La Revue du Vin de France

Vie de château

Château Haut-Marbuzet, à Saint-Estèphe

- Reportage et dégustatio­n de Pierre Casamayor

C’est la star absolue des années 19801990. Haut-Marbuzet était à cette époque l’enfant chéri des amateurs, séduits par son style extraverti et séducteur, en vin jeune comme après des années de garde, un exploit à une époque où les saint-estèphe ne sortaient de leur gangue d’austérité qu’au bout d’une longue patience. Ce qui allait de pair avec de violentes critiques des gardiens du temple : la “pute” du Médoc, disait-on ou pouvait-on lire dans les gazettes ! Le “flamboyant”, aurait-on dû préciser. Le vin de Haut-Marbuzet était un don Juan auquel nul amateur ne pouvait résister et cela faisait enrager les marques les plus huppées. Il formait d’ailleurs un duo de francs-tireurs avec Jean Gautreau de Sociando-Mallet, l’un avec le merlot, l’autre avec le cabernet-sauvignon, pour des pieds de nez à la morgue des crus classés.

UN VIGNOBLE RECONSTITU­É

L’histoire commence en 1952 lorsqu’un homme, Hervé Duboscq, issu d’une famille modeste, ce qui peut nourrir l’idée de s’enrichir, acquiert quelques hectares en viager sur la commune de Saint-Estèphe. Ce ne sont pas les meilleures parcelles, mais elles vont initier la saga Duboscq. Elles proviennen­t d’une propriété appartenan­t à la famille Mac Carthy, négociants aux Chartrons à la fin du XIXe siècle, le domaine est alors morcelé et en voie de dispersion. Ces terres vont petit à petit tomber dans l’escarcelle de la famille Duboscq, car c’est une époque où les vignes se vendent à des prix plus que raisonnabl­es, aux antipodes des sommets surréalist­es actuels. Le vignoble s’agrandit donc peu à peu, il atteint aujourd’hui les 75 hectares. L’ancienne possession des Mac Carthy est alors reconstitu­ée, avec l’acquisitio­n plus tard des meilleurs terroirs. Henri Duboscq en évalue la proportion aujourd’hui à quelque 20 %. Enfin presque, car au beau milieu trône le très aristocrat­ique château de Marbuzet avec sa colonnade, une folie construite, dit-on, pour les beaux yeux d’une danseuse du Grand Théâtre de Bordeaux, aujourd’hui possession du tout aussi théâtral Cos d’Estournel. Pour les Duboscq, la danseuse, ce sera le vin.

On peut distinguer douze parcelles sur la croupe de Marbuzet, vers Pomys et le Houissan. Dans le lot, l’entité de Chambert Marbuzet, 7 hectares sur la haute terrasse, un temps second vin, aujourd’hui vinifiée à part, présente un style différent car plus riche en cabernet-sauvignon, au contraire de Tour Marbuzet, 7 hectares sur des sols argileux de contrecrou­pe en majorité merlot. Pour le grand vin, c’est le sommet de la croupe, près du village, séparé de celui de Cos d’Estournel par une combe.

UN ENCÉPAGEME­NT ATYPIQUE

Henri Duboscq se plaît à dire : « Je fais le vin que j’aime ». On devrait dire le vin qui lui ressemble : enjôleur, volubile, un vin d’amour et de certitudes. Coup de chance, coup de génie ou

AVRIL 2021 -

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