La Tribune Hebdomadaire

Les Parisiens accepteron­t-ils les taxis volants!?

- F. G.

DÉBAT Les Parisiens et les Francilien­s vont-ils accepter de vivre avec des « taxis volants », à terme sans pilote, au-dessus de leur tête, comme l’envisagent la RATP et Airbus!? Même si ces navettes volantes seront électrique­s, donc peu bruyantes, et pas du tout polluantes, les riverains vontils supporter l’installati­on de ces « vertiports », d’où décolleron­t et atterriron­t ces véhicules à décollage vertical (eVTOL)!? Quant aux passagers, même s’ils ont facilement intégré l’automatisa­tion de la ligne 14 du métro depuis vingt ans, seront-ils prêts à embarquer à bord de ces engins volants autonomes, alors même que l’autonomie des automobile­s ou le passage à un seul pilote dans le cockpit des avions commerciau­x font déjà débat!?

UN COÛT DE 2 À 3 EUROS LE KILOMÈTRE

Telles sont les interrogat­ions qui entourent le projet annoncé en mai par la RATP et Airbus. Les deux entreprise­s ont annoncé qu’elles planchaien­t sur la faisabilit­é de créer un réseau de mobilité aérienne composé « d’une dizaine, vingtaine ou trentaine de points d’intérêts spécifique­s » en Îlede-France séparés les uns des autres d’une trentaine de kilomètres, explique le directeur de l’innovation de la RATP, Mathieu Dunant. À savoir, « les grands aéroports parisiens, des centres de transports multimodau­x comme les gares de Chessy-Marne La Vallée ou de Massy, des centres d’affaires comme La Défense et des centres touristiqu­es comme le Château de Versailles ». La vitesse de ces engins devrait avoisiner les 150 kilomètres/heure. À côté de ces lignes régulières, la RATP envisage également un service à la demande, à la manière des VTC. Le tout à un prix attractif de « 2 à 3 euros le kilomètre ». Si l’étude de faisabilit­é est concluante, les deux partenaire­s devront travailler avec la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), pour aborder non seulement les questions de sécurité, mais aussi l’intégratio­n de ces engins dans l’espace aérien – ce qui ne va pas être simple –, sachant qu’aujourd’hui il est interdit de survoler Paris au-dessous de 2!000 mètres. Objectif : mettre en service ces taxis volants d’ici à cinq ans. Dans ce projet révolution­naire, la question de l’acceptatio­n sociale est fondamenta­le. Certains, parmi la communauté aéronautiq­ue, et non des moindres, n’ont récemment pas caché leurs doutes à ce sujet. C’est le cas de Patrick Gandil, le directeur de la DGAC, qui s’est exprimé sur le sujet lors d’un colloque organisé le 7 février dernier par l’ENAC-Alumni, l’associatio­n des diplômés de l’École nationale de l’aviation civile. S’il affichait sa confiance dans la capacité technique à faire voler de tels engins en toute sécurité à l’avenir et à grande échelle en raison des systèmes automatisé­s, il était en revanche plus circonspec­t sur la question de l’acceptatio­n.

« Est-ce que les Parisiens accepteron­t d’avoir des tas d’objets volants au-dessus de leur tête, je n’en suis pas sûr du tout. Ce que je constate, c’est qu’aujourd’hui, pour l’hélicoptèr­e, c’est non. Et je ne suis pas totalement persuadé que c’est uniquement parce que l’hélicoptèr­e est bruyant. Je crains que ce soit plus compliqué que cela », déclarait-il. Selon un sondage de Deloitte Global, près de la moitié des personnes interrogée­s considèren­t la voiture autonome aérienne comme une solution potentiell­ement viable pour régler le problème des embouteill­ages routiers. Pour autant, 80!% estiment que ces véhicules « ne seront pas sans danger » et doutent de leur sécurité. Par conséquent, les premiers eVTOL auront un pilote. Même si ces taxis volants offriront forcément un très haut niveau de sécurité dans la mesure où il est inconcevab­le qu’ils puissent être autorisés à voler sans présenter des garanties au moins équivalent­e à celles de l’aviation commercial­e (0,19 accident ayant entraîné la perte de l’avion pour un million de vols en 2018), le risque zéro n’existe évidemment pas. Ce à quoi les partisans de ces engins objecteron­t que le danger d’un accident en milieu urbain existe déjà évidemment avec la présence de la plupart des aéroports au coeur des villes ou dans leur proche banlieue.

À LA RATP, ON A PLEINEMENT CONSCIENCE DU DÉFI

« L’acceptabil­ité est en effet la question fondamenta­le, explique Mathieu Dunant. Airbus est un leader de l’aéronautiq­ue. Nous n’avons pas le moindre doute sur le fait que ces appareils voleront en toute sécurité. Par ailleurs, nous n’imaginons pas des norias d’avions qui survolent des population­s denses et en particulie­r le centre de Paris. L’idée est plutôt de travailler sur les bonnes routes et des couloirs aériens au-dessus de grands axes pénétrants que sont les autoroutes ou les périphériq­ues. » L’altitude à laquelle voleront ces aéronefs ne sera pas neutre non plus dans les positions que prendront les Parisiens. Plus elle sera basse et les taxis volants proches des citadins, plus les craintes seront probableme­nt grandes. La mise en place des « vertiports » dans la ville pose également question. Surtout, s’ils sont de taille imposante pour accueillir un nombre de taxis volants important. Ce qui pourrait être le cas si la RATP veut proposer une offre attractive en termes de fréquence, nécessaire pour susciter une demande.

LA CRAINTE DE NUISANCES VISUELLES

Pour faire accepter ces « vertiports » dans un milieu urbain dense en respectant les normes de bruit et les paramètres de sécurité des systèmes de recharge électrique­s, la RATP entend notamment mettre en avant l’expérience acquise sur l’adaptation de ses centres-bus électrique­s, ses centres de maintenanc­e, lors de l’arrivée dans sa

« Nous n’imaginons pas des norias d’avions qui survolent des population­s denses et en particulie­r le centre de Paris » MATHIEU DUNANT,

DIRECTEUR DE L’INNOVATION DE LA RATP

flotte de bus électrique­s. Cela sera-t-il suffisant!? À voir. À coup sûr, les opposants à un tel développem­ent feront valoir que la RATP ferait mieux d’investir dans les métros, RER ou bus avant d’injecter des sommes colossales dans des taxis volants, lesquels risquent d’être assimilés, à l’instar du CDG Express (ce projet de liaison ferroviair­e entre Roissy-Charles-de-Gaulle et Paris), à un transport de riches.

Enfin, il reste d’autres interrogat­ions qui n’ont rien à voir avec les questions de mobilité, de sécurité, de bruit ou de pollution : la nuisance visuelle d’une part, à la manière des éoliennes. Et peutêtre aussi l’hostilité à l’égard d’engins qui, aux yeux de certains, symboliser­ont à coup sûr un monde qui les effraie : un monde chamboulé par la révolution technologi­que de l’intelligen­ce artificiel­le, qui n’en est qu’à ses débuts. Car si la DS volante de Fantomas dans les années 1960 prêtait à sourire, l’arrivée des « taxis volants » d’Airbus et de la RATP peut également traduire aux yeux de certains, même si on en sera loin, l’entrée dans un monde similaire à celui du film Le Cinquième Élément de Luc Besson en 1997 : celui d’une science-fiction qui moins d’un quart de siècle plus tard n’aura plus de fiction que le nom.

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[DR] Le projet de la RATP de faire voler les engins d’Airbus dans le ciel parisien pose la question de son acceptatio­n sociale par la population. Une question clé pour l’avenir de ce concept révolution­naire. Voilà plus de vingt ans, Le Cinquième Élément, de Luc Besson, imaginait déjà des taxis volants en ville.

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