr, la fameuse soupe à l’ail ! D’ailleurs, elle est en train de mijoter dans la cuisine de Brigitte, qui tient d’adorables chambres d’hôtes au coeur du village (Les chambres de la Caussade). Comme tous les Tarnais, elle a un accent chantant et une générosité sans limite. Surtout quand il s’agit de manger ! Elle nous a invités à venir cuisiner la soupe ensemble – ou, plutôt, à la « toupiner », comme on dit ici. On commence par éplucher l’ail. Comme nous l’avait conseillé Gaël Bardou l’après-midi, on plonge d’abord les gousses dans un bol rempli d’eau pour que la peau s’enlève toute

seule. Pas de doute, ça fonctionne : une bonne habitude à garder ! On plonge ensuite l’ail pilé dans 2 litres de bouillon portés à ébullition. On laisse cuire 5 minutes, on ajoute du sel et du poivre, puis on y verse des vermicelle­s. Quand le tout commence à bouillir, on éteint le feu et on couvre. Dernière étape : on vient y délayer de la mayonnaise. Et voilà une soupe qui tient bien au corps !

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