Les « eVTOL » ouvrent le long chemin vers l’avion électrique
AÉRIEN Les projets de véhicules urbains à décollage et atterissage verticaux se multiplient. Mais d’importantes barrières technologiques freinent le passage rapide à une aviation commerciale électrique.
Pour arriver à une aviation émettant « zéro émission », l’avion électrique est évidemment dans toutes les têtes. Beaucoup rêvent en effet de dupliquer à l’aviation commerciale le virage électrique pris dans l’automobile ces dernières années. Les espoirs sont réels. Mais il faudra être patient. Les technologies ne sont pas au rendez-vous pour assurer des missions similaires à celles des avions ravitaillés en kérosène tant sur le plan de la puissance énergétique que des conditions de sécurité. Néanmoins, les projets foisonnent depuis la traversée de la Manche en 2015 d’un petit biplace électrique de 550 kg d’Airbus.
La startup américaine Wright Electric prévoit de faire voler un avion électrique de neuf places et travaille avec EasyJet sur un avion régional de 100 places à l’horizon 2030 pour assurer des liaisons de 500 kilomètres. Une ambition partagée par Airbus avec son E-Fan X, un projet d’avion régional hybride entre un système thermique et système électrique. Outre-Atlantique, Zunum Aero, une startup américaine financée par le fonds d’investissement de Boeing, planche elle aussi en partenariat avec le low cost JetBlue sur un avion régional hybride.
Mais c’est dans le marché des engins volants de très petite taille, plus légers, destinés à assurer des vols de très courte distance, que les projets foisonnent. Autrement dit, celui de l’urban air mobility, assurés avec des eVTOL (Vertical Takeoff and Landing), des véhicules à propulsion électrique ou hybride.
DE NOUVEAUX MOTEURS SIGNÉS SAFRAN
Taillés sur mesure pour des missions de taxis volants, de drones logistiques cargo, ils pourraient voir le jour d’ici à quelques années. Les projets prennent corps, même si aucun n’a encore été certifié. En janvier, le constructeur d’hélicoptères Bell s’est lancé avec Uber dans la conception d’un « taxi aérien » de quatre places. Baptisé Nexus, cet appareil à mi-chemin entre la voiture volante et le mini-hélicoptère pourrait être mis en service en 2023 à Los Angeles et Dallas, deux villes minées par les embouteillages. La propulsion a été confiée au motoriste Safran.
Au total une multitude de projets émanant de startups ou de géants de l’aéronautique planchent sur des concepts similaires dans l’espoir de rafler une partie d’un marché prometteur. Selon le cabinet Deloitte, le marché américain à lui seul pourrait dépasser les 17 milliards de dollars d’ici à 2040. Airbus est très actif. Récemment, il a présenté son prototype CityAirbus. En France, l’avionneur européen et la RATP ont annoncé en mai étudier la faisabilité de lancer des taxis volants en Île-de-France d’ici à cinq ans (lire aussi page ci-contre).
Bien avancés, certains projets pourraient être annoncés au Salon aéronautique du Bourget. Le motoriste Safran a déjà commencé à produire une partie des 200 moteurs électriques qu’il entend fournir cette année et prévoit une forte hausse pour les années à venir.
« D’ici à deux ans, la production devrait dépasser les 1!000 exemplaires, avec un processus d’industrialisation qui permettra de diviser les coûts actuels par un facteur allant de 3 à 5. Si le marché se concrétise de manière significative, on s’arme pour passer à plusieurs dizaines de milliers de moteurs d’ici à 4-5 ans avec une deuxième étape de réduction des coûts qui permettra une nouvelle baisse de 30!% », explique Stéphane Cueille, le directeur de la R&T et de l’innovation de Safran. Selon lui, la première application de ces eVTOL va d’abord concerner le transport de colis. Parmi les livraisons de moteurs prévus cette année par le motoriste, une partie est en effet destinée à un projet de « drone logistique cargo », qui pourrait d’ailleurs faire un vol de démonstration l’an prochain.
DES BATTERIES ENCORE TROP FAIBLES
D’une envergure de 4 mètres, cet engin, aura huit moteurs et sera capable de transporter une charge utile de 300 kilogrammes sur des distances de 30 à 40 kilomètres. Sa certification est attendue d’ici à 4 à 5 ans, assure-t-on chez Safran. L’idée du client est d’assurer le transport de colis, non pas dans le coeur des villes, mais entre un hub (par exemple un aéroport) et d’autres centres de dépôt en périphérie des centres-villes. Aujourd’hui assurés en camion, ces trajets seraient donc remplacés par des vols d’une vingtaine de minutes, l’autonomie correspondant à la puissance actuelle des batteries. Pour augmenter le rayon d’action, il sera possible de recharger la batterie en vol avec une turbine à gaz. Autre marché visé par Safran, celui des « sauts de puce » en avion de moins de 20 places. Ce dernier existe notamment aux États-Unis, mais reste très limité en raison du bruit que génèrent les avions actuels. Safran travaille sur un projet d’aéronefs à voilure fixe de 12 places intégrant une part d’électricité dans la propulsion, qui permettra d’effectuer, selon la distance, des vols 100$% électriques ou hybrides. De tels appareils pourraient voir le jour après 2025. Autant de segments de marché en devenir, qui constitueront la première marche à franchir pour espérer arriver peut-être un jour à un avion électrique dans l’aviation commerciale, et notamment sur