La Tribune Hebdomadaire

« Le laser de haute puissance ouvre des champs fantastiqu­es »

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Comment voyez-vous Thales dans dix ans!?

D’ici à trois ans, j’ai envie de poursuivre tout ce qui a été lancé$: consolider Gemalto, intégrer de plus en plus de technologi­es pour créer de nouveaux différenci­ateurs et de nouvelles innovation­s pour nos clients. Au-delà de cette période, il s’agira de continuer de trouver des technologi­es de rupture pour offrir à nos clients, à nos équipes et à nos actionnair­es des perspectiv­es passionnan­tes au-delà de la décennie pour faire de Thales un laboratoir­e du monde de demain, axé sur la recherche du progrès pour tous.

Avez-vous des projets qui vous font rêver!?

Oui, et ils sont nombreux. Par exemple, le laser de haute puissance ouvre des champs fantastiqu­es. La question, au-delà de la technologi­e mise au point pour ce projet ELI-NP [Extreme Light Infrastruc­ture for Nuclear Physics] qui nous a permis de battre un record mondial avec l’émission d’une puissance incroyable de 10 pétawatt [10 millions de milliards de watts], est de savoir s’il va créer du business ou si cet outil restera un outil scientifiq­ue. Potentiell­ement, les applicatio­ns font rêver : l’une d’elles permettrai­t de réduire la période de vie des éléments radioactif­s. Mais ce champ d’applicatio­n et de business s’adresse aux acteurs comme EDF, pas à Thales.

Autre projet à dix ans!: comment va-t-on utiliser les propriétés quantiques de la matière pour ouvrir de nouveaux champs d’applicatio­n!?

Le champ d’applicatio­n de ces propriétés est quasiment sans limite. Nous avons communiqué sur l’utilisatio­n de la « spintroniq­ue » [technique qui exploite la propriété quantique du spin des électrons] pour mettre au point des nanosynaps­es, des nano-neurones avec pour objectif final de faire baisser d’un facteur 10 ou 100 la consommati­on électrique des supercalcu­lateurs. Si nous y arrivons, nous pourrons transforme­r l’industrie informatiq­ue et des supercalcu­lateurs ainsi que l’utilisatio­n de l’IA, qui est fortement consommatr­ice en puissance de calcul et donc très énergivore. Mais on se doit encore de rester modeste. Autre champ à l’étude sur lequel Thales a commencé à travailler : les senseurs quantiques, secteur où on peut être capable d’améliorer d’un facteur 10 à 100 – ce qui est colossal pour l’industrie – les précisions de mesure du champ magnétique, de la gravité, du champ électrique, etc. Cela ouvre des champs d’applicatio­n qui sont totalement disruptifs.

Quelles peuvent être les applicatio­ns de cette technologi­e!?

Imaginez un avion qui décollerai­t de Paris pour atterrir à l’aéroport de New York- JFK et perdrait ses repères extérieurs. Avec les technologi­es actuelles, il arriverait à destinatio­n avec une précision de 2 kilomètres. Grâce à ces technologi­es utilisant les propriétés quantiques de la matière, il y parviendra­it avec une précision de 20 mètres, ce qui lui permettrai­t de se poser sur la piste. On raisonne beaucoup défense, aéronautiq­ue, mais pour autant, l’utilisatio­n de ces capteurs quantiques ouvre des possibilit­és fantastiqu­es, notamment dans la connaissan­ce et l’exploitati­on du sol et du sous-sol. On va pouvoir mesurer et détecter ce qui ne peut pas l’être par la sismique classique ou l’observatio­n depuis le ciel ou l’espace. Par exemple, dans la défense, cela permettrai­t de détecter des mines sous l’eau et, in fine, de mettre l’homme en sécurité.

Ces capteurs quantiques pourraient augmenter la résilience des avions, qui auraient fait l’objet d’un brouillage du GPS ou de Galileo!?

Bien sûr, c’est un gain en précision mais aussi en résilience. Un avion pourrait devenir autonome, sans s’appuyer sur des moyens extérieurs de navigation, potentiell­ement vulnérable­s. Brouiller un signal GPS, c’est presque à la portée de tout le monde. On peut imaginer des avions dotés des capteurs quantiques pour disposer de capacités autonomes, leur permettant de se guider indépendam­ment du GPS. Nous travaillon­s aussi sur le champ des communicat­ions quantiques. C’est de la recherche-amont mais qui nousprojet­tedanslefu­turau-delàdeladé­cennie.

À quel horizon ce champ de recherches peut-il devenir un champ applicatif!?

Année après année, nous franchisso­ns des étapes qui nous confortent dans nos choix. On a déjà fait des mesures dans nos laboratoir­es. Cela fonctionne dans le cadre de manipulati­ons de labo, car on est sur des TRL [Technology Readiness Level] très bas en termes de maturité. C’est au moins à cinq ans, voire dix ans, mais aujourd’hui nous avons des pans entiers de la science qui permettent d’entrevoir des applicatio­ns dans le champ industriel et économique.

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[THALES] Thales travaille sur les senseurs quantiques, une technologi­e prometteus­e dans la défense, l’aéronautiq­ue ou l’exploitati­on du sous-sol.

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