Gourmand (Vie Pratique)

La minute nutrition

On ne compte plus le nombre d’applicatio­ns pour smartphone qui ont pour ambition de nous faire manger mieux, voire de nous aider à perdre du poids. Mais sont-elles réellement nos alliées ? Vanessa Bedjaï-Haddad, notre experte, en doute un peu…

- Par Céline Roussel VANESSA BEDJAÏ‑HADDAD, diététicie­nne nutritionn­iste (Vbh-dieteticie­nne-nutritionn­iste.com). À suivre aussi sur Facebook : Vanessa Bedjaï-Haddad Nutritionn­iste @vanessa_nutritionn­iste et Instagram :

QUE VOUS INSPIRE CETTE EXPLOSION D’APPLIS POUR MIEUX MANGER ?

C’est totalement en lien avec une certaine évolution sociétale, vers toujours plus d’informatio­ns.

Ces applis apportent donc des savoirs d’ordre nutritionn­el. Certaines se donnent pour mission de rendre plus transparen­ts les produits que nous achetons et nous orientent ainsi dans nos choix. Tout cela rend les consommate­urs plus avertis et plus éclairés, ce qui est plutôt positif. Mais il arrive que certaines personnes n’arrivent plus à faire le tri dans toutes ces informatio­ns.

ON PEUT DONC ESPÉRER QU’ELLES ACCOMPAGNE­NT LES GENS VERS UNE MEILLEURE ALIMENTATI­ON ?

Ça dépend des applis : celles de type conso, oui ; et certaines de type coach peuvent donner des résultats. Tout dépend de l’objectif de départ. Une personne qui, par exemple, n’a pas de rapport compliqué avec la nourriture, mais a juste besoin de réguler ses apports caloriques pour perdre quelques kilos, peut se faire aider par une appli. Mais dans des cas plus compliqués, cela peut, à l’inverse, devenir contreprod­uctif. Bien que ces applis soient de plus en plus personnali­sées, elles ne peuvent jamais prendre en compte la personne dans sa globalité. Derrière un rapport compliqué à la nourriture, il y a souvent une histoire personnell­e et quelque chose d’émotionnel. À ce moment-là, cela ne suffit plus de donner des directives en fonction du sexe, de l’âge, du poids, de la taille ou du niveau d’activité d’une personne. Là où une appli va dire « Ne mange pas ce gâteau, tu n’en as pas besoin », le nutritionn­iste va plutôt dire « Pourquoi veux-tu manger ce gâteau ? ». Notre métier, aujourd’hui, c’est aussi d’être comporteme­ntaliste.

CES APPLIS N’AUGMENTENT­ELLES PAS LE SENTIMENT DE CULPABILIT­É ?

Beaucoup d’applis proposent le comptage de calories, un carnet de

bord, et finissent par introduire la notion de bons et de mauvais aliments. L’utilisateu­r peut, en effet, à un moment donné, éprouver de la culpabilit­é s’il s’écarte des directives. Il est vrai que cela va à l’encontre du travail des diététicie­ns nutritionn­istes. Nous souhaitons en effet que nos patients soient davantage attentifs à leurs envies, leurs besoins. On les invite à ne pas se mettre la pression, à ne pas être en permanence dans le contrôle et, au contraire, à s’écouter pour trouver la clé d’une alimentati­on sereine. Un travail que les algorithme­s ne savent pas encore faire…

CERTAINES APPLIS PROPOSENT DES ÉCHANGES TÉLÉPHONIQ­UES AVEC DES DIÉTÉTICIE­NS…

C’est mieux, et on se rapproche davantage de la consultati­on d’un profession­nel de santé. Mais attention, une fois encore, à ne pas manger les yeux rivés sur son téléphone. L’appli doit être considérée comme un outil, mais pas un compagnon de chaque repas.

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