La Revue du Vin de France

Le Rhône nord vu par Olivier Poussier Le climat change, faut-il récolter le raisin plus tôt ?

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Attention, je ne dis pas que Saint-Pierre-de-Boeuf, Chavanay, Malleval en Loire, Limony en Ardèche ne donnent pas de grands condrieux. Mais ces secteurs ont été ajoutés à l’appellatio­n, le granite y est différent, avec des muscovites. Du coup, dans des millésimes plus chauds, les vins sortent un peu moins bien.

Sur les dix dernières années, dans cette partie sud, c’est flagrant : les vins sont grands dans les millésimes clés en blanc, 2014, 2016 et 2019, moins dans les années solaires. Georges Vernay, le père de Christine, que j’ai eu la chance de côtoyer, m’avait expliqué les différence­s qu’il établissai­t entre la partie sud et la partie nord de l’appellatio­n. Il avait raison. Les coteaux de Chéry, Vernon et Côte Chatillon sont plus réguliers. Mais on trouve aussi des réussites au sud : le terroir de Verlieu, le Clos Chanson de “Dédé” Perret ou Chanson de Stéphane Montez en témoignent.

Les meilleurs condrieux vieillisse­nt-ils ?

Bien sûr. J’ai ouvert il y a peu DePoncins 2004 de François Villard, l’année de naissance de l’un de mes fils. C’était très bon. J’ouvre en ce moment des 2014 magnifique­s. Christine Vernay m’a fait goûter de somptueux condrieux de plus de 20 ans. Christine apporte une vraie touche de finesse au condrieu, il faut saluer son travail. Elle a acquis une remarquabl­e maîtrise des terroirs de Vernon et des Chaillées de l’Enfer. Chaillées est un terroir très solaire, toujours plus emporté. Eh bien, Christine parvient aujourd’hui à dompter cette énergie.

Si l’on veut s’amuser, on peut aussi parler de Jean-Paul Jamet comme d’un jeune vigneron de Condrieu. Il a démarré ici il y a quatre ans seulement. Avec son fils Loïc, il assemble Côte Chatillon et Vernon dans sa cuvée Vernillon. Quelle race, quel vin ! Mais observez bien : Jean-Paul Jamet ne s’est pas installé n’importe où. Il suit aussi un protocole oenologiqu­e particulie­r, les vinificati­ons en amphores renforcent la cristallin­ité de ses vins.

Et Château-Grillet ?

Voilà une mono-appellatio­n ou monopole, sur le village de Vérin. J’ai accordé trois étoiles au château dans notre Guide des meilleurs vins de France, il y a trois ans. J’ai connu l’époque de monsieur Neyret-Gachet, puis celle de sa fille Isabelle Baratin-Canet. Et aujourd’hui, depuis le rachat par François Pinault, je vois l’évolution du travail des sols, la précision, la parcellisa­tion : la partie basse de la propriété a été repliée en appellatio­n Côtes du Rhône, elle donne un blanc 100 % viognier absolument remarquabl­e, avec une dimension terroir aboutie.

Il faut saluer le travail effectué par Alessandro Noli, puis celui de Jaeok Chu Cramette qui pilote désormais le domaine. Je viens de goûter le 2018, bien plus solaire que 2016. Eh bien, ce grand terroir dompte le côté chaud de l’année de façon naturelle, sans interventi­on. L’attaque et le milieu de bouche du vin sont un peu plus sphériques bien sûr, mais les granites à biotite apportent de précieux amers qui s’opposent à la richesse du millésime. C’est magnifique !

Certains cépages peuvent être récoltés plus tôt pour éviter de tomber dans le degré et la richesse. Pas le viognier. Il ne pardonne pas et doit être récolté mûr. Un viognier récolté trop tôt sera variétal. Même sur un grand terroir de Condrieu, il donnera un vin du calibre des IGP des Collines rhodanienn­es.

Peux-tu nous parler de Saint-Joseph ?

C’est une appellatio­n très dynamique, dont les Français apprécient le rapport qualité/prix. Le territoire est très longiligne, 60 km sur une bande de terrain étirée du nord au sud, bourrée de coteaux, granitique à 95 % avec une touche calcaire dans la partie sud, à Châteaubou­rg et derrière Cornas, du côté de Guilherand-Granges, toujours en Ardèche. Donc très peu de sols alcalins. Le coeur historique de Saint-Joseph se situe autour des communes de Lemps, Mauves, Tournon, Vion, Saint-Jean-de-Muzols, à une vingtaine de kilomètres de Valence. L’AOP a été agrandie en 1969, revisitée en 1994. À juste titre : la partie centrale, Sécheras, Sarras, Serrières et Andance, offrent de beaux terroirs, longtemps exploités par les coopérativ­es, qui livrent des syrahs sur granites très fraîches. De bons négociants s’approvisio­nnent ici depuis des lustres, cherchant le cristallin issu du granite, les syrahs mûres et fraîches et les marsannes intéressan­tes.

À la dégustatio­n, on ressent des différence­s entre les saint-joseph de la partie du nord, du côté de Malleval, Chavanay et Limony, les vins de la partie centrale qui est intéressan­te et ceux du sud qui, du fait du réchauffem­ent, livre des syrahs un peu plus solaires, plus méridional­es. Ainsi, Saint-Joseph nous permet de bien décrypter la palette aromatique de la syrah. Le côté violette et poivre de Sichuan dans la partie nord peut s’estomper dans la partie sud, sauf dans les millésimes plus frais. Là, dans les années solaires, le vin part plutôt sur la tapenade, les olives noires, la garrigue, le maquis.

Quelle différence entre les syrahs de Saint-Joseph et de Côte Rôtie ?

On a hissé Côte Rôtie au rang de reine des appellatio­ns, mais Saint-Joseph est capable de produire à la fois des vins de printemps, de soif, de plaisir immédiat et des rouges de grande garde. Ici, des syrahs vieillisse­nt aussi bien que celles de Côte Rôtie. Je pense notamment aux cuvées Reflet de François Villard, à la cuvée Les Serines d’Yves Cuilleron, aux saint-joseph de Saint-Jean-de-Muzols du domaine Gonon. Il y a aussi Jean-Louis Chave qui, à ●● ●

« Planté sur un grand terroir, le viognier est extra »

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Lancement, du domaine Garon : une côte-rôtie veloutée.

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