La Revue du Vin de France

Cavistes chics : eux aussi basculent sur Internet !

La crise du Covid-19 a accéléré la migration vers le Web. Pour certaines adresses installées, c’est une remise en question

- Une enquête de Fabien Humbert

C’est une révolution à bas bruit qui se joue dans le monde feutré des cavistes indépendan­ts premium. Ces bastions de la vente physique optent de plus en plus pour la vente dématérial­isée ! Mais quelle mouche les a donc piqués ? Pourquoi des hommes et des femmes, dont le credo est le conseil et l’accueil dans un lieu chaleureux rempli de bonnes bouteilles, iraient-ils vendre leurs flacons sur des sites internet distants par nature ? Cette mouche (du coche), a un nom, qui fait frémir la planète depuis un an désormais : le Covid-19.

Revenons un peu en arrière. En mars 2020, le premier confinemen­t est décidé en France. Pendant quelques jours, c’est la stupeur : un silence glaçant s’empare des rues désertes, tandis que les portes des commerçant­s restent fermées. Avant que la bonne nouvelle ne tombe : les cavistes, considérés comme des commerces essentiels, peuvent rouvrir !

« Les premières semaines, nous avons eu très peu de visites, se souvient pourtant Ludovic Ripart à la Cave du Marché (Chartres). Les gens avaient peur de sortir de chez eux… Heureuseme­nt, notre site internet a pris le relais. » Car Ludovic Ripart appartient à cette caste de cavistes qui avaient déjà fait le pari de vendre à la fois dans un lieu physique et une boutique en ligne. C'est aussi le cas de l’ex-footballeu­r Éric Carrière, dont la cave s’était dotée d’une boutique en ligne en novembre 2019 (la chance du champion ?), de Dominique Dupuch aux Caves d’Ulysse à Margaux (depuis 2004), de Damien de Gironde à La Cave du Château à Paris (depuis 2017), ou de Michel Falck, à Strasbourg (Au Millésime).

Les sites internet ont pris le relais lors du premier confinemen­t

Quant aux autres, ils ont dû se résoudre à accélérer un processus qui était devenu inéluctabl­e. Ce fut chose faite dès avril 2020 pour les Caves du Forum à Reims et leurs 500 m2 qui servaient autrefois à stocker le champagne des grandes maisons. « Notre site était prêt depuis un an, mais nous ne l’avions pas encore lancé », se souvient son dirigeant Fabrice Parisot. À Rennes, c’est lors du deuxième confinemen­t, en novembre 2020, que Nadine Gaillard a dû se résoudre à vendre en ligne quelques références de son Cellier Saint Germain, idéalement placé entre la mairie, le Quai Lamartine et l’église Saint-Germain. Même la vénérable Tour d’Argent à Paris, qui vendait déjà des vins dans son épicerie fine, a commencé à mettre régulièrem­ent en ligne quelques trésors de sa mythique cave. « Nous ne disposons pas de chiffres officiels, mais selon les remontées du terrain que nous avons récoltées, la bascule s’est faite de façon très importante depuis la crise du Covid-19 », confirme Nathalie Viet, déléguée générale des Cavistes Profession­nels.

UNE NOUVELLE CLIENTÈLE

Avec un peu de recul, nouveaux venus sur le Web et vieux briscards se montrent plutôt satisfaits d’avoir su prendre la vague de la vente en ligne. Les chiffres sont en effet éloquents. Selon la Fédération e-commerce et vente à distance (Fevad), les ventes sur Internet ont progressé au global de 8 % au 3e trimestre 2020, mais celles des enseignes disposant aussi de magasins physiques ont, pour leur part, explosé de 29 % !

Tous les cavistes que nous avons interrogés déclarent avoir enregistré de fortes hausses de ventes sur Internet (+ 50 % en 2020 pour la cave strasbourg­eoise Au Millésime, par exemple), même si les ventes au magasin restent toujours très majoritair­es. Certains, comme La Cave du Château, ont même embauché un as du e-commerce pour animer leur site : « Il maîtrise des notions comme le “référencem­ent”, ou l’optimisati­on pour les moteurs de recherche (SEO), qui nous semblent un peu barbares, mais qui permettent à un site internet de gagner en visibilité, éclaire Damien de Gironde. Le digital, c’est un métier ».

Si les boutiques en ligne ont permis aux cavistes de garder le contact avec leur clientèle habituelle pendant les confinemen­ts, elles leur ont aussi permis d’en gagner de nouveaux. « Notre clientèle en boutique est en général âgée de plus de 45 ans. Elle se caractéris­e par un pouvoir d’achat élevé et témoigne d'un certain intérêt pour les primeurs, analyse Dominique Dupuch. Sur le site, les clients sont plus jeunes, avec un panier moyen moins élevé, mais des goûts plus éclectique­s. »

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 ??  ?? Incontourn­able à Paris, installée dans un hôtel particulie­r, La Cave du Château décline aussi sa superbe gamme de vins sur son élégant site internet.
Incontourn­able à Paris, installée dans un hôtel particulie­r, La Cave du Château décline aussi sa superbe gamme de vins sur son élégant site internet.

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