La minute nutrition
On ne compte plus le nombre d’applications pour smartphone qui ont pour ambition de nous faire manger mieux, voire de nous aider à perdre du poids. Mais sont-elles réellement nos alliées ? Vanessa Bedjaï-Haddad, notre experte, en doute un peu…
QUE VOUS INSPIRE CETTE EXPLOSION D’APPLIS POUR MIEUX MANGER ?
C’est totalement en lien avec une certaine évolution sociétale, vers toujours plus d’informations.
Ces applis apportent donc des savoirs d’ordre nutritionnel. Certaines se donnent pour mission de rendre plus transparents les produits que nous achetons et nous orientent ainsi dans nos choix. Tout cela rend les consommateurs plus avertis et plus éclairés, ce qui est plutôt positif. Mais il arrive que certaines personnes n’arrivent plus à faire le tri dans toutes ces informations.
ON PEUT DONC ESPÉRER QU’ELLES ACCOMPAGNENT LES GENS VERS UNE MEILLEURE ALIMENTATION ?
Ça dépend des applis : celles de type conso, oui ; et certaines de type coach peuvent donner des résultats. Tout dépend de l’objectif de départ. Une personne qui, par exemple, n’a pas de rapport compliqué avec la nourriture, mais a juste besoin de réguler ses apports caloriques pour perdre quelques kilos, peut se faire aider par une appli. Mais dans des cas plus compliqués, cela peut, à l’inverse, devenir contreproductif. Bien que ces applis soient de plus en plus personnalisées, elles ne peuvent jamais prendre en compte la personne dans sa globalité. Derrière un rapport compliqué à la nourriture, il y a souvent une histoire personnelle et quelque chose d’émotionnel. À ce moment-là, cela ne suffit plus de donner des directives en fonction du sexe, de l’âge, du poids, de la taille ou du niveau d’activité d’une personne. Là où une appli va dire « Ne mange pas ce gâteau, tu n’en as pas besoin », le nutritionniste va plutôt dire « Pourquoi veux-tu manger ce gâteau ? ». Notre métier, aujourd’hui, c’est aussi d’être comportementaliste.
CES APPLIS N’AUGMENTENTELLES PAS LE SENTIMENT DE CULPABILITÉ ?
Beaucoup d’applis proposent le comptage de calories, un carnet de
bord, et finissent par introduire la notion de bons et de mauvais aliments. L’utilisateur peut, en effet, à un moment donné, éprouver de la culpabilité s’il s’écarte des directives. Il est vrai que cela va à l’encontre du travail des diététiciens nutritionnistes. Nous souhaitons en effet que nos patients soient davantage attentifs à leurs envies, leurs besoins. On les invite à ne pas se mettre la pression, à ne pas être en permanence dans le contrôle et, au contraire, à s’écouter pour trouver la clé d’une alimentation sereine. Un travail que les algorithmes ne savent pas encore faire…
CERTAINES APPLIS PROPOSENT DES ÉCHANGES TÉLÉPHONIQUES AVEC DES DIÉTÉTICIENS…
C’est mieux, et on se rapproche davantage de la consultation d’un professionnel de santé. Mais attention, une fois encore, à ne pas manger les yeux rivés sur son téléphone. L’appli doit être considérée comme un outil, mais pas un compagnon de chaque repas.