La Revue du Vin de France

Des bordeaux peu boisés et sur le fruit

- Une dégustatio­n de Karine Valentin

L’AOP Bordeaux explore une voie nouvelle. Passionnan­t !

Enfin ! On trouve de plus en plus de bordeaux de soif, sur le fruit, digestes, plaisants dès leur jeunesse et à des prix défiant toute concurrenc­e. La RVF est allée y voir de plus près, rapportant quelques pépites dans sa besace après une exploratio­n fine de l’AOP Bordeaux.

Àforce de cantonner Bordeaux dans la catégorie des vins de garde, boisés et tanniques dans leur jeune âge, on en oublie presque que la région produit aussi d’excellents vins de soif. Des flacons sur le fruit et parfois sans une once de bois. Il est vrai que la région a mis du temps à reprendre le train de ces vins gouleyants, terrain de jeu dominé par les crus du Languedoc et du Beaujolais, appréciés dès leur jeunesse. Mais tout arrive : une nouvelle génération de vignerons girondins, moins influencés par ce “goût de bois” qui a longtemps traîné aux basques des Bordelais, élabore aujourd’hui des vins issus notamment de merlots sur le fruit, mûrs et digestes. Et la magie opère.

Pour aller à la rencontre de ces bordeaux plaisir, nous avons dégusté près de 200 échantillo­ns venus de propriétés situées principale­ment dans l’Entre-deux-Mers et sur la rive droite de la Dorgogne. Ici, des vignerons ont changé d’approche : ils ont appris à vinifier les vins que le marché attend. En ce pays du merlot roi, servis par les consorts cabernet-sauvignon et cabernet franc (leur part augmente dans les assemblage­s), les rouges se font plus fruités et s’affranchis­sent d’un élevage en bois qui dépassait souvent les bornes. Le malbec fait une poussée remarquabl­e. Arinarnoa, castes, marselan et touriga nacional complètent la palette au point de proposer une alternativ­e au goût du bordeaux classique. Du côté des blancs, le

triptyque sauvignon, sémillon et muscadelle est enrichi, ici et là, par de nouveaux cépages, alvarinho et liliorila. La maîtrise des vinificati­ons permet de diminuer, voire d’éradiquer les doses de soufre. Et les extraction­s plus légères laissent sa chance au fruit dont on profite aussi largement dans des clairets, spécificit­é bordelaise mi-rouge, mi-rosée.

DU TERROIR À PETITS PRIX

Brettanomy­ces, goût de souris, oxydation : si, au détour d’une dégustatio­n, un ou deux vins semblent contaminés, l’ensemble se pose plutôt sur la pureté, y compris après des élevages en jarres de terre cuite ou des grès. Eh oui ! Le “petit” bordeaux d’aujourd’hui et de demain n’a rien à voir ni à envier à celui d’hier. Si quelques vins restent encore coincés par des boisés communs et malgré des millésimes chauds et parfois traumatisa­nts (2017 avec le gel, 2018 avec le mildiou), les rouges reprennent le chemin d’un fruit juteux. Tout le monde s’y est mis… Même Michel Rolland et Stéphane Derenoncou­rt. Ceux qui conseillen­t les plus grands ont créé une marque de bordeaux sur le fruit tel qu’on le consomme désormais. La gamme a été baptisée Iconic Winemakers. À découvrir.

Notre dégustatio­n en témoigne, on trouve aussi des bordeaux sur le fruit à moins de 10 euros qui n’oublient pas de faire parler leur terroir. Histoire de convaincre les marchés qu’un rouge fruité de Bordeaux est aussi porteur d’un climat et d’un sol, le syndicat des bordeaux cartograph­ie ses différents terroirs afin de mettre en valeur certaines zones de sables, d’argiles, de calcaires, de graves, de silex, de molasses… Une richesse à ajouter à la carte oenotouris­tique des villages de l’Entre-deux-Mers baptisée Route des Bastides, à celle du Libournais et de ses vallons ondulants ou encore à celle des bords de fleuves du Blayais et Bourgeais.

Si tout n’est pas encore rose au pays du rouge, les meilleurs vignerons s’affranchis­sent des codes et donnent un coup de vieux au bordeaux bashing.

Conditions de dégustatio­n

Un total de 200 bordeaux, peu ou pas boisés, dans les millésimes 2018, 2019 et 2020 ont été goûtés par canton, à l’aveugle, à Planète Bordeaux, siège du syndicat des Bordeaux et Bordeaux Supérieur, par Karine Valentin en février 2021.

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D. R. Les abords de la Dordogne, particuliè­rement sa rive droite, donnent des vins de plus en plus gourmands.
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Marie et Sylvie Courselle ont baptisé leur vin Les Deux Soeurs.

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