La charcuterie sans nitrite
Au rayon charcuterie, depuis quelques années, on voit apparaître de plus en plus d’emballages portant la mention « sans nitrite ». Origine, utilisation, méfaits sur notre santé… on fait aujourd’hui le point sur cet additif alimentaire décrié.
Très utilisés dans la charcuterie, les additifs nitrés sont de plus en plus pointés du doigt. Et pour cause : il a été démontré que les « charcuteries nitrées » sont dangereuses pour la santé. Le signal d’alarme a été tiré en 2015 quand le Centre international de recherche sur le cancer, agence spécialisée de l’Organisation mondiale de la santé, classe la charcuterie et les salaisons « cancérogènes certains pour l’homme ». En ligne de mire : le cancer colorectal et le cancer de l’estomac. Aux côtés de l’alcool, il s’agit du seul aliment ainsi classé en France. Les responsables ? Les nitrates et les nitrites ajoutés. S’ils ne sont pas directement cancérogènes, ils le deviennent une fois incorporés à la matière carnée. En se décomposant, ils donnent naissance au monoxyde et au dioxyde d’azote. Des radicaux libres qui s’associent ensuite avec des composants présents dans la viande (amines, amides, fer…), provoquant alors des molécules cancérogènes (nitrosamines, nitrosamides, fer nitrosylé…). On parle de « composés nitrosés ». Un peu scientifique et pas très joyeux tout cela, on vous l’accorde, mais cette prise de conscience permet de revenir, peu à peu, à des charcuteries plus traditionnelles.
Nitrates, nitrites, sel nitrité : un même mal
Nitrate et nitrite sont tous deux des additifs qui servent à accélérer la fabrication et à optimiser la conservation. Visuellement, ils confèrent aussi au jambon une appétissante couleur rosée, sans quoi celui-ci est tout simplement grisâtre (comme notre rôti de porc maison). Ce sont des dérivés de l’azote (de l’air, des végétaux…). Le nitrite, que l’on trouve sous le nom de nitrite de sodium ou E250, est très puissant. Il donne des résultats encore plus rapides que le nitrate. Un seul gramme suffit à colorer
des dizaines de kilos de chair. Ajouté à du sel classique, il permet d’obtenir du sel nitrité (99,4 % de sel pour 0,6 % de nitrite), très utilisé en charcuterie. Dans la grande distribution, 76 % des produits de charcuterie en contiendraient.
Un rapport d’information pour leur interdiction
Une mission menée en 2020 par les députés Barbara Bessot-Ballot, Michèle Crouzet et Richard Ramos a donné naissance à un rapport d’information sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire. Déposé le 13 janvier 2021, il est consultable en ligne sur le site Internet de l’Assemblée nationale. Il est très complet et sa conclusion, sans appel, puisqu’il recommande d’interdire l’utilisation des nitrates et nitrites d’ici à 2023 pour les produits non traités thermiquement (saucissons, jambons crus…) et d’ici à 2025 pour le reste.
Faire sans, c’est possible !
Le nitrate a été autorisé en France en 1912 et le nitrite, en 1964. Leur utilisation s’est progressivement généralisée pour faire face à la guerre des prix et répondre aux logiques de rendement. Ajouter du sel nitrité permet en effet de faire maturer ou de sécher la viande moins longtemps. Cela entraîne aussi une conservation plus longue des produits. Alors, quelle solution pour revenir à des charcuteries sans nitrate et sans nitrite ? « Renouer avec le savoirfaire charcutier traditionnel », indique le rapport. À l’origine, les charcuteries étaient fabriquées sans ces additifs, grâce à des méthodes artisanales. Il s’agit donc d’allonger la durée de séchage des salaisons (saucissons, jambons secs et crus) et le temps de cuisson des charcuteries cuites (jambon blanc). Le tout en employant une viande de bonne qualité. Ces méthodes 100 % naturelles sont d’ailleurs toujours utilisées par certains artisans. Il existe même un jambon sec italien très connu, dénué de nitrates et nitrites : le jambon de Parme ! Leur utilisation dans sa fabrication est interdite depuis 1993.