La Revue du Vin de France

Les cocktails, leurs règles et leurs accords

- Par Baptiste Bochet

Fondateur de Colada Cocktails, société spécialisé­e dans les prestation­s autour du cocktail et de la découverte des saveurs, Baptiste Bochet est un expert en spiritueux et en cocktails. La RVF publie les bonnes feuilles de son livre à paraître en novembre 2022. Il vous présente ici quelques règles à appliquer pour réussir vos cocktails, et six célèbres recettes, accompagné­es de propositio­ns d’accords fort étonnants.

DÉJOUEZ LES BIAIS COGNITIFS DE LA DÉGUSTATIO­N

Vous êtes dans un lieu très sympa ou peu chaleureux, il fait froid ou chaud dehors ou dedans… Dans tous les cas, vous placez beaucoup d’espoirs et d’attentes dans ce cocktail à 5, 7, 10 ou 14 € que vous venez de commander. Il contient de l’alcool – ce qui en soit est une raison suffisante pour bon nombre de consommate­urs –, vous l’avez payé et vous n’avez jamais renvoyé un cocktail, peu importe son goût. Trois raisons pour lesquelles vous allez boire cette boisson, peu importe qu’elle vous ravisse ou non. Ce biais a un nom : “le biais des coûts irrécupéra­bles”. Afin de pouvoir vous laisser une chance d’apprécier et même de réaliser de bons cocktails, il faut que vous déjouiez ce biais. Mais plus encore, il faut que vous vous persuadiez qu’il est quasiment toujours possible de corriger et d’améliorer un cocktail qui ne vous plaît pas. La bonne nouvelle, c’est que c’est souvent bien plus simple qu’on ne le croit.

NE VOUS LAISSEZ PLUS AVOIR PAR VOS HABITUDES DE CONSOMMATI­ON

“Ai-je vraiment envie de boire cette boisson ?” est donc la question que vous devez vous poser. Et ce, à chaque première gorgée d’une bière, d’un vin, d’un cocktail, etc. Cette question pourrait être le mantra de l’associatio­n des alcoolique­s anonymes… Son sens exact ? Celui que vous décidez de lui donner ! Car on peut troquer son exigence et ses attentes contre l’envie de boire “quelque chose de frais” ou encore contre la promesse de l’ivresse. Ici cette question doit être associée à une réponse concernant le goût de votre boisson et le plaisir relatif à ce goût que vous prendrez. Une chose est sûre, votre capacité à boire des choses médiocres est votre principal frein à votre aptitude à créer de succulents cocktails. Derrière cette phrase, presque issue d’un discours de développem­ent personnel, se cache une profonde nécessité de faire abstractio­n du fait que, oui, vous avez déjà bu dans votre vie des “trucs” pires que ce que vous vous apprêtez à boire. Si vous n’avez aucun souvenir, c’est certaineme­nt pour une bonne raison, vous me suivez ? Sinon, essayez de vous souvenir de cet alcool contenant un scorpion…

Un cocktail n’est pas un exercice de musculatio­n ; ce n’est pas l’occasion de s’infliger une souffrance. Personne n’ira remettre en cause votre virilité ou votre capacité à le faire. Vous êtes convaincu ? Bien... Maintenant, concentrez-vous sur ce que vous buvez. Fermez les yeux, prenez une première gorgée. Avezvous réellement envie de boire ce cocktail ?

Si votre instinct vous dit le contraire mais que vous cherchez à l’étouffer, cela veut simplement dire que quelque chose ne va pas avec ce cocktail. Rien de grave, à nouveau, améliorer un cocktail tient souvent à peu de choses.

FAITES TABLE RASE DE CE QUE VOUS PENSIEZ DU COCKTAIL

“Un cocktail, c’est toujours trop sucré.” Vous verrez plus tard que ce problème, assez fréquent, est lié à un défaut d’équilibre et qu’il est très simple à corriger.

“Moi j’aime bien aspirer et croquer les grains de sucre au fond du verre.” C’est une erreur : un cocktail se doit d’être homogène, de la première à la dernière gorgée. L’exception qui confirme la règle est le float qui consiste à ajouter 1 ou 2 cl au sommet du verre pour des raisons parfois esthétique­s mais souvent organolept­iques. De même, les cocktails à étage sont à proscrire du fait de la séparation des saveurs et de la non-maîtrise associée à leur homogénéis­ation progressiv­e au fil de la consommati­on…Autrement dit, vous allez vous retrouver devant un cocktail dont les différente­s saveurs ne sont pas harmonisée­s.

Un cocktail, tout comme un plat, donne des directions aromatique­s et de saveurs. Mais contrairem­ent à un plat, qui cuit, infuse, mijote, gardez en tête que vous obtiendrez votre résultat d’assemblage instantané­ment. Ce qui vous octroie la possibilit­é d’effectuer un grand nombre d’essais en peu de temps. Pratique !

Vous pouvez même préparer un grand nombre d’ingrédient­s à l’avance et réaliser de grands volumes de cocktail lorsque vous recevez du monde, histoire de ne pas vous retrouver coincé dans la cuisine pendant toute la soirée à discuter avec le frigo tandis que vos invités se régalent dans le salon.

UTILISEZ PEU D’INGRÉDIENT­S

Le cocktail est l’un des rares domaines où il vous suffit d’aller chercher les ingrédient­s prêts à l’emploi (ou presque) dans votre épicerie la plus proche et vous pouvez tout de suite jouer du shaker !

Le cocktail est régi par les mêmes lois que la cuisine : c’est de la cuisine liquide. La différence est que dans le cocktail, vous pourrez réaliser un maximum de recettes historique­s avec très peu de préparatio­n en amont. Globalemen­t, il s’agit d’additionne­r des liquides dans une timbale en acier ou dans un verre.

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