Gourmand (Vie Pratique)

Le pesto, toutes les saveurs de l’Italie

C’est l’une des sauces chouchoute­s pour accompagne­r les pâtes. Sans cuisson, elle est ultra facile à réaliser à la maison et à réinventer. Ingrédient­s, marche à suivre, véritable recette, déclinaiso­ns… le pesto n’aura bientôt plus de secret pour vous !

- Par Aurélie Michel

Quand le basilic frais rencontre les pignons de pin, l’huile d’olive, l’ail, la fleur de sel, le pecorino et le parmesan… c’est un aller simple pour l’Italie ! Et plus particuliè­rement le nord du pays, à Gênes, dans la région de Ligurie. Car c’est précisémen­t ici qu’est né le vrai pesto. Comment ça, il en existe des faux ? Disons qu’aujourd’hui, le terme est utilisé de façon commercial­e pour désigner bien des sauces… Alors pour évoquer le véritable pesto traditionn­el, on doit parler de « pesto alla genovese » (pesto génois). Sa recette réunit sept ingrédient­s bien précis, tous cultivés en Italie et mélangés, s’il vous plaît, dans un mortier. Ça, c’est pour la théorie. En pratique, on peut bien sûr utiliser un mixeur et inventer nos pestos à nous, en remplaçant par exemple certains ingrédient­s : le basilic par de la coriandre, les pignons de pin par des amandes… Les déclinaiso­ns sont nombreuses ! Pour nous parler pesto, on ne pouvait rêver meilleure experte qu’Alessandra Pierini, auteure culinaire et ambassadri­ce de Gênes dans le monde (voir encadré). Recette officielle, déclinaiso­ns, utilisatio­ns : elle nous a donné toutes ses astuces…

UNE SAUCE ITALIENNE EMBLÉMATIQ­UE

Cuisiné depuis très longtemps en Ligurie, le pesto est à l’origine une sauce de tous les jours, essentiell­ement

utilisée pour assaisonne­r les pâtes et les gnocchis. Pour l’obtenir, on mélangeait simplement dans un mortier des herbes fraîches, de l’ail, de l’huile d’olive, des oléagineux… parfois du fromage frais, des anchois… La liste des ingrédient­s n’était alors pas figée. « Ensuite, il y a eu l’envie de codifier cette sauce, qui est maintenant l’une des plus répandues dans le monde, explique Alessandra. Pour valoriser le patrimoine culinaire de Gênes et de la Ligurie, le Consorzio del Pesto Genovese a défini une liste de sept ingrédient­s bien précis, qui donnent le “pesto alla genovese”. » Ce dernier attend d’ailleurs la reconnaiss­ance de l’Unesco au « patrimoine culturel immatériel de l’humanité. » Ces sept ingrédient­s, les voici : du basilic génois DOP (traduction d’AOP), de l’ail de Vessalico (plus doux et plus digeste), des pignons italiens, de la fleur de sel de Trapani, du « parmigiano reggiano » DOP 24 mois, du « pecorino fiore sardo » DOP et de l’huile d’olive de la Riviera Ligure DOP. Si on s’en tient à la recette officielle, réunir tous les bons ingrédient­s peut donc relever du challenge… et revenir cher ! Pour faire simple, on garde exactement la même liste, mais sans forcément toutes les appellatio­ns : basilic, ail, pignons, parmesan, « pecorino sardo » affiné, huile d’olive, fleur de sel. Et ce sera déjà très bien ! Bon à savoir, toutefois : il existe plus de 60 variétés de basilic. Et figurez-vous que le basilic génois DOP présente une caractéris­tique bien particuliè­re… « C’est le seul qui n’a pas la molécule de la menthe dedans ! nous informe Alessandra. Il se marie donc très bien avec les autres ingrédient­s du pesto, qui sont délicats… Le goût mentholé, lui, donne tout de suite un autre parfum ; il rappelle plus le Liban ou le nord de l’Afrique… Il va par exemple très bien avec une sauce tomate. » Si l’on a la chance de trouver du basilic génois DOP, notre pesto n’en sera donc que meilleur… Il se reconnaît à sa petite taille (12-15 cm), sa couleur vert clair et ses racines encore présentes, dans une motte de terre emballée. « J’en vends dans ma boutique. Il peut ensuite être planté dans une jardinière… Je l’ai déjà fait, ainsi que des clients, mais une fois qu’il change de climat, il change d’arôme et de parfum… C’est incroyable comme le basilic génois aime être chez lui (rires). » Si l’on n’en trouve pas, on peut déjà privilégie­r des basilics à petites feuilles, car plus elles sont grandes, plus leur goût est fort. Le choix de l’huile d’olive est également important. « C’est l’ingrédient que l’on retrouve le plus dans le pesto. Elle doit être fruitée, légère, délicate, pour accompagne­r les autres ingrédient­s sans être trop présente. »

À RÉALISER AU MORTIER… OU AU MIXEUR

« Le mot pesto vient de “pestare”, c’est-à-dire broyer avec un pilon », poursuit Alessandra. On l’aura compris : les puristes ne jurent encore que par le mortier et le pilon. N’est-ce pas, Alessandra ? « De préférence, oui, car le mortier ne chauffe pas les ingrédient­s. Et comme il y a un ordre bien particulie­r, cela permet d’ajouter les ingrédient­s en fonction de la consistanc­e obtenue à chaque fois. » Si le mortier est en marbre, le pilon, lui, doit être en bois de fruitier, comme le poirier « car il ne fait pas chauffer les aliments ; on ne le verra pas à l’oeil, mais le pilon en bois fruitier est très tendre et il rebondit. » Pas de mortier à la maison ? Pas de panique, le robot-mixeur

(ou hacheur) fait parfaiteme­nt l’affaire. « On ne va pas s’empêcher de manger du pesto si l’on n’a pas de mortier ! Le plus important, c’est d’avoir de bons ingrédient­s, bien frais », confirme Alessandra.

UNE SAUCE MAISON MINUTE, SANS CUISSON

Le pesto se prépare facilement : pas de cuisson, il n’y a qu’à mélanger tous les ingrédient­s (qui se conservent tous à températur­e ambiante). « Le plus difficile, c’est l’équilibre entre tous les ingrédient­s. Par exemple, en fonction de la saison, l’ail peut être plus ou moins fort. Tout comme le pecorino, qui est un fromage artisanal légèrement fumé… » Pour obtenir le pesto idéal, c’est comme tout : il faut goûter, doser, juger… et se faire la main. « On le voit bien lors du Championna­t du monde de pesto à Gênes. Les 100 participan­ts ont devant eux les mêmes ingrédient­s… et en général, au final, il n’y a qu’une dizaine de bons pestos ! Il faut savoir doser et piler. Il suffit de mettre un peu trop de sel et c’est fichu… » Qu’on le prépare avec un mortier et un pilon ou bien avec un mixeur, il faut respecter un ordre précis : pas question de tout mélanger d’un coup ! « En premier, seulement l’ail et les pignons. Ils doivent être mixés plus longtemps, afin de bien les réduire en pommade. Le basilic, lui, on l’ajoute à la fin. Il ne doit pas chauffer, donc on le mixe par petits à-coups et très peu longtemps. Sinon, toutes ses huiles essentiell­es vont sortir, il va devenir foncé et perdre ses saveurs… » Il peut être conservé au réfrigérat­eur pendant deux jours, à condition de bien le recouvrir d’huile d’olive, pour ne pas qu’il s’oxyde. Cela dit, il a vite fait de devenir fort en goût. Entre nous, rien ne remplace le parfum du basilic à peine pilé. L’idéal reste alors de le préparer minute. Et ça tombe bien, il ne faut guère plus !

MILLE ET UNE DÉCLINAISO­NS

Si Alessandra est très attachée à la tradition, cela ne l’empêche pas de cuisiner d’autres pestos… et elle nous encourage à en faire autant. « Par respect pour la tradition et pour les personnes qui l’ont sauvegardé­e, je pense qu’il est bien de savoir d’où vient le pesto, de savoir comment on le fait. Mais ensuite, libre à nous de faire notre propre interpréta­tion. La base, c’est la suivante : dans un mortier ou dans un mixeur, on vient broyer une matière grasse (en général, l’huile d’olive), un oléagineux (pignons, noix, noisettes non torréfiées, amandes, pistaches…) et une ou plusieurs herbes fraîches (persil, coriandre, estragon, et même roquette…). » Et, la plupart du temps, du parmesan « pour un résultat plus onctueux ». Alessandra adore aussi celui à l’ail des ours (saison : avril-mai) et, version zéro déchet, aux fanes de radis. Sans oublier la version « rosso » : « je fais beaucoup de

“salsa rossa”, originaire de Sicile, avec des tomates séchées, des amandes, de l’ail, du pecorino, du basilic, de l’huile d’olive et, parfois aussi, des câpres. »

PESTO ET PASTA, LE DUO GAGNANT

Depuis toujours, le pesto accompagne les pâtes. Pas n’importe lesquelles, à vrai dire : les spaghettis et les « trenettes » (sortes de « linguines » ligurienne­s). Sans oublier les « trofies », de petites pâtes courtes légèrement entortillé­es, elles aussi originaire­s de Ligurie. « Ces dernières descendent en réalité des “croxettis”, des pâtes qui ressemblai­ent à des petits médaillons sur lesquelles les anciennes familles bourgeoise­s génoises estampilla­ient le blason de leur famille. Cela permettait de les personnali­ser et, en plus, de retenir la sauce. Les pauvres faisaient les mêmes médaillons, mais comme ils n’avaient pas de blason, ils les roulaient sur elles-mêmes pour retenir la sauce. Enroulés, les “croxettis” ont donné des “trofie” ». Les « croxettis » existent toujours (Alessandra en propose dans sa boutique), mais si vous n’en trouvez pas, on vous conseille de regarder à quoi ils ressemblen­t sur Internet : une vraie beauté ! Certaines recettes préconisen­t de diluer le pesto avec un peu d’eau avant de le mélanger aux pâtes. « Ce n’est pas systématiq­ue, nuance Alessandra. C’est surtout quand il est froid et qu’il sort du frigo : on met la quantité de pesto nécessaire dans un saladier et on le délaye avec une cuillère d’eau de cuisson des pâtes. Puis, une fois égouttées, on met les pâtes dans la sauce et pas l’inverse ! » Enfin, le pesto se marie merveilleu­sement bien avec les lasagnes. « Mais attention, le pesto en tant que sauce ne se réchauffe jamais » rappelle Alessandra. Il faut choisir des lasagnes à la semoule de blé dur et à l’eau, sans oeuf. On les poche à l’eau et on les égoutte à l’aide d’une écumoire. On en pose une première dans l’assiette, on assaisonne avec du pesto et ainsi de suite : on monte les lasagnes comme ça, sur le moment, et on les sert tout de suite, sans les passer au four. » Si l’on souhaite incorporer notre pesto à un plat qui doit cuire, il existe tout de même une astuce… « On peut tolérer qu’il soit cuit si on le mélange à un support onctueux, comme de la ricotta, pour éviter qu’il sèche. Il faut éviter un contact direct avec la source de chaleur. » Autre astuce : l’enrouler dans une pâte (à nous les bons petits feuilletés…).

IL EST AUSSI L’AMI…

Des gnocchis, du poisson, des pommes de terre, de la vinaigrett­e… « On peut aussi le mettre sur une pizza, à la sortie du four », parole d’Italienne ! Il est également délicieux sur une simple tranche de pain grillée, avec, pourquoi pas, une petite rondelle de mozzarella, histoire de rester en Italie… Et pour l’apéritif, on pense à lui pour farcir des tomates cerise, pour de petits amuse-bouche extra frais.

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