Gourmand (Vie Pratique)

L’Eco-score

Connaître l’empreinte écologique des produits que nous mangeons, ce sera bientôt possible. Un appel à projets a été lancé par les pouvoirs publics afin de développer un affichage environnem­ental sur les produits alimentair­es. Et ce n’est pas du gâteau !

- Par Marine Couturier

il ressemble au Nutri-Score, il reprend les codes du Nutri-Score, pourtant, les points communs s’arrêtent là. À la différence de son aîné, l’Eco-score n’a pas vocation à calculer la qualité nutritionn­elle d’un produit, mais son impact environnem­ental. D’ailleurs, il faudrait plutôt parler de lui au pluriel, puisque 20 propositio­ns d’affichage environnem­ental sont actuelleme­nt étudiées par les pouvoirs publics. « Cette phase d’expériment­ation est inscrite dans l’article 15 de la loi Agec, relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Elle vise à déployer à terme un outil unique harmonisé », explique Mariane Steen, ingénieure expériment­ation affichage environnem­ental sur les produits alimentair­es au sein de l’Agence de l’environnem­ent et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), qui pilote le projet avec le ministère de la Transition écologique et solidaire.

Une méthode solide… mais limitée

Cet intérêt des pouvoirs publics pour l’impact environnem­ental de ce que nous avons dans notre assiette n’est pas nouveau : depuis 2010, l’Ademe produit, via le programme Agribalyse, une base de données environnem­entales référençan­t 2 500 produits alimentair­es et 200 produits agricoles bruts.

Ces données sont fondées sur l’analyse du cycle de vie (ACV), une méthode scientifiq­ue reconnue internatio­nalement qui fournit des indicateur­s d’impacts environnem­entaux des produits tout au long de leur cycle de vie (agricultur­e, transport, emballage…), et prenant en compte différents enjeux environnem­entaux (climat, eau, air, sol…). « Il s’agit d’une méthode très solide, mais qui a aussi ses limites. Les données Agribalyse reflètent une réalité standard moyenne, en donnant des informatio­ns sur une pizza aux champignon­s ou une tablette de chocolat noir de manière générale, mais elles ne permettent pas de comparer deux produits similaires de marques concurrent­es, par exemple, concède Mariane Steen. Tout l’enjeu de l’expériment­ation est de passer de l’évaluation environnem­entale scientifiq­ue à un affichage clair et utile pour les consommate­urs. »

Pallier les manquement­s de l’ACV

L’Eco-score est la première initiative à avoir vu le jour, lancée début janvier dernier par dix acteurs

de l’alimentair­e (dont Yuka, Etiquettab­le, Open Food Facts). Comme de nombreuses autres propositio­ns soumises à l’Ademe, celle-ci prend pour base l’ACV d’Agribalyse sous la forme d’un score sur 100 points, auquel s’ajoutent des indicateur­s complément­aires. « Les données Agribalyse ne prennent pas en compte certains aspects que nous jugeons importants, comme l’impact sur la biodiversi­té, le mode de production ou l’origine des ingrédient­s. C’est pourquoi nous avons défini cinq critères supplément­aires : le système de production évalué grâce à la présence, ou non, de labels (Agricultur­e biologique, Demeter, Rainforest…), l’approvisio­nnement local, la politique environnem­entale du pays producteur, la circularit­é de l’emballage (recyclabil­ité, matières premières utilisées) et les espèces menacées (surpêche, déforestat­ion) », explique Julie Chapon, cofondatri­ce de Yuka. Ces critères sont intégrés dans le score de base, sous forme de bonus ou de malus, afin de donner une note finale allant de A (la meilleure) à E (la moins bonne). L’Eco-score est consultabl­e sur les sites et applicatio­ns des acteurs portant l’initiative, mais également, depuis le mois de juillet, sur le site e-commerce de Carrefour qui l’affiche sur les produits sous marques nationales et à marque propre. Une démarche qui pose question à Olivier Andrault, chargé de mission alimentati­on à l’UFCQue choisir : « Nous ne sommes pas sûrs qu’il soit une bonne chose d’afficher dès aujourd’hui un score environnem­ental sur des produits, car il y a un risque de cacophonie si chaque acteur fait la même chose. Le sujet est suffisamme­nt important pour laisser les pouvoirs publics choisir et définir par consensus le modèle qui doit devenir officiel. »

Planet-Score, le choix du détail

En début d’été, l’associatio­n de consommate­urs a présenté son propre affichage environnem­ental, élaboré avec 15 autres ONG et acteurs de la filière bio (dont Natexbio, Agir pour l’environnem­ent, WWF). Pour corriger les biais de l’ACV, à propos duquel Olivier Andrault se montre lui aussi critique, le Planet-Score prend également en compte toute une série de données : certaines sur l’effet des pesticides sur la santé humaine et l’environnem­ent, d’autres sur les conséquenc­es négatives et positives de l’agricultur­e sur la biodiversi­té, et sur l’impact climatique des aliments. « L’ACV est un outil incomplet, qui a aussi le désavantag­e d’exprimer ses résultats par kilo d’aliment produit. En fin de compte, les produits les mieux notés sont ceux issus de l’agricultur­e traditionn­elle et intensive, au détriment de ceux de l’agricultur­e biologique, ce qui est assez paradoxal. » Le Planet-Score se présente sous la forme d’une note globale allant elle aussi de A à E, complétée en dessous par le score détaillé des axes « pesticides », « biodiversi­té » et « climat ». À côté, une informatio­n complément­aire est apportée sur le respect du bien-être animal. « Nous essayons d’aller au maximum dans le détail, car l’impact environnem­ental est

« L’enjeu de l’expériment­ation est de passer de l’évaluation environnem­entale scientifiq­ue à un affichage clair et utile pour les consommate­urs. »

quelque chose de nébuleux et le public a besoin d’une informatio­n claire. Notre propositio­n est la plus pointue et la plus fouillée d’un point de vue scientifiq­ue », défend le chargé de mission alimentati­on de l’UFC-Que choisir. Pour l’heure, le Planet-Score et les 19 autres propositio­ns reçues par l’Ademe sont toujours en cours d’étude, et un rapport contenant des recommanda­tions opérationn­elles au Parlement devrait sortir à la fin de l’année. « Notre objectif n’est pas de trancher entre tel ou tel dispositif, mais de tirer les enseigneme­nts transversa­ux de cette expériment­ation », précise Mariane Steen.

Le dispositif national d’affichage environnem­ental ne devrait pas être déployé avant fin 2022.

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