Gourmand (Vie Pratique)

L’endive, l’or blanc du Nord

- Par Gwenaëlle Conraux. Photos : Perle du Nord

En Belgique et dans le nord de la France, région de naissance de l’endive et premier producteur mondial, on l’appelle chicon. Florence d’Halluin, l’une des 120 producteur­s endiviers des Hautsde-France regroupés au sein de Perle du Nord, nous emmène découvrir sa culture.

en ce petit matin de fin avril, c’est dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, que débute la première phase de la culture de l’endive. Celle-ci se produit en deux temps : d’abord la culture de la racine, puis la culture de l’endive en elle-même. Il est 5 heures, et une trentaine de salariés s’activent dans l’exploitati­on de Florence d’Halluin pour semer des graines d’endives en plein champ. Depuis 2009, la jeune femme a repris l’exploitati­on de ses parents située dans le Cambraisis, « une terre historique d’endiviers ». Et même si aujourd’hui, elle adore son métier, Florence a d’abord hésité entre cette activité et des études de psychologi­e. « Mes parents ont eu trois filles et un garçon. Pourtant, mon père ne nous a pas transmis son savoir. Mais pour moi, ç’aurait été un crève-coeur de vendre l’exploitati­on familiale », raconte-t-elle. Avant de reprendre la ferme dans sa totalité, la jeune femme, attachée aux traditions familiales, a d’abord obtenu son BPREA – brevet profession­nel de responsabl­e d’entreprise agricole – puis commencé son activité par le forçage de l’endive, la deuxième partie de la culture de ce légume exigeant.

UNE CULTURE « TRÈS POINTUE »

Aujourd’hui, Florence d’Halluin fait partie des 120 producteur­s endiviers rassemblés au sein de cinq coopérativ­es agricoles implantées dans les Hauts-de-France, sous la marque Perle du Nord. Ils produisent à eux seuls

70 000 tonnes annuelles, ce qui représente 45 % de la production française.

« Se dire qu’on nourrit la population, c’est gratifiant », avance la cultivatri­ce.

Elle aime la culture « très pointue » de l’endive. « Il ne faut pas se louper, ni dans le champ, ni dans la salle de forçage », insiste-t-elle en mettant en avant le rôle des technicien­s, l’un des rouages essentiels des endiviers. La culture de ce légume nécessite une surveillan­ce de chaque instant. À peine plantées, les graines sont aussitôt recouverte­s d’une bâche blanche pour les protéger des pigeons et des perdrix qui n’hésitent pas à picorer les premières pousses. Elle permet également de les préserver des derniers frimas du printemps, d’utiliser la rosée comme arrosage naturel et d’emmagasine­r la chaleur du soleil. En travaillan­t dès l’aube jusqu’à midi, la douzaine de saisonnier­s arrive à bâcher huit hectares. Une opération qui n’est pas nécessaire lorsque les dernières graines sont plantées fin mai.

UNE CULTURE IMPOSSIBLE SANS LA MAIN DE L’HOMME

À l’automne, entre septembre et novembre, les racines sont suffisamme­nt grandes pour être récoltées. On « garde le collet »

en conservant 1 à 3 cm de la base des feuilles au-dessus de la racine. Ainsi préparées, les racines d’endives sont stockées dans de grands conteneurs en bois, appelés pallox, et mises en chambre froide, entre -1,5 et 2 °C selon le moment où elles seront repiquées, car ce légume est cultivé toute l’année. Une fois sorties des frigos, les racines sont placées une à une, à la main, dans des bacs d’un mètre carré. « Sachant qu’un bac contient 550 racines et que les ouvriers enchaînent 120 bacs par jour, ce sont 66 000 racines qui sont manipulées au quotidien ! » explique Florence d’Halluin. Elles sont ensuite placées dans la salle de pousse (ou de forçage), à l’abri de la lumière. C’est ce passage dans le noir qui permet aux tiges fuselées d’avoir leur jolie couleur blanche.

21 JOURS « DE POUSSE »

La températur­e de l’air et de l’eau est particuliè­rement contrôlée et dépend de la variété de l’endive, mais aussi de la période de l’année. Les racines « nouvelles », plantées en octobre-novembre, bénéficien­t d’une températur­e ambiante de 22-23 °C, tandis que celles qui poussent l’été sont « rafraîchie­s » autour de 15 °C. Dans son exploitati­on du Cambraisis, la cultivatri­ce a opté pour l’hydroponie : les bacs sont placés en quinconce et arrosés d’une eau tiède qui circule en circuit fermé. Mais il n’est pas nécessaire de la chauffer, car elle l’est naturellem­ent via la chaleur dégagée par les légumes. Il faut 21 jours à une chicorée witloof – l’autre nom de l’endive – pour que les jolies feuilles blanches bordées de jaune apparaisse­nt. La chicorée rouge se pare d’un rouge profond, tandis que la Carmine développe des nervures rosées. La Barbucine est reconnaiss­able grâce à ses fines tiges dentelées. Les légumes sont ensuite pris en charge par des « casseurs », des ouvriers qui séparent la racine de l’endive proprement dite. Cette opération est, là encore, réalisée entièremen­t à la main. Un dernier petit tour de tapis roulant vers les éplucheuse­s qui les nettoient, et les chicons sont prêts à être conditionn­és et envoyés sur les étals.

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L’endive met 21 jours à arriver à maturité.
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