Jean-Louis Escudier : fêté en Chine mais ignoré en France
Longtemps chercheur à l’Inrae et expert à l’OIV, cet oenologue est devenu célèbre en Chine avec son livre De l’oenologie à la viticulture.
À69 ans, il a calculé en scientifique qu’il lui restait cinq ans pour continuer à travailler l’esprit affûté, connecté aux derniers progrès de la recherche. Alors il travaille et il écrit chez lui, sur le massif de La Clape, à Armissan, entre Narbonne et la mer.
Peu connu en France, Jean-Louis Escudier est l’un des papes de l’oenologie mondiale. Et sans DNO, s’il vous plaît. Chercheur à l’Inrae, expert à l’OIV, il a dirigé douze ans l’unité expérimentale de Pech Rouge de Gruissan, l’un des spots mondiaux de la recherche finalisée en viticulture-oenologie.
Les Chinois sont allés plus vite. Dans la Napa Valley chinoise, à Yantai, Escudier est reçu tel un prix Nobel. La première édition de son livre, cosigné avec l’écophysiologiste Alain Carbonneau, a reçu là-bas un 1er prix retentissant.
Justement, les deux compères publient en mars une édition mise à jour de leur opus (*). L’ouvrage, bientôt traduit en chinois, fait le point sur les dernières innovations en viticulture et en oenologie. L’enquête, riche et un brin politique, se lit comme un roman. Ils évoquent ainsi ces nouvelles membranes qui, en supprimant les excès de potassium et d’acide tartrique dans le vin, évitent les dépôts dans la bouteille. Un atout majeur à l’exportation. Plébiscitée dans le Nouveau Monde, cette innovation peu énergivore et sans intrant est pourtant dénoncée par les “bio” en France, qui voient là une approche “industrielle” de l’oenologie.
Escudier et son complice parlent aussi du marselan, cette fierté nationale. Créé en 1961 à l’Inra par le Français Paul Truel, ce cépage issu du croisement du cabernet-sauvignon et du grenache noir résiste mieux que les autres à la sécheresse et aux maladies fongiques. Son développement est régulier en Languedoc, Vallée du Rhône, Espagne, Californie, Amérique du Sud et Chine.
L’enjeu, désormais, c’est la sortie imminente d’un marselan résistant, mis au point en France après vingt ans de croisements par hybridation (et non par OGM) entre marselan et “muscadinia rotondifolia”, une vigne sauvage de Floride naturellement résistante au mildiou et à l’oïdium. Ce nouveau marselan, constitué à 96,7 % de gènes vitis vinifera, est d’ores et déjà considéré comme la Rolls des cépages résistants dans le monde.
Les États-Unis, Israël et la Chine le réclament. Il est en phase finale d’expérimentation (VATE) sur deux sites en France, à la chambre d’Agriculture de l’Aude et à l’Inra de Pech Rouge. Espérons qu’il soit bien surveillé : si quelqu’un dérobait des bois (des sarments avec des yeux), il pourrait le surgreffer et dérober le secret de vingt ans de recherches françaises…