Airbus et ses sous-traitants en quête d’un modèle XXL
PRODUCTIVITÉ Le nouveau président d’Airbus, Guillaume Faury, a fait de la montée en cadence sa priorité n° 1. Déjà sous pression, la « supply chain » de la région toulousaine doit se réinventer, entre automatisation et production à l’étranger.
Les chiffres ont de quoi donner le tournis. En 2003, Airbus produisait 320 avions, puis 500 appareils en 2009 pour atteindre 800 livraisons l’an dernier. Cette croissance exponentielle de la production n’est pas près de s’arrêter. « La montée en cadence demeure ma principale priorité », a réaffirmé le président d’Airbus, Guillaume Faury, dans une interview au Monde en avril dernier. L’avionneur européen s’est fixé pour objectif de livrer entre 880 et 890 avions en 2019. La montée en cadence sera surtout portée par l’A320. Airbus espère produire 60 monocouloirs de cette famille d’avions dès cette année et pousser à terme jusqu’à 70 appareils, contre 50 A320 livrés en 2018. Dans la région toulousaine, qui concentre près du tiers des emplois dans l’aéronautique en France, les sous-traitants sont plus que jamais sous pression. « Il y a quelques années encore, la supply chain réalisait seulement 70"% de livraisons à l’heure » , se remémore Christophe Cabaret, directeur des opérations de l’association Space qui a mis en oeuvre pour le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) le programme Performance industrielle visant à améliorer les temps de livraison. « À l’issue du premier programme en 2017, nous avons divisé par deux la
non-performance et les 400 PME que nous avons accompagnées ont atteint plus de 85"% de livraisons à l’heure. Aujourd’hui, l’exigence est d’avoir au moins 95"% de livraisons à l’heure. C’est vital pour survivre dans cette jungle où l’on est tiraillé de toutes parts », ajoute-t-il.
Mais viser le zéro défaut, sans retard, tout en produisant beaucoup plus, est-ce vraiment possible%? « Nous arrivons à un moment où l’on a tellement tiré sur la corde que cela crée une rupture. Le moindre problème sur un site de production se traduit par des non-conformités sur les pièces. Cette nouvelle donne demande un changement de modèle », estime Yann Barbaux, président du pôle de compétitivité Aerospace Valley.
UN EFFORT DE ROBOTISATION
Pour suivre le rythme, la première piste engagée par les sous-traitants est d’automatiser une partie de leur production. Dernier exemple en date, Figeac Aero a inauguré, fin mars, son usine du futur dans laquelle la société a investi 37 millions d’euros. L’entreprise lotoise a décroché un contrat de 500 millions de dollars avec Safran pour produire les carters des moteurs Leap qui équiperont les A320neo d’Airbus et les Boeing 737 Max. Avec l’automatisation de l’usinage, Figeac Aero compte passer de 20 à 1%200 pièces produites par semaine d’ici à deux ans tout en réduisant les défauts. « Plus on automatise, plus on réduit la place de l’homme et plus on gagne en fiabilité, en qualité et en productivité. À terme, nous pourrions atteindre ainsi le zéro dérogation [procédure déclenchée en cas de non-qualité, ndlr] », expliquait lors de l’inauguration Jean-Claude Maillard, le PDG de l’entreprise.
Pour autant, automatiser ne veut pas forcément dire déshumaniser les usines. Liebherr-Aerospace, sous-traitant spécialisé dans les systèmes d’air aéronautiques et qui emploie 1%400 collaborateurs sur ses sites de Toulouse et Campsas (Tarn-et-Garonne), a annoncé en janvier 100 créations de postes après avoir recruté 50 personnes en 2018. Malgré une automatisation rapide, le sous-traitant de rang 1 recrute des usineurs capables de vérifier le travail des machines à commande numérique et des opérateurs de production pour les activités qui restent manuelles. De son côté, Latécoère a également ouvert en 2018 une usine robotisée à Montredon, près de Toulouse, qui réinternalise des pièces jusque-là sous-traitées. Le site est équipé de trois machines réalisant l’usinage de pièces d’aluminium et dotées d’une autonomie de dix-huit heures. Des robots sont positionnés en aval de la fabrication pour assurer le chargement de matière. Une centaine de salariés travaillent sur le site, prin
« L’exigence est d’avoir au moins 95 % de livraisons à l’heure. C’est vital pour survivre dans cette jungle où l’on est tiraillé de toutes parts » CHRISTOPHE CABARET,
DIRECTEUR DES OPÉRATIONS DE SPACE