Gourmand (Vie Pratique)

Le miel de Provence, le rendez-vous des abeilles et des fleurs

- Par Gwénaëlle Conraux

Avec son climat ensoleillé et ses nombreuses fleurs sauvages, la région Sud peut produire jusqu’à 2 500 tonnes de miel par an. C’est un des territoire­s français qui comptent le plus grand nombre d’apiculteur­s profession­nels. L’un d’eux, Jean-Louis Lautard, nous emmène butiner à ses côtés.

Ence début juin, la nuit s’apprête à tomber. Mais pour Jean-Louis Lautard, c’est une deuxième journée qui commence. Dans les Préalpes, à 1 100 mètres d’altitude, l’apiculteur installé au Tignet (Alpes-Maritimes) observe une dernière fois ses abeilles butiner les fleurs de thym qui poussent dans la garrigue calcaire. Il attend patiemment que toutes soient rentrées, soit 40 000 à 50 000 insectes par ruche. Puis, avant qu’il ne fasse complèteme­nt nuit, il range soigneusem­ent ses ruches sur un camion à suspension pneumatiqu­e pour ne pas les brusquer. C’est parti pour la transhuman­ce et le changement de décor : l’apiculteur emmène ses butineuses sur le plateau de Valensole, dans les Alpes-de-Haute-Provence, au milieu des champs de lavande qui commencent juste à fleurir.

« ATTRAPER LE GOÛT »

Il faut être à l’heure à destinatio­n, car la nature n’attend pas. Les abeilles reprennent leur envol juste avant le petit jour, vers 5 heures du matin. « Le cheptel est prioritair­e. Il ne faut jamais oublier que nous sommes là pour aider les ruches à être en bonne santé », rappelle celui qui est aussi président du Syndicat des miels de Provence et des Alpes du Sud, l’organisme qui gère l’IGP et les deux Label rouge qui y sont rattachés. « Le travail d’un producteur de miel est d’essayer d’attraper le goût et les saveurs du lieu où les abeilles vont évoluer. On ne va pas dans un endroit par hasard, mais pour produire un miel bien précis, selon les fleurs présentes : le maquis pour la bruyère blanche, la moyenne montagne pour ses prairies de fleurs, les forêts de châtaignie­rs ou encore la garrigue calcaire pour son thym. C’est un métier très fatigant, physiqueme­nt et mentalemen­t, mais nous avons la chance d’évoluer dans des paysages variés, au moment où ils sont les plus fleuris, donc les plus beaux », sourit-il.

LES ALÉAS DE LA MÉTÉO

L’été est consacré essentiell­ement au miel de lavande, fleur caractéris­tique

de la Provence. Ce nectar clair au goût typé représente la moitié de la production totale de la région. Avec ses 163 000 ruches exploitées par 3 600 apiculteur­s, la région Sud (Provence-Alpes-Côte d’Azur) produit 2 500 tonnes de miel par an, soit 8 % de la production nationale. Un chiffre qui vaut pour une année « normale », car la production de miel est fortement dépendante des aléas climatique­s et de la qualité des floraisons. L’année 2021 est une mauvaise année, « une des deux pires » de la carrière d’apiculteur de cet homme de 64 ans. La faute au grand coup de froid de début avril qui s’est prolongé jusqu’à la mi-juin, et à la sécheresse : « La sève des arbres est repartie en arrière et les fleurs ne s’en sont jamais remises, explique-t-il. Deux framboisie­rs de montagne sur trois n’ont pas eu de fleurs cette année, et neuf acacias sur dix ont gelé. »

ENFUMER AVANT D’ENTRER

Il est temps pour l’apiculteur de récolter le précieux liquide doré. Il faut d’abord mettre en route l’enfumoir. Quelques poignées d’aiguilles de pin ou de granulés à base de lavande placées dans cette sorte de grosse théière suffisent à produire une fumée opaque, qui va masquer les phéromones des insectes et les empêcher de communique­r entre eux. Les gardiennes de la ruche, qui vérifient habituelle­ment que l’odeur des abeilles entrantes est bien celle de la colonie, ne pourront pas prévenir les autres de l’arrivée de l’apiculteur. Quelques petits coups de soufflet à l’entrée de la ruche, quelques pschitt ! supplément­aires en haut, et l’apiculteur peut ôter le couvre-cadre, car les butineuses sont calmes. Il est alors possible de prélever les hausses, la partie supérieure de la ruche, et de les emmener à la miellerie.

Il faut maintenant séparer le miel de la cire. Première étape, le désopercul­age des hausses. L’opération peut être réalisée à la main, avec un couteau ou une petite machine. Vient ensuite le passage dans l’extracteur qui, en tournant et grâce à la force centrifuge, va extraire le liquide doré. Un dernier tour dans l’essoreuse à opercules, les cuves de décantatio­n et la filtration, et voilà le miel prêt à être mis en pot. À la fin de l’été, les ruches vont être reconduite­s sur les zones d’hivernage. Jusqu’à la fin du mois de novembre, si la météo est favorable, elles pourront bénéficier des fleurs d’automne jusqu’à ce que les arbousiers des maquis fanent. Les abeilles auront alors quelques semaines de repos avant la reprise de l’activité de ponte des reines à la sortie de l’hiver, dès qu’apparaîtro­nt le mimosa et le romarin.

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