Les actus du vin
Durcissement du pouvoir chinois, disgrâce de Jack Ma et de l’actrice Zhao Wei qui avaient investi dans des châteaux : les Bordelais s’interrogent sur l’avenir des investisseurs chinois en Gironde.
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« Madame Zhao Wei ne viendra pas cette année assister aux vendanges », nous précise la réceptionniste du château Monlot qui refuse d’en dire plus lorsqu’on l’interroge sur la propriétaire. Impossible d’avoir des nouvelles de la plus célèbre des actrices chinoises, pourtant très impliquée dans la promotion de ce Saint-Émilion Grand cru qu’elle a acquis en 2011 et qu’elle adore.
Une absence tout à fait inhabituelle : ces dernières années, Zhao Wei, intronisée dès 2012 parmi les jurats de SaintÉmilion, s’est beaucoup dépensée pour mettre en avant son château et le vin de Bordeaux en Chine, sur les réseaux sociaux et dans la presse. Les photos de
l’actrice habillée de la traditionnelle cape de la Jurade ont fait le tour des médias chinois. Mais à présent, la réussite presque insolente de Zhao Wei, mariée à un richissime homme d’affaires, idole de la jeunesse chinoise depuis vingt ans, n’est plus du goût du pouvoir.
JACK MA FAIT DE LA PEINTURE
Depuis quelque temps, le régime communiste livre une véritable guerre à l’industrie du divertissement qui propagerait le culte de l’argent roi et corromprait la jeunesse chinoise. Sous la férule de
Xi Jinping, le pouvoir en place poursuit son combat contre « une culture de la célébrité », selon le South China Morning Post. Si bien, qu’en août dernier, l’ambassadrice des vins de Saint-Émilion est tombée en disgrâce. Elle a été effacée des réseaux sociaux. Ses films à succès ont été supprimés des plateformes de streaming chinoises. En quelques jours, la célèbre actrice a été réduite au silence.
Son ami Jack Ma, l’homme le plus riche de Chine, fondateur du site de vente en ligne Alibaba et propriétaire depuis 2016 du château de Sours, dans l’Entre-deuxMers, a subi le même sort. Il a même disparu de la circulation entre octobre 2020 et janvier 2021, après avoir critiqué les autorités financières et les banques publiques de son pays lors d’un forum économique à Shanghai.
« Nous ne pouvons absolument rien dire sur Jack Ma ou sur les activités du château », nous répond-on au château de Sours malgré nos demandes d’interview. Alors que le domaine devrait construire un ●● ●
●● ● immense chai et développer des activités hôtelières, c’est silence radio du côté de Saint-Quentin-de-Baron. Visiblement, le fondateur d’Alibaba n’a pas remis les pieds en Gironde depuis son allocution remarquée lors de la Fête de la fleur 2019, au château LynchMoussas. Depuis, même en Chine, il se fait très discret. Seule une déclaration du vice-président d’Alibaba, Joseph Tsai, à la chaîne américaine CNBC, en juin dernier, a permis de savoir que Jack Ma « fait profil bas », mais « il va très bien, il fait de la peinture et profite de la vie ».
MOITIÉ MOINS DE VIN
En Gironde, ces deux personnalités étaient devenues les figures de proue de ces investisseurs chinois venus s’installer dans le vignoble girondin et valorisant l’image des vins de Bordeaux en Chine. Leur silence soudain laisse un goût amer qui vient s’ajouter à la baisse continue des ventes de vins en Chine. Les expéditions ont été divisées par près de deux depuis 2017. Et il semble que le vignoble n’attire plus les investisseurs chinois comme au début des années 2010. « Avec le Covid-19 tout s’est arrêté. Depuis le début de cette année, j’ai bien eu quelques contacts, mais je n’ai signé aucune transaction », observe l’agent immobilier Thierry Rustmann, spécialiste des transactions de domaines viticoles.
SALAIRES PAS PAYÉS
Pas de doute, Bordeaux attire moins. Dans le Fronsadais, où près de 20 % du vignoble est sous pavillon chinois, l’emblématique château La Rivière (65 hectares) serait en vente. Certains propriétaires ont même purement et simplement abandonné leur vignoble sans payer les salariés, comme au château de Pic, en appellation Cadillac.
Il serait toutefois prématuré d’enterrer trop vite l’intérêt de la Chine pour le vin bordelais. À Fronsac, le château Richelieu, propriété de la famille An depuis 2009, vient de s’équiper d’un chai ultra-moderne. Et pas très loin, sur le plateau, au château Plain-Point dont Zhao Wei est aussi copropriétaire, les premiers coups de pelle pour la construction d’un vaste chai ont été donnés ces dernières semaines. Pas sûr que la star l’inaugure.