Vie de château
Une affaire de famille. C’est Francis Vernay qui plante les premières vignes dans le coteau de Vernon en 1937, une pente raide qui domine la belle maison du
XIXe siècle bâtie par René Darde, architecte et artiste lyonnais. À cette époque, le vignoble est en déshérence, on y compte bien plus d’arbres fruitiers que de pieds de vigne et le condrieu n’est qu’un petit vin de comptoir servi dans les bouchons lyonnais. Son fils Georges va tout changer, il sera à l’origine de la résurrection de cette appellation, en sera son modèle et propulsera son statut dans le club très fermé des grands vins blancs. Il agrandira son vignoble et incitera toute une génération à entreprendre la reconquête des coteaux.
LE RESPECT DE L’HÉRITAGE
Christine, sa fille, fait carrière dans l’enseignement, mais elle n’hésite pas à abandonner ses élèves pour revenir au domaine pour une succession qui se passe dans la sérénité ; son père lui laisse volontiers les rênes, les équipes sont efficaces et son mari, Paul Ansellem, l’épaule pour le côté commercial. Une aventure dans laquelle elle se lance à corps perdu ; elle va apprendre sur le tas, se mettre à l’écoute de ses vignes, approfondir la connaissance de ses terroirs et n’hésite pas à franchir très tôt le pas du bio alors que l’on pense cela impossible dans de si fortes pentes. Le travail d’entretien des murets, les “chaillées”, est colossal, mais il fait partie du respect de l’héritage et de la transmission pour les générations futures. Un héritage donc, mais elle ne changera le nom du domaine qu’à la mort de son père, bel exemple de respect filial. Si Georges avait créé Les Chaillées de l’Enfer, Christine initie Les Terrasses de l’Empire pour élargir la gamme des condrieux. Mais le tournant est la relance des vins rouges en Côte Rôtie, avec les cuvées Blonde du Seigneur et surtout Maison Rouge, dont le premier millésime sort en 1997. Après deux générations masculines, une ère féminine s’ouvre avec l’arrivée de sa fille Emma au domaine, l’histoire nous dira si le style en sortira plus genré.
UNE VITICULTURE DE L’EXTRÊME
La Maison Rouge est un ancien relais du XVIIe siècle où les cardinaux locaux venaient prendre repos, le rouge du vin y a remplacé la pourpre cardinale. Un coteau en terrasses exposé sud/sud-est sur un sol de granites à migmatites ; les ceps y sont conduits en cordon sur le bas, en échalas traditionnels plus haut, avec trois bras à deux yeux, plantés avec une haute densité, 10 000 pieds par hectare. Une partie avec des sols plus lourds, séparée par un ruisseau, entre dans la cuvée Blonde du Seigneur. Il faut passer de terrasse en terrasse pour se rendre compte de la pente et de l’exploit que représente cette viticulture de l’extrême, un défi aux normes de la viticulture d’aujourd’hui ! Les sols y paraissent secs, mais les anfractuosités permettent aux racines de chercher leur alimentation en eau et de nombreuses sources jaillissent à flanc de coteau. Bien entendu, la syrah y règne en maître, mais elle est épaulée par 5 % de viognier.
Le vignoble est conduit en bio depuis quinze ans, désormais certifié, on n’est pas loin ici de se laisser séduire par les sirènes de la biodynamie. Les replantations sont effectuées avec une sélection massale sur porte-greffe 3309, avec un greffage en place. Les sols sont enherbés, un choix parfaitement assumé pour préserver la vie microbienne. Pas facile d’exposer au regard des anciens un vignoble enherbé au milieu de terrasses soigneusement désherbées lorsque l’on sait que la résurrection de l’appellation est due en partie à l’emploi des désherbants chimiques, seule alternative à l’époque pour un retour à la viticulture, tant le travail traditionnel était devenu surhumain dans ces escarpements. Pour nombre de vigne