La Revue du Vin de France

Après la pandémie

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Contre toute attente, la pandémie qui a contracté nos économies n’a pas eu d’effets si négatifs sur le marché du vin. Elle a plutôt rebattu ses cartes. Ce n’est pas seulement parce que, confinemen­ts aidant, on a davantage bu à la maison, chacun puisant dans sa cave qu’il a bien fallu reconstitu­er. Les producteur­s les plus structurés, les maisons les mieux organisées ont profité du Covid-19 pour développer de nouvelles façons de vendre, encore timides jusque-là.

En 2021, la Champagne et la Bourgogne vont ainsi signer une année historique. Après avoir beaucoup investi chez les cavistes et dans la vente en ligne au lendemain de la fermeture des restaurant­s, beaucoup de maisons craignaien­t un tassement sur ces segments le jour des réouvertur­es. Raté ! « Les cavistes et la vente en ligne restent à un très haut niveau alors que les restaurant­s sont repartis », se réjouit Hadrien Mouflard, directeur général des champagnes Ayala.

Aux États-Unis, c’est carrément dingue : fans de restaurant­s, les Américains ont appris à mieux boire chez eux pendant la pandémie. Et ils y ont pris goût : ils continuent aujourd’hui à remplir leur cave, bien plus qu’avant ! « La vente en ligne de vins premium et haut de gamme explose là-bas, rien n’est retombé depuis la réouvertur­e des restaurant­s », s’émerveille le patron de la maison Ayala.

C’est la Bourgogne qui illustre le mieux ce paradoxe. « À l’exception du duty free aujourd’hui complèteme­nt atone, les affaires n’ont jamais aussi bien marché, toutes catégories de vins et tous marchés confondus. Même en vins génériques, nous n’avons plus rien en stock », confiait, début octobre, Bruno Pépin, patron de l’export au sein de la maison beaunoise Louis Latour.

Cette difficulté des producteur­s à répondre à la demande va s’intensifie­r. Touchée par le gel, la grêle, les maladies, la Bourgogne ne produira en 2021 qu’entre 700 et 900 000 hectolitre­s de vin, contre 1,5 million habituelle­ment. Les prix vont exploser, la demande mondiale les rend déjà incandesce­nts. Les grands, les signatures célèbres en profiteron­t, car cette hausse des prix profite d’abord aux maisons les mieux assises et aux vignerons stars. Mais gare aux lendemains : depuis la flambée des crus classés à Bordeaux, on sait que l’envolée des tarifs a des effets pervers. Les vignerons plus modestes, les clients aussi, encaissent alors tensions et frustratio­ns.

Pour ceux qui vivaient encore dans l’illusion de pouvoir se passer d’Internet, c’est en tout cas l’heure du dernier réveil. Tous les acteurs de la vente en ligne ont indiqué d’énormes progressio­ns de leur secteur. C’est une révolution de la consommati­on : les clients choisissen­t, commandent et attendent le vin sans bouger de chez eux. Autant dire que, sans site internet digne de ce nom, une part de plus en plus importante de la clientèle vous échappe définitive­ment.

La vigne, comme les hommes, change sous l’influence des maladies, des guerres, de l’expansion d’une invention. Nous y sommes. La pandémie a accéléré des mutations déjà en germe. Innovation­s, expérience­s, ruptures de styles, goûts différents : ce numéro est là pour vous aider à explorer ce nouveau monde. Bonnes dégustatio­ns !

« Pour ceux qui pensaient pouvoir se passer d’Internet, c’est l’heure du dernier réveil »

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