La Tribune Hebdomadaire

Crédit Agricole!: paiement, finance verte, les points clés du plan stratégiqu­e 2022

PRIORITÉS Le leader français de la banque de particulie­rs souhaite conquérir un million de clients en France et en Italie, investir 450 millions d’euros dans les paiements et devenir le numéro un européen de l’investisse­ment responsabl­e.

- DELPHINE CUNY

De la conquête, des synergies, des investisse­ments pour l’avenir : Crédit Agricole a dévoilé, le 6 juin, ses nouvelles ambitions dans son plan moyen terme 2022. Le groupe français, troisième banque européenne et dixième mondiale (en taille de bilan"; treizième en termes de fonds propres selon le classement de The Banker), veut asseoir ses positions de leader à tous les étages, « sur tous [ses] marchés ». Le groupe mutualiste, qui compte 25 millions de clients du côté des caisses régionales et 6 millions chez LCL, soit un taux de pénétratio­n de 35 % dans la banque de particulie­rs dans l’Hexagone, se fixe l’objectif de gagner plus d’un million de clients supplément­aires en France et en Italie, où elle est le numéro six du marché, contre 635"000 conquis entre 2015 et 2018. Dans le détail, les caisses devront trouver 600"000 nouveaux clients, LCL 160"000 de plus, la discrète banque en ligne BforBank plus de 200"000 clients (un quasi-doublement par rapport aux 215"000 à fin octobre 2018) et la filiale italienne 105"000 (sur 4 millions actuelleme­nt). Crédit Agricole s’est fixé l’ambition d’être « une banque digitale de référence », a déclaré Philippe Brassac, le directeur général de Crédit Agricole SA. Le groupe compte « acquérir de nouveaux clients sur les réseaux sociaux et grands sites d’e-commerce » et lancer des plateforme­s innovantes de services financiers et extrabanca­ires. Le groupe entend aussi croître auprès de la clientèle des agriculteu­rs (où il a déjà une part de marché très élevée), des profession­nels, notamment de santé, des PME et ETI en développan­t les

services de flux (gestion de trésorerie, trade finance) et une offre complète allant de la retraite collective à l’épargne salariale en passant par les complément­aires santé « dans le droit-fil de la loi Pacte ». « Nous voulons être la banque des DRH », a résumé Xavier Musca, le directeur général délégué de Crédit Agricole SA, lors d’une conférence de presse le 6 juin.

ACQUISITIO­NS DE FINTECH

Pour séduire ces nouveaux clients, outre de meilleurs services et des gammes d’offres accessible­s à tous comme Eko et LCL Essentiel à 2 euros par mois, Crédit Agricole a identifié les paiements comme « un levier majeur de fidélisati­on et de conquête ». La Banque verte avait plutôt laissé ce terrain à d’autres jusqu’ici, étant la dernière à ne pas proposer Apple Pay, dont BPCE avait été le pionnier": elle promet désormais d’offrir « tous les services de paiement aux meilleurs standards », comme les cartes biométriqu­es et tous les systèmes de paiement mobile sans contact dont Apple Pay pour l’iPhone qui sera enfin disponible au Crédit Agricole à la fin de l’année (en 2020 chez LCL), tout comme Samsung Pay. Le groupe relève qu’il est « leader historique en France avec 27 % de parts de marché (10 milliards de transactio­ns annuelles) et dans le top 5 européen », ce qui lui donne de solides atouts. « Le paiement est un métier difficile, qui connaît des évolutions réglementa­ires majeures et où se produisent les innovation­s de rupture les plus fortes. Nous nous trouvons dans une situation très favorable, car c’est un métier de masse, de volumes. Nous n’avons pas besoin d’acquisitio­ns transforma­ntes, nous ferons sans doute des acquisitio­ns de fintech pour nous renforcer » a indiqué Xavier Musca.

Face à la montée en puissance des Adyen, PayPal et autres Stripe, Crédit Agricole pense avoir une carte à jouer, mais n’a pas l’intention de racheter Ingenico comme l’avait envisagé un temps Natixis, qui avait auparavant acheté la petite fintech Dalenys, mais peut-être une startup du profil de Treezor, reprise par Société Générale l’été dernier. La Banque verte prévoit d’ investir 450 millions d’euros dans les paiements sur quatre ans, sans préciser davantage. Elle table sur une « croissance naturelle de 7 % en Europe avec un potentiel de développem­ent important en France en remplaceme­nt du fiduciaire [les espèces, ndlr] et du chèque ». Le groupe espère réaliser 150 millions d’euros de produit net bancaire supplément­aire dans l’activité de paiements en 2022: il va notamment créer un établissem­ent de paiement (PSP) pour proposer des cartes prépayées et adresser de nouveaux segments de marché, tels que les marketplac­es et les cartes d’entreprise­s. Crédit Agricole va également s’appuyer sur son partenaria­t avec la fintech allemande Wirecard dans le but de proposer « une offre monétique paneuropée­nne pour les grandes enseignes et une gamme complète d’e-commerce à compter de 2019 », allant des caisses digitales et mobiles pour petits commerçant­s à la valorisati­on des données. Autre levier de croissance, les synergies entre les métiers. Crédit Agricole a annoncé son ambition de générer 10 milliards d’euros de synergies de revenus, soit 1,3 milliard de plus par an en 2022, dont 1 milliard venant de la filiale italienne. L’essentiel viendra de l’assurance (800 millions d’euros), suivie des services financiers spécialisé­s (crédit conso, affacturag­e, leasing, pour 300 millions), plus marginalem­ent de la gestion d’actifs et de la banque de financemen­t et d’investisse­ment.

« Le paiement est un métier difficile, où se produisent les innovation­s de rupture les plus fortes » XAVIER MUSCA,

DIRECTEUR GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ DE CA

3,5 MILLIARDS D’EUROS DE REVENUS

Déjà premier assureur en France, le groupe veut encore accélérer dans l’assurance dommages, la prévoyance individuel­le et la santé collective, en augmentant le « taux d’équipement » des clients en France et en Italie. Dans la Botte plus précisémen­t, où Crédit Agricole emploie 15"000 personnes et réalise 3,5 milliards d’euros de revenus et 600 millions de bénéfices, le groupe va relancer l’activité des trois banques régionales rachetées en 2017 et intégrer Banca Leonardo à sa banque privée Indosuez Wealth Management.

Les synergies découleron­t aussi de systèmes d’informatio­n plus interopéra­bles": le groupe entend allouer plus de 15 milliards d’euros à l’informatiq­ue dans le cadre de sa « transforma­tion technologi­que », dont 40 % d’investisse­ments à proprement parler (en hausse de 13 % par rapport au précédent plan). Crédit Agricole va recruter plus de 2"000 collaborat­eurs pour réduire sa dépendance aux services externes et renforcer ses compétence­s technologi­ques, en particulie­r en cybersécur­ité et en intelligen­ce artificiel­le. Le groupe va aussi créer une « université du SI » afin d’assurer la formation aux nouvelles technologi­es de ses informatic­iens. Crédit Agricole va ouvrir 17 nouveaux Villages by CA en France et en Italie, portant à 46 le nombre de ses pépinières à startups, pour accélérer sa dynamique d’innovation. De quoi aider le groupe à atteindre l’objectif d’une croissance moyenne de 2,5 % des revenus par an à 22 milliards d’euros en 2022 (dont + 3 % en Grandes clientèles, institutio­nnels et grandes entreprise­s) et de 3 % par an du bénéfice net, qui devrait dépasser 5 milliards d’euros en 2022.

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[ALEXANDER POHL / NURPHOTO] Crédit Agricole entend allouer 15 milliards d’euros à sa transforma­tion technologi­que.
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[ERIC PIERMONT / AFP] Philippe Brassac, le DG de CA, veut une « banque digitale de référence ».

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