Gourmand (Vie Pratique)

Le bio se vend moins ! Pourquoi ? On vous dit tout !

Après des années fastueuses, le marché a marqué un premier recul historique en 2021. Pour autant, les spécialist­es du secteur ne s’alarment pas et expliquent ce déclin par des raisons multiples.

- Par Marine Couturier.

Jusqu’à il y a peu, tous les feux étaient encore au vert. En 2020, en France, malgré la crise sanitaire et le bouleverse­ment des habitudes de consommati­on, le secteur du bio a enregistré une croissance sans précédent : les ventes de produits bio ont atteint 13 milliards d’euros, soit un doublement par rapport à 2015. Les enseignes spécialisé­es ont particuliè­rement bénéficié de cet engouement, affichant sur l’année une croissance de 13,1 % et représenta­nt 28,5 % des parts de marché. Pourtant, depuis quelques mois, lorsqu’ils font leurs courses, les Français diminuent la part de produits issus de l’agricultur­e biologique dans leur chariot. Après un ciel sans nuage pendant plusieurs années, le secteur entre donc dans une période un peu plus troublée, selon les derniers chiffres publiés début 2022.

Les filières de la farine et du lait touchées

Le marché du bio a connu un coup d’arrêt en 2021 avec une baisse de 3,1 % des ventes en valeur par rapport à 2020, selon l’Institut de recherche et d’innovation. Pour certaines filières, la chute a été plus brutale que pour d’autres : celle de la farine a été la plus touchée, avec une baisse des ventes de 18 %, contre -12 % pour le beurre, -7 % pour le lait et -6 % pour les oeufs. La consommati­on de fruits et légumes bio a, quant à elle, baissé de 11 % en un an en 2021, selon Interfel*. Derrière ces chiffres, certains agriculteu­rs s’étant tournés vers ce marché jusqu’alors florissant ne peuvent que constater les dégâts. « Si l’on prend la filière laitière, l’année 2021 a été particuliè­re sur le plan climatique, avec une pousse de l’herbe soutenue qui a fait exploser la production de lait, rappelle Philippe Camburet, président de la Fédération nationale d’agricultur­e biologique (Fnab). Certains producteur­s adhérents à des coopérativ­es qui ne font pas que du bio ou travaillan­t avec de grands industriel­s se sont vu proposer des prix d’achat à la baisse et sont aujourd’hui en difficulté. » Le géant Lactalis déclasse ainsi 20 à 30 % de son lait bio vers la filière convention­nelle, moins rémunératr­ice.

Si ce coût du déclasseme­nt est pris en charge, l’industriel a néanmoins suspendu ses aides à la conversion.

Une concentrat­ion du marché

Pour le consultant en grande consommati­on et agroalimen­taire Philippe Goetzmann, la baisse est à relativise­r. « Il ne s’agit pas d’un effondreme­nt, mais plutôt d’un ajustement d’un marché qui avait atteint son apogée en 2020, notamment à la faveur des confinemen­ts. Aujourd’hui, la demande ne croît plus et les enseignes vont réduire leur nombre de références pour concentrer leur chiffre d’affaires. On assiste ainsi à une rationalis­ation de l’offre bio et à une logique de retourneme­nt après des années fastueuses. » Pour expliquer cette baisse, le spécialist­e évoque aussi la préoccupat­ion des Français pour leur pouvoir d’achat et le fait que les valeurs du bio soient de moins en moins comprises. « Quand le marché a décollé, il y a une quinzaine d’années, il s’agissait d’une consommati­on militante et responsabl­e marquée par l’envie de préserver sa santé. La réalité est que le bénéfice sur la santé n’est pas totalement démontré, et qu’on a fait du bio de qualité de plus en plus discutable, à cause notamment d’une production plus intensive. » Philippe Camburet fait lui aussi le constat de la perte de sens du bio, mais il l’explique par le fait que les labels se sont multipliés, brouillant les pistes pour le consommate­ur. « Les gens ne savent plus exactement ce qu’est un produit bio. La filière souffre dès lors d’un déficit d’image et elle a besoin de se remobilise­r pour convaincre de nouveau les consommate­urs de son intérêt. »

La concurrenc­e du local

Et le président de la Fnab d’ajouter : « L’attrait pour les produits locaux se fait au détriment du bio, mais ce n’est pas parce que l’on connaît le lieu de production qu’il y a forcément respect du bien-être animal et de l’environnem­ent. Plutôt que d’opposer local et bio, il faudrait les associer, c’est la meilleure équation possible. » Ce constat est partagé par Paul Charlent, cofondateu­r d’Alancienne, un service de livraison à domicile de produits ultra frais provenant directemen­t de producteur­s locaux qui travaillen­t en bio ou en phase de conversion. « Manger local, bio et de saison, c’est ça, l’idéal. Au regard de la crise actuelle, cela nous permet en plus d’être moins dépendants des énergies fossiles et de conserver des prix plutôt stables, contrairem­ent aux produits issus de l’agricultur­e convention­nelle. »

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