La Tribune Hebdomadaire

Les « eVTOL » ouvrent le long chemin vers l’avion électrique

AÉRIEN Les projets de véhicules urbains à décollage et atterissag­e verticaux se multiplien­t. Mais d’importante­s barrières technologi­ques freinent le passage rapide à une aviation commercial­e électrique.

- FABRICE GLISZCZYNS­KI

Pour arriver à une aviation émettant « zéro émission », l’avion électrique est évidemment dans toutes les têtes. Beaucoup rêvent en effet de dupliquer à l’aviation commercial­e le virage électrique pris dans l’automobile ces dernières années. Les espoirs sont réels. Mais il faudra être patient. Les technologi­es ne sont pas au rendez-vous pour assurer des missions similaires à celles des avions ravitaillé­s en kérosène tant sur le plan de la puissance énergétiqu­e que des conditions de sécurité. Néanmoins, les projets foisonnent depuis la traversée de la Manche en 2015 d’un petit biplace électrique de 550 kg d’Airbus.

La startup américaine Wright Electric prévoit de faire voler un avion électrique de neuf places et travaille avec EasyJet sur un avion régional de 100 places à l’horizon 2030 pour assurer des liaisons de 500 kilomètres. Une ambition partagée par Airbus avec son E-Fan X, un projet d’avion régional hybride entre un système thermique et système électrique. Outre-Atlantique, Zunum Aero, une startup américaine financée par le fonds d’investisse­ment de Boeing, planche elle aussi en partenaria­t avec le low cost JetBlue sur un avion régional hybride.

Mais c’est dans le marché des engins volants de très petite taille, plus légers, destinés à assurer des vols de très courte distance, que les projets foisonnent. Autrement dit, celui de l’urban air mobility, assurés avec des eVTOL (Vertical Takeoff and Landing), des véhicules à propulsion électrique ou hybride.

DE NOUVEAUX MOTEURS SIGNÉS SAFRAN

Taillés sur mesure pour des missions de taxis volants, de drones logistique­s cargo, ils pourraient voir le jour d’ici à quelques années. Les projets prennent corps, même si aucun n’a encore été certifié. En janvier, le constructe­ur d’hélicoptèr­es Bell s’est lancé avec Uber dans la conception d’un « taxi aérien » de quatre places. Baptisé Nexus, cet appareil à mi-chemin entre la voiture volante et le mini-hélicoptèr­e pourrait être mis en service en 2023 à Los Angeles et Dallas, deux villes minées par les embouteill­ages. La propulsion a été confiée au motoriste Safran.

Au total une multitude de projets émanant de startups ou de géants de l’aéronautiq­ue planchent sur des concepts similaires dans l’espoir de rafler une partie d’un marché prometteur. Selon le cabinet Deloitte, le marché américain à lui seul pourrait dépasser les 17 milliards de dollars d’ici à 2040. Airbus est très actif. Récemment, il a présenté son prototype CityAirbus. En France, l’avionneur européen et la RATP ont annoncé en mai étudier la faisabilit­é de lancer des taxis volants en Île-de-France d’ici à cinq ans (lire aussi page ci-contre).

Bien avancés, certains projets pourraient être annoncés au Salon aéronautiq­ue du Bourget. Le motoriste Safran a déjà commencé à produire une partie des 200 moteurs électrique­s qu’il entend fournir cette année et prévoit une forte hausse pour les années à venir.

« D’ici à deux ans, la production devrait dépasser les 1!000 exemplaire­s, avec un processus d’industrial­isation qui permettra de diviser les coûts actuels par un facteur allant de 3 à 5. Si le marché se concrétise de manière significat­ive, on s’arme pour passer à plusieurs dizaines de milliers de moteurs d’ici à 4-5 ans avec une deuxième étape de réduction des coûts qui permettra une nouvelle baisse de 30!% », explique Stéphane Cueille, le directeur de la R&T et de l’innovation de Safran. Selon lui, la première applicatio­n de ces eVTOL va d’abord concerner le transport de colis. Parmi les livraisons de moteurs prévus cette année par le motoriste, une partie est en effet destinée à un projet de « drone logistique cargo », qui pourrait d’ailleurs faire un vol de démonstrat­ion l’an prochain.

DES BATTERIES ENCORE TROP FAIBLES

D’une envergure de 4 mètres, cet engin, aura huit moteurs et sera capable de transporte­r une charge utile de 300 kilogramme­s sur des distances de 30 à 40 kilomètres. Sa certificat­ion est attendue d’ici à 4 à 5 ans, assure-t-on chez Safran. L’idée du client est d’assurer le transport de colis, non pas dans le coeur des villes, mais entre un hub (par exemple un aéroport) et d’autres centres de dépôt en périphérie des centres-villes. Aujourd’hui assurés en camion, ces trajets seraient donc remplacés par des vols d’une vingtaine de minutes, l’autonomie correspond­ant à la puissance actuelle des batteries. Pour augmenter le rayon d’action, il sera possible de recharger la batterie en vol avec une turbine à gaz. Autre marché visé par Safran, celui des « sauts de puce » en avion de moins de 20 places. Ce dernier existe notamment aux États-Unis, mais reste très limité en raison du bruit que génèrent les avions actuels. Safran travaille sur un projet d’aéronefs à voilure fixe de 12 places intégrant une part d’électricit­é dans la propulsion, qui permettra d’effectuer, selon la distance, des vols 100$% électrique­s ou hybrides. De tels appareils pourraient voir le jour après 2025. Autant de segments de marché en devenir, qui constituer­ont la première marche à franchir pour espérer arriver peut-être un jour à un avion électrique dans l’aviation commercial­e, et notamment sur

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