Gourmand (Vie Pratique)

La cuisine au vin

Boeuf bourguigno­n, coq au vin… On raffole de ces plats rustiques préparés avec du vin. Oui, mais lequel? On ne sait pas toujours à quelle bouteille se fier. On va vite le savoir, avec le maître sommelier Jean-Michel Deluc.

- Par Aurélie Michel

Le vin est indissocia­ble de la gastronomi­e française. Ce n’est pas pour rien si, depuis 2014, le vin, produit de la vigne, et les terroirs viticoles font partie du patrimoine culturel, gastronomi­que et paysager de la France. D’ailleurs, il n’a pas seulement sa place dans nos verres, mais aussi dans nos petits plats, auxquels il confère un goût typé. Le boeuf bourguigno­n – en 2016, le quatrième plat préféré des Français – et le coq au vin font partie des plats emblématiq­ues de cette cuisine au vin. Des recettes nées dans les campagnes françaises, quand il fallait utiliser ce qu’il restait de sa production et se nourrir avec son élevage vivrier (petite basse-cour). La cuisine au vin n’a rien de très compliqué… Finalement, la tâche la plus difficile semble être le choix du vin. Un premier prix – pour ne pas dire une piquette ? On craint qu’il ne vienne gâcher notre plat. Un grand cru ? On a entendu dire que le cuire est un sombre gâchis. Plutôt bourgogne, plutôt bordeaux ? On ne va pas se le cacher : on perd souvent pied, au rayon des vins…

LES GRANDES LIGNES

Pour la cuisson, on choisit un vin de qualité

– car un mauvais vin reste un mauvais vin, même cuit – sans pour autant dépenser des fortunes.

« À moins d’en avoir les moyens et d’assumer un certain snobisme, il est inutile d’acheter les vins les plus chers, confirme Jean-Michel Deluc, maître sommelier. En effet, lors de la cuisson, l’alcool s’en va et le goût change complèteme­nt… » Il déconseill­e également d’utiliser des vins trop tanniques (voir encadré), malgré ce qu’en disent de nombreuses recettes. « À la cuisson, les tannins se précipiten­t et peuvent créer des cristaux. Pour la cuisine, il vaut mieux privilégie­r des vins généreux sur le fruit, alcoolisés, comme les vins du sud de la France. C’est d’ailleurs pour cela que les grands chefs utilisaien­t autrefois des vins d’Algérie. »

DU CÔTÉ DES MARINADES

On utilise des vins jeunes ou vieux (toujours peu tanniques). Ils servent à attendrir les chairs :

« Il faut pour cela un vin avec une bonne acidité. S’il est un peu trop rond et pas assez acide, je n’hésite donc pas à ajouter, en plus du vin, une petite pointe de vinaigre. Certains chefs mélangent même rouge et blanc pour la marinade du boeuf bourguigno­n, voire n’utilisent que du blanc. » Pour finir, il est coutume de boire un vin similaire à celui utilisé en cuisine, c’est-à-dire de la même région et de la même appellatio­n.

« Par exemple, rognons au chinon avec un vin rouge de Chinon. Cela dit, ce n’est ni systématiq­ue ni obligatoir­e ! »

BOEUF BOURGUIGNO­N: UN INDÉMODABL­E

Côté viande, on choisit un morceau à braiser : macreuse, gîte, paleron ou encore joue de boeuf. La longue cuisson va permettre d’attendrir ces parties qualifiées de bas morceaux. Et côté vin, alors ? « Là, on choisit un bourgogne générique, si possible un pinot noir, jamais trop tannique. Un vin fruité, gourmand, plutôt jeune. On le servira

avec un vin plus âgé. » On commence par faire mariner toute une nuit la viande dans le vin (on peut ajouter des aromates : ail, laurier, échalotes, grains de poivre, etc.) histoire de l’attendrir. Le lendemain, on égoutte les morceaux de viande – on réserve la marinade pour la cuisson – et on la fait saisir dans une cocotte avec de l’huile. Puis on verse la marinade. On sale, on couvre et on laisse mijoter environ 1 h 30. Une autre méthode consiste à cuire la viande à part, comme Jean-Michel :

« Je fais d’abord mariner la viande, puis je la saisis à part. Quant à la marinade, je la fais réduire à côté. J’assemble le tout à la fin. » Quelques pommes de terre vapeur et le tour est joué. S’il reste du boeuf bourguigno­n, on peut facilement le transforme­r en hachis Parmentier, en garniture pour une tourte ou encore le glisser dans une farce à cannelloni­s.

COQ AU VIN: ROUGE OU BLANC

Il s’en fait un peu partout en France : Auvergne, Bourgogne, Alsace, Champagne… « On peut choisir un vin rouge régional. En Bourgogne, on se tourne par exemple vers une appellatio­n moindre du chambertin, car le mettre dans la sauce serait dommage… À table, par contre, on peut en servir ! » Il peut aussi être préparé avec du vin jaune, comme en Franche-Comté, avec des morilles. Pour le coq au vin, on demande à son boucher un coq bien dodu (3 à 5 kg), prédécoupé pour se faciliter la tâche, ainsi que de la poitrine de porc fumée, découpée en petits dés (à défaut, des lardons). Côté légumes : des carottes, du céleri, des oignons, de petits champignon­s de Paris ou même des cèpes, si l’on a la chance d’en trouver. On n’oublie pas le bouquet garni : thym, vert de poireau, feuilles de laurier. Le coq ayant une chair ferme, on commence par faire mariner la viande 24 heures (ou la veille pour le lendemain) au

réfrigérat­eur. « Il faut la faire mariner dans des vins un peu acides, comme des rouges de Loire, qui ont comme cépage le cabernet franc. » Elle mijotera ensuite pendant de longues heures et sera ainsi tendre et bien fondante. Bon à savoir : si l’on ne trouve pas de coq, on peut toujours se contenter d’un poulet fermier.

POULET RÔTI: LE VIN BLANC S’INVITE AUSSI

Un petit peu de vin blanc par-ci par-là dans nos plats, c’est excellent. le maître sommelier confirme : « J’en mets tout le temps. En plus, le vin rend les plats plus digestes. » Lorsqu’il cuisine un simple poulet rôti, il n’hésite pas à en ajouter un peu en cours de cuisson. « Je l’arrose avec un peu

de vin blanc, cela lui donne bon goût, le fait caramélise­r. » Il recommande pour ce faire des vins blancs avec un peu d’acidité, même s’il est tout à fait possible d’utiliser du vin blanc doux. « L’un des plus beaux accords qui soient, c’est un poulet cuit au sauternes… C’est ce que me disait d’ailleurs Monsieur de Lur-Saluces, du Château d’Yquem [sauternes haut de gamme, »

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