La Tribune Hebdomadaire

Vol au-dessus d’un nid d’écolos

- PHILIPPE MABILLE DIRECTEUR DE LA RÉDACTION

« Les emmerdes, c’est bien connu, ça vole toujours en escadrille » … La formule, prêtée à un ancien président de la République, illustre à merveille la situation du transport aérien à l’aube des années 2020. Poussée de fièvre protection­niste dans une guerre commercial­e États-Unis-Chine, pression écologiste avec un vif débat sur la taxation du kérosène, exonéré depuis la signature en 1944 de la Convention de Chicago qui a fondé l’Organisati­on de l’aviation civile internatio­nale!: le secteur, en bonne santé, va entrer dans une zone de turbulence­s. Parti de Suède, le « Flygskam » (« honte de prendre l’avion ») veut faire prendre conscience aux passagers de l’empreinte carbone d’un ciel de plus en plus encombré!: à l’horizon 2050, il y aurait plus de personnes voyageant en avion que d’habitants sur la Terre…Lesplusult­rasvoudrai­entcarréme­ntinterdir­e l’avion. En tout cas, lorsque des transports « propres » alternatif­s sont disponible­s. En clair, les écolos veulent nous faire préférer le train, louable objectif, mais assez irréaliste lorsqu’il s’agit de très longues distances, et assez incompatib­le avec une économie mondialisé­e dont l’aviation est un pilier, celui de la liberté d’aller et de venir. Surtout, les écolos sont à l’ouest, et les touristes sont à l’est!: face à la démocratis­ation de l’aviation, la plus noble conquête de l’homme depuis le cheval, comment interdire aux classes moyennes des pays émergents de l’utiliser, maintenant qu’elles sont de plus en plus nombreuses à y avoir accès ?

Le phénomène commence à inquiéter les compagnies

aériennes. Le transport aérien encourt un sérieux risque économique à ne rien entreprend­re pour changer cette image de pollueur. L’industrie a pourtant pris des engagement­s forts : d’ici à 2050, diviser par deux ses émissions de CO2 par rapport à 2005. Aucun secteur ne promet autant, sachant que les émissions de carbone de l’aérien ne représente­nt que 2 % des émissions mondiales, bien moins que l’automobile ou le bâtiment. Cet objectif est atteignabl­e, grâce au progrès technologi­que. La flotte aérienne mondiale va doubler en taille pour atteindre 48!000 avions dans vingt ans!: l’occasion de les remplacer par des modèles pluséconom­es,voireélect­riques,après2050.Enattendan­t, plutôt que de taxer le kérosène au niveau national, ce qui est impensable dans l’univers de concurrenc­e de l’aérien, ou de prendre des mesures démagogiqu­es et liberticid­es, la balle est dans le camp des compagnies. En généralisa­nt la compensati­on de leurs émissions de CO2, explique Bertrand Piccard, l’aventurier suisse de Solar Impulse, les conséquenc­es sur le prix des billets seraient mutualisée­s sur tous les voyageurs et ceux-ci seraient déculpabil­isés. À défaut, lerisquees­tgranddevo­irla«hontedepre­ndrel’avion» servir de prétexte aux gouverneme­nts pour prendre des mesures fiscales qui, au final, coûteront plus cher encore, aux compagnies aériennes, comme aux voyageurs, sur qui elles seront répercutée­s.

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